Partir et s’installer à l’étranger, choisir une filière professionnelle ou académique exige un long travail de questionnement et de prospective. Pour se poser les bonnes questions et bien se décider rien ne vaut le contact avec les anciens plus expérimentés. Trois ENSAE –un étudiant, un dirigeant de BNP Londres et un économiste- ont choisi de vous faire partager leurs expériences.
|
Témoignages :
Les projets de deuxième année m’ont permis d’appliquer ces connaissances (mémoires de statistique appliquée, d’économie appliquée etc.), de façon plus fréquente que dans d’autres institutions. Certains de mes camarades de la LSE, qui ont fait leurs études undergraduate dans diverses universités européennes, avouent n’avoir jamais lancé une régression en pratique. Dans un souci d’approfondissement j’ai choisi de poursuivre ma formation en PhD à la London School of Economics, dont le Master of Research constituait un tremplin naturel pour m’engager dans la voie académique. Je suis ainsi parti au terme de ma deuxième année à l’ENSAE, profitant de la possibilité offerte aux étudiants en troisième année de partir étudier dans une université étrangère. Au-delà de la notoriété des institutions et la qualité des enseignements, Londres me permet aussi de rester aisément en contact avec mes attaches parisiennes.
Les études d’économie à la LSE
Les élèves sortant de l’ENSAE ont trois façons d’intégrer la LSE en Sciences Economiques : le Master of Science (MSc), le Master of Research (Mres) track 1 et le MRes track 2.
Le MSc offre une formation généraliste très abordable. Il n’a pas vocation à déboucher systématiquement sur une formation académique et est bien reconnu dans le monde de la banque et du conseil. Une mention (distinction) à ce master permet d’accéder directement en MRes track 2. Il convient donc parfaitement à des gens hésitant quant à leur orientation professionnelle. 100 à 150 personnes environ sont recrutées chaque année.
Le Master of Research est le passage incontournable pour entamer un PhD. Il existe deux voies d’admission. Le track 1 se déroule en de deux ans de cours suivis de deux ans ou plus de recherche pure. Le track 2 ne comprend qu’un an de cours et cible des étudiants qui ont déjà fait leurs preuves. 10 personnes environs sont recrutées en track 1 chaque année contre une trentaine en track 2.
Le track 1 est ouvert aux undergraduates ou au personnes ayant un master extérieur à la LSE (qui pourront parfois se voir proposer plutôt le track 2). La première année est dédiée aux trois cours fondamentaux (core courses): macroéconomie, microéconomie et économétrie, chacun étant nettement plus avancé que les cours équivalents enseignés en MSc. C’est une année exigeante et très formatrice. La deuxième année comprend notamment deux cours de spécialité au choix – économie du travail, théorie des jeux ou théorie monétaire par exemple – et de nombreux séminaires. Elle s’achève sur un mémoire (research paper), qui assez souvent s’avère au final contenir, à l’état d’ébauche, un des chapitres de la thèse à venir.
L’année de track 2 ressemble assez à la deuxième année de track 1 : il faut valider les même cours fondamentaux qu’en track 1. C’est pourquoi cette filière attire surtout des élèves venant du MSc de la LSE qui ont parfois été autorisés à substituer un de leurs cours fondamentaux par son équivalent MRes. Une fois en track 2, ils n’ont plus besoin de repasser cet examen et peuvent choisir un cours de spécialité à la place.
Les financements
L’ESRC, organisme de recherche en sciences sociales rattaché au gouvernement britannique, est en train de reconnaître les diplômes des Grandes Ecoles ce qui devrait encore faciliter l’admission de nos élèves. Elle exige un projet de recherche et offre en contrepartie de nombreux financements aux étudiants admis en payant leurs frais de scolarité à hauteur de £3000 environ (mais la LSE offre la différence si les fees excèdent cette limite, comme c’est le cas pour la première année de track 1). Sauf erreur, c’est l’organisme auprès duquel les étudiants français on le plus de chance d’obtenir un financement. La LSE offre aussi une quantité très limitée de financements, mais se définit comme le dernier recours.
Noter aussi que le Teaching Assistantship (TA) est ouvert à tous les élèves de recherche (quoique ce soit plutôt déconseillé aux élèves de première année de track 1 et est rémunéré environ £40 de l’heure. L’offre de postes dépasse la demande, de sorte que certains étudiants de MSc sont également recrutés.
Enfin, il est possible de postuler comme Research Assistant auprès de professeurs de la LSE, soit pendant l’année scolaire, soit pendant les vacances. C’est relativement bien payé également.
Guillaume Cornut, Head of options, exotics and hybrids for Europe, BNP Paribas
Après deux années de classe préparatoire scientifique j’ai intégré l’ENS Lyon (1989). J’y ai retrouvé le temps de cultiver mon goût pour les disciplines littéraires. Cherchant à concilier cette ouverture aux sciences humaines et mes savoir-faire mathématiques j’ai rejoins l’ENSAE en deuxième année (1992). D’une façon générale, on y travaille et apprend beaucoup. Le cours de synthèse a constitué un excellent plus de cette formation. L’Ecole a aussi l’avantage unique de compter parmi ses enseignants des personnalités venues de tous les secteurs de la finance. Un regret toutefois : l’absence de campus et le déficit de vie de promotion qui en résulte. L’ENS m’avait beaucoup apporté de ce coté là.
J’ai effectué un premier stage en trading chez JP Morgan en 1993 avant de rejoindre Paribas sous l’impulsion de Bruno Dupire, alors responsable de la recherche. Il avait l’intuition géniale que les produits exotiques constituaient l’avenir de la finance quantitative et que l’on aurait de plus en plus besoin de matheux dans ce secteur. J’ai donc été trader sur les exotiques de swap en zone franc à Paris jusqu’en 1997. En vue de la création de l’euro cette activité s’est repositionnée à Londres fin 1997. J’ai accompagné ce mouvement en travaillant sur le desk taux euro. En 2000 je suis devenu responsable de l’ensemble des produits exotiques européens. Après la fusion avec BNP j’ai étendu mon champ d’action aux options et aux produits intégrant l’inflation. Depuis 2006 je supervise aussi le trading sur les exotiques de la zone dollar et les produits hybrides taux-equity et taux-crédit.
J’ai eu la chance d’accompagner la montée en puissance des produits exotiques. J’ai bénéficié du pari de Bruno Dupire qui avait compris que les maths allaient changer la face de la finance de marché. Le secteur des exotiques est toujours très porteur pour les jeunes diplômés de l’Ecole : valorisant au mieux les compétences quantitatives, il est aussi celui qui résiste le mieux à l’érosion des marges, conséquence naturelle de la concurrence entre les équipes de recherche des différentes banques positionnées sur ces marchés. A Londres le label ENSAE -tout comme le label El-Karoui- constitue un précieux ticket d’entrée. Les savoir-faire et l’éthique d’excellence des grandes écoles font recettes en s’accommodant fort bien du souci d’efficacité et du dynamisme inhérent au monde anglo-saxon. BNP-Paribas a été un précurseur en ce domaine et continue à revendiquer ces valeurs aujourd’hui.
J’insiste sur la transformation qu’a connue le métier de trader : il n’est plus l’apanage d’aventuriers un peu fous comptant gagner beaucoup d’argent en se fiant simplement à leur flair. Il valorise aujourd’hui des spécialistes très pointus capables de pricer des produits sans cesse plus complexes. En voici un exemple :
Pour une contrepartie qui anticipe une repentification de la courbe des taux, ainsi qu’une surperformance des indices actions, nous proposons de lui payer, au cours des 10 prochaines années et en échange d’un taux sans risque :
5 x (taux de swap 10y – taux de swap 2y), avec un minimum de 2%, et un maximum correspondant à la performance cumulée de l’Eurostoxx50 depuis la date de départ de l’opération. En outre, si la somme de ses coupons atteint 50%, l’opération s’arrête automatiquement.
Il était presque inenvisageable de proposer ce genre de produit il y a quelques années. Aujourd’hui, seules l’imagination et la capacité d’appliquer les plus récents développements des mathématiques financières limitent la complexité des opérations.
Jérôme Adda, économiste à University College London et Institute for Fiscal Studies.
Carrière
Diplômé de l’Agro (1991), j’ai poursuivi ma formation à l’ENSAE. L’enseignement de l’Ecole a su combler mon goût pour les sciences humaines et mon impératif de rigueur mathématique et statistique. A ma sortie (1992), mon désir d’appréhender en profondeur les choses m’a naturellement conduit à m’engager dans la recherche en Economie. Jeune docteur (Paris-I 1995) en quête d’une ambiance de travail stimulante et méritocratique, j’ai rejoint le département d’Economie de UCL et l’Institute for Fiscal Studies (IFS) en 1999, après un début de carrière à l’INRA.
Les opportunités de carrières après un PhD en Economie
Le premier grade accessible dans une université britannique à un jeune docteur en Economie est un poste de Lecturer. Il s’agit d’un contrat à durée déterminée (3 ans) une fois renouvelable. Le titulaire du poste doit à la fois enseigner et participer activement à l’activité de recherche de son département
Pour y accéder, le doctorant doit postuler en envoyant des candidatures dans les universités en octobre. A ce stade la plupart des candidats sont sur le point de soutenir leur thèse. Une présélection sur dossier et entretien s’effectue à la conférence de l’American Economic Association (AEA) debut Janvier. Elle est suivie d’un entretien avec les responsables du département puis d’une présentation en séminaire du job market paper en janvier ou février.
A l’issue des 6 ans, le chercheur doit remettre sa position en jeu pour devenir Reader ou Associate Professor. S’il décroche sa tenure, il bénéficiera d’un contrat à durée indéterminée auprès de son département.
Le partage entre l’enseignement et la recherche est encadré par des règles fixes. Toutefois un jeune chercheur soucieux de mettre plus particulièrement l’accent sur la recherche peut racheter ses crédits d’enseignements auprès de l’agence nationale de la recherche en économie (ESRC).
Les universités et centre de recherche.
UCL : Fondé en 1828 par Ricardo, le Département des Sciences Economiques connaît une seconde jeunesse après l’arrivée de Richard Blundell au milieu des années 80 et est aujourd’hui classé ex aequo avec la London School of Economics. Il constitue un centre majeur au niveau mondial en économétrie, théorie des jeux, économie du travail et de l’éducation et en évaluation des politiques économiques. Ses séminaires attirent les plus grands universitaires nord-américains et européens. Il cogère un certain nombre de laboratoires avec IFS (cf. ci-dessus) qui est l’acteur incontournable dans l’évaluation de la politique économique/budgétaire du gouvernement britannique.
IFS : Depuis 34 ans Institute for Fiscal Studies analyse la politique budgétaire et microéconomique de la Grande-Bretagne. En contact direct avec le Trésor et la cabinet fantôme, il a su construire auprès des institutions et des médias britanniques une réputation de fiabilité et d’indépendance sur les grands sujets de politiques économiques : la fiscalité, le système de répartition, les retraites, les inégalités, la régulation de la concurrence, les politiques de l’éducation. L’institut recrute des économistes à temps plein ou associe à ses travaux des universitaires (research fellows). Il cogère avec UCL un certain nombre de centres de recherches.