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Confessions d'une mangeuse d'âmes
De fait, j’avais avalé son âme à grands coups de caresses, à grands coups de mirages. Ma séduction se dévoilait ensorcellement, fascination d’autant que ma sincérité y reflétait la sienne, mon engagement, le sien. Mais ma magie l’attachait quand elle me laissait libre. Éblouie, envoûtée, elle cherchait chaque jour à donner toujours plus afin de mieux m’assouvir, j’étais un dieu méprisant et cruel. J’avais grignoté ses rêves, englouti ses espoirs, ingurgité ses cauchemars, gobé ses peurs, mastiqué ses souvenirs, dégluti son histoire, sucé ses futurs un à un... Il ne restait rien. Le corps ne pouvait que suivre.
Plus tard, j’avais mis des mots sur ce que j’étais, j’étais une mangeuse d’âme. Je me considérais meurtrière déjà d’au moins cinq personnes.
On me prodigua encore et encore des cachets colorés, essayant ainsi de raviver l’anthracite brisé de mon regard absent.
Passèrent alors quinze ans. Jusqu’à récemment, où un nouveau psychiatre avait voulu me soigner. Aujourd’hui, il était mort. Je suis la dernière personne à l’avoir vu.
ENSAE (1985), Polytechnicien, docteur en philosophie, aujourd’hui chercheur associé au Fonds Ricoeur, auteur de nombreux articles académiques en économie et en philosophie, Jean-Paul Nicolaï nous livre ici un premier roman qui plonge le lecteur dans un imaginaire puissant, proposant une réalité filtrée par la vision de Lucille qui a passé quinze ans en hôpital psychiatrique, persuadée de manger l’âme de tous ceux qui viennent à elle, de tuer tous ceux qu’elle aime. Comme ce psychiatre retrouvé mort ?