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15 décembre 2015
Evolution du cadre réglementaire du métier de gérant : impacts prévisibles
Publié par
ENSAE
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Arnaud Faller (1989), Directeur des Investissements, CPR Asset ManagementPrésident de la commission Techniques des gestions, AFG.
Le métier de gestionnaire d’actifs s’inscrit, notamment depuis la crise, dans un cadre de plus en plus réglementé. Au droit français des OPCVM s’ajoutent les Directives européennes, mais aussi celles relatives aux différents types de clientèles, notamment assurances et fonds de pension, qui octroient des mandats aux sociétés de gestion. Au-delà de la classique optimisation rentabilité/risque, ces dernières doivent ainsi disposer d’une parfaite connaissance du cadre réglementaire de leurs clients, afin d’intégrer ces nouvelles contraintes dans la gestion de leurs portefeuilles et d’offrir des solutions adaptées.
Le métier de gestionnaire de portefeuille se distingue fondamentalement de celui de trader pour compte propre : le premier gère pour le compte d’autrui, que ce soit une personne physique ou un investisseur institutionnel, alors que le second ne réalise des opérations que pour le compte de l’établissement qui l’emploie.
Le gestionnaire a pour but la satisfaction de son client au travers de la réalisation de l’objectif de gestion assigné tandis que le trader se consacre exclusivement à l’achèvement de son budget défini en début d’année. Les responsabilités, si elles sont importantes dans les deux cas, sont différentes.
Du coup, l’autre différence tient au « terrain de jeu » rigoureusement encadré dans le métier de gestion d’actifs. Le cadre réglementaire est défini à plusieurs niveaux : textes européens (les « directives européennes »), mais aussi textes français (textes de lois et règlement général de l’AMF). Ce cadre réglementaire commun régule l’ensemble des OPCVM, qu’il s’agisse des Sicav, des FCP ou des FCPR (fonds de private equity). Des réglementations propres à certaines catégories d’investisseurs viennent ensuite s’ajouter, telles que le règlement financier Agirc/Arrco pour les caisses de retraites ou le Code des assurances régissant les placements des assurances ou des mutuelles.
Le gérant d’actifs se doit, dès lors, de connaître parfaitement, non seulement la réglementation s’appliquant directement aux OPCVM, mais aussi celle qui gouverne les placements de ses clients, qui lui ont confié des mandats de gestion.
Cette tâche est devenue plus difficile dans les dernières années de par le « tsunami » réglementaire auquel on a pu assister : l’intervention des régulateurs s’est en effet amplifiée avec la dernière crise financière de 2007/2008.
Cet article n’a pas l’ambition d’être exhaustif, mais cherche simplement, au travers d’exemples, à donner un aperçu des différents niveaux de réglementation du métier de gérant.
Nous allons d’abord étudier les différents buts des réglementions actuelles et en cours d’élaboration, puis nous nous pencherons sur les impacts prévisibles du cadre réglementaire qui est en train de se mettre en place, dans ses éléments communs puis spécifiques à certains types d’investisseurs.
Le but des différentes réglementations
Le but essentiel de l’ensemble des réglementations européennes et françaises a toujours été, et demeure, de protéger l’investisseur, notamment la personne physique (la fameuse «veuve de Carpentras»), qui ne doit jamais voir son épargne mise en danger.
Dès lors, l’investisseur, averti ou non, doit toujours être conscient de la nature de son investissement, notamment du niveau de risque qu’il supporte. Le « document d’information clef pour l’investisseur » (le DICI en français ou Kid en anglais), présentation synthétique du produit d’épargne créée par la Directive européenne UCIT IV et désormais commune à l’ensemble des pays de l’Union Européenne, se doit de mentionner clairement le niveau de risque (le SRRI[1]) gradué sur une échelle de 0 à 9, correspondant au niveau de volatilité du portefeuille (malgré beaucoup de critiques, la volatilité est encore la mesure du risque simple la plus pertinente).
La réglementation impose que l’ensemble des stratégies soient explicitement mentionnées : par exemple, le poids maximum alloué aux actions des pays émergents doit être indiqué, ainsi que celui affecté aux obligations de catégories haut rendement (notation inférieur à BBB-). Tous les risques importants doivent être repris dans ce document. Cette transparence permet à tout investisseur de connaître, par grandes masses, la nature des risques pris, la géographie des investissements, le rating des obligations achetées…
Pour autant, un débat commence à se faire jour sur les techniques de gestions utilisées dans les fonds orientés vers le grand public. S’il est clair que le niveau de risque pris doit être parfaitement en accord avec l’objectif de gestion, le client final doit-il pour autant avoir une parfaite connaissance des stratégies utilisées, par exemple sur les dérivés, qu’ils soient simples ou complexes ? Si l’on fait l’analogie avec l’univers de la technologie, demande-t-on à un adulte ou à un enfant, désormais fréquent utilisateur des tablettes numériques, de connaître l’ensemble des circuits électroniques utilisés pour lui permettre de naviguer si aisément sur le net ?
Il s’agit de trouver un juste équilibre entre l’information utile et l’information trop technique, difficilement compréhensible et qui peut d’ailleurs masquer l’information importante.
Il nous semble que la réglementation se doit bien sûr en premier lieu d’encadrer l’univers des possibles, qu’il recouvre la nature des classes d’actifs (actions, obligations, devises), leur orientation géographique, leur qualité de crédit…, mais aussi de favoriser l’innovation grâce à des techniques de gestion non classiques, simples ou sophistiquées (ou en tout cas non réplicables par des investissements classiques). Ainsi, du côté des actions, les stratégies à base de volatilité ont su montrer leur intérêt lors des récentes crises et du côté du crédit, les stratégies sur dérivés d’indices Itraxx Invesment Grade ou Cross Over ont gardé une liquidité presque parfaite en 2008, contrairement aux obligations cash qui voyaient leurs fourchettes de prix s’écarter considérablement.
Le cadre réglementaire commun
L’Union européenne a décidé, depuis une vingtaine d’années, de donner un cadre commun aux OPCVM : ce sont les désormais fameuses directives UCITS III et actuellement UCITS IV qui régissent les fonds coordonnés[2]. L’idée est bien sûr d’harmoniser les règles et de permettre une circulation aisée des fonds gérés par une société d’un pays donné vers l’ensemble des autres pays (l’idée de marché unique européen).
UCITS IV a notamment autorisé le « passeport » européen permettant à des fonds agréés par une autorité de régulation locale d’être commercialisés facilement dans d’autres pays sans agrément supplémentaire. Ceci a constitué une belle avancée pour l’ensemble de la gestion d’actifs, notamment la gestion française, qui a effectué une très bonne percée à l’international en distinguant nettement le métier de gestionnaire de celui de distributeur. Ainsi, le savoir-faire reconnu de la gestion française a pu trouver des marchés à l’export au travers de réseaux étrangers de distribution de produits d’épargne.
Il est intéressant de repérer deux philosophies différentes, entre le modèle anglo-saxon et le modèle français, relativement aux phases de discussions entre autorités de tutelles et professionnels :
À titre d’exemple, un enjeu important se fait jour actuellement suite aux interrogations sur le «shadow banking » nées au niveau mondial (Fed et SEC comprise) de la crise de 2008 et de la faillite de la banque Lehman Brothers : les OPCVM monétaires concourent-ils aux risques systémiques ou demeurent-ils des OPCVM comme les autres ?
Il existe deux modes de gestion monétaire en Europe :
Notre réponse, au sein de l’AFG[3], est clairement de dire que les OPCVM à valeur liquidative variable doivent être traités comme les autres OPCVM. Alors que les OPCVM à valeur liquidative constante doivent subir un encadrement plus précis, notamment par des exigences de capital pour absorber d’éventuelles baisses de valeur liquidatives, qui devraient forcément avoir lieu en cas de dégradation sévère des spreads de crédit des émetteurs en portefeuilles.
Globalement, la réglementation UCITS devient de plus en plus une « marque », qui est très utile pour commercialiser les OPCVM de droit européen à l’international, notamment en Asie ; le Luxembourg en particulier est le pays qui s’appuie le plus sur cette marque pour exporter son expertise.
A côté de la directive UCITS, pour les fonds coordonnés, la directive AIFM prévoit l’encadrement des fonds non UCITS, plutôt (mais pas uniquement) destinés à une clientèle de professionnels. Même si le « A » de l’acronyme signifie « alternatif », ces fonds ne se restreignent pas du tout aux fonds alternatifs (hedge funds), mais pourront utiliser des univers et des techniques plus larges que les fonds UCITS (par exemple détenir des prêts, classe d’actifs en fort développement, ou traiter des dérivés sur les matières premières). Les possibilités, en la matière, qui seront propres à chacun des pays, sont en cours d’élaboration et devront aboutir au cours de l’été 2013.
Les cadres réglementaires spécifiques
À côté de règles communes, qui s’imposent à tous les OPCVM ouverts, coexistent bien sûr des règles spécifiques, propres à certaines catégories d’investisseurs ou secteurs d’activités. Bien évidemment, ces règles ne se substituent pas, mais se superposent, rendant le métier du gérant un peu plus « polyglotte ». Il s’agit pour lui d’apprendre ainsi d’autres langues, comme par exemple celle propre aux assureurs ? règle franco -française du Code des assurances, par exemple le traitement des réserves techniques, mais aussi le nouveau cadre réglementaire en cours de finalisation « Solvabilité II »[4] ? ou aux caisses de retraites comme le règlement financier de l’Agirc/Arrco (où l’objectif de protection des réserves limite le poids des actions à 40%).
Ainsi, la parfaite connaissance de cette « nouvelle langue » qu’est « Solvabilité II » permet au gérant, selon une logique concurrentielle assez distinctive, d’échanger plus efficacement avec son client assureur, de comprendre ses besoins, de lui proposer des conseils, des solutions d’investissements ou d’offrir un reporting adéquat.
À notre sens, il ne faut pas se tromper de priorité : un gérant sera toujours jugé sur sa capacité à délivrer une bonne performance dans un cadre de risque maîtrisé, mais il le sera également sur sa capacité à tenir compte des contraintes propres à chacun de ses clients et à adapter en conséquence son allocation d’actifs, ses stratégies, ses produits. Ainsi, nous conseillons de traiter la consommation en fonds propres (le fameux SCR de la directive « Solvabilité II ») comme contrainte et non comme critère d’optimisation.
L’investisseur peut en plus, bien sûr, imposer un cahier des charges plus restrictif que celui de la réglementation de son secteur d’activité.
De façon générale, l’optimisation de réglementations peut toutefois amener l’investisseur à se fourvoyer soit parce que le produit n’est pas adapté au fort besoin de rendement actuel, soit parce que la performance financière (à l’image de certains produits de défiscalisation) est annulée par le montant de diverses commissions.
Les Etats-Unis ont également tiré les leçons des crises : les régulateurs américains ont pris des initiatives en matière de contrôle des investissements réalisés par les résidents américains, au travers de l’ensemble des supports, qu’ils soient de droit américain ou non. Ainsi, la loi FATCA, qui vise à lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des avoirs financiers à l’étranger, touche également les OPCVM de droits français (phénomène d’extraterritorialité) : les sociétés de gestion françaises pourront se voir imposer des obligations déclaratives sur les revenus versés aux contribuables américains, voire faire l’objet elles-mêmes d’un prélèvement en amont d’une taxe punitive de 30% sur tous les paiements reçus d’une source américaine.
En conclusion, le métier de gérant a évolué au cours du temps, puisqu’il doit désormais inclure plusieurs chapitres de réglementations européennes, française ou spécifiques à certaines catégories d’investisseurs.
L’élaboration des différents textes qui régulent la gestion d’actifs subit parfois des pressions orientées issues des différents lobbyings, auxquelles il s’agit de prêter beaucoup d’attention dans un univers concurrentiel bien dense.
Désormais, l’optimisation performance/risque classique avec un univers des possibles bien précisé et un budget de risque déterminé en amont, doit s’accompagner de la prise en compte de contraintes supplémentaires, issues des diverses réglementations. La bonne compréhension de ces dernières constitue ainsi un atout concurrentiel déterminant pour le gérant.
[1] SRRI : synthetic risk and reward indicator, indicateur synthétique de risque et de performance
[2] Fonds coordonnés : Fonds Conforme à la Directive européenne UCIT 4
[3] AFG : Association Française de Gestion, association de professionnels regroupant l’ensemble des sociétés de gestion basées à Paris
[4] NDLR : voir à ce sujet l’article de Michel Piermay dans le numéro 41 de Variances
Le métier de gestionnaire d’actifs s’inscrit, notamment depuis la crise, dans un cadre de plus en plus réglementé. Au droit français des OPCVM s’ajoutent les Directives européennes, mais aussi celles relatives aux différents types de clientèles, notamment assurances et fonds de pension, qui octroient des mandats aux sociétés de gestion. Au-delà de la classique optimisation rentabilité/risque, ces dernières doivent ainsi disposer d’une parfaite connaissance du cadre réglementaire de leurs clients, afin d’intégrer ces nouvelles contraintes dans la gestion de leurs portefeuilles et d’offrir des solutions adaptées.
Le métier de gestionnaire de portefeuille se distingue fondamentalement de celui de trader pour compte propre : le premier gère pour le compte d’autrui, que ce soit une personne physique ou un investisseur institutionnel, alors que le second ne réalise des opérations que pour le compte de l’établissement qui l’emploie.
Le gestionnaire a pour but la satisfaction de son client au travers de la réalisation de l’objectif de gestion assigné tandis que le trader se consacre exclusivement à l’achèvement de son budget défini en début d’année. Les responsabilités, si elles sont importantes dans les deux cas, sont différentes.
Du coup, l’autre différence tient au « terrain de jeu » rigoureusement encadré dans le métier de gestion d’actifs. Le cadre réglementaire est défini à plusieurs niveaux : textes européens (les « directives européennes »), mais aussi textes français (textes de lois et règlement général de l’AMF). Ce cadre réglementaire commun régule l’ensemble des OPCVM, qu’il s’agisse des Sicav, des FCP ou des FCPR (fonds de private equity). Des réglementations propres à certaines catégories d’investisseurs viennent ensuite s’ajouter, telles que le règlement financier Agirc/Arrco pour les caisses de retraites ou le Code des assurances régissant les placements des assurances ou des mutuelles.
Le gérant d’actifs se doit, dès lors, de connaître parfaitement, non seulement la réglementation s’appliquant directement aux OPCVM, mais aussi celle qui gouverne les placements de ses clients, qui lui ont confié des mandats de gestion.
Cette tâche est devenue plus difficile dans les dernières années de par le « tsunami » réglementaire auquel on a pu assister : l’intervention des régulateurs s’est en effet amplifiée avec la dernière crise financière de 2007/2008.
Cet article n’a pas l’ambition d’être exhaustif, mais cherche simplement, au travers d’exemples, à donner un aperçu des différents niveaux de réglementation du métier de gérant.
Nous allons d’abord étudier les différents buts des réglementions actuelles et en cours d’élaboration, puis nous nous pencherons sur les impacts prévisibles du cadre réglementaire qui est en train de se mettre en place, dans ses éléments communs puis spécifiques à certains types d’investisseurs.
Le but des différentes réglementations
Le but essentiel de l’ensemble des réglementations européennes et françaises a toujours été, et demeure, de protéger l’investisseur, notamment la personne physique (la fameuse «veuve de Carpentras»), qui ne doit jamais voir son épargne mise en danger.
Dès lors, l’investisseur, averti ou non, doit toujours être conscient de la nature de son investissement, notamment du niveau de risque qu’il supporte. Le « document d’information clef pour l’investisseur » (le DICI en français ou Kid en anglais), présentation synthétique du produit d’épargne créée par la Directive européenne UCIT IV et désormais commune à l’ensemble des pays de l’Union Européenne, se doit de mentionner clairement le niveau de risque (le SRRI[1]) gradué sur une échelle de 0 à 9, correspondant au niveau de volatilité du portefeuille (malgré beaucoup de critiques, la volatilité est encore la mesure du risque simple la plus pertinente).
La réglementation impose que l’ensemble des stratégies soient explicitement mentionnées : par exemple, le poids maximum alloué aux actions des pays émergents doit être indiqué, ainsi que celui affecté aux obligations de catégories haut rendement (notation inférieur à BBB-). Tous les risques importants doivent être repris dans ce document. Cette transparence permet à tout investisseur de connaître, par grandes masses, la nature des risques pris, la géographie des investissements, le rating des obligations achetées…
Pour autant, un débat commence à se faire jour sur les techniques de gestions utilisées dans les fonds orientés vers le grand public. S’il est clair que le niveau de risque pris doit être parfaitement en accord avec l’objectif de gestion, le client final doit-il pour autant avoir une parfaite connaissance des stratégies utilisées, par exemple sur les dérivés, qu’ils soient simples ou complexes ? Si l’on fait l’analogie avec l’univers de la technologie, demande-t-on à un adulte ou à un enfant, désormais fréquent utilisateur des tablettes numériques, de connaître l’ensemble des circuits électroniques utilisés pour lui permettre de naviguer si aisément sur le net ?
Il s’agit de trouver un juste équilibre entre l’information utile et l’information trop technique, difficilement compréhensible et qui peut d’ailleurs masquer l’information importante.
Il nous semble que la réglementation se doit bien sûr en premier lieu d’encadrer l’univers des possibles, qu’il recouvre la nature des classes d’actifs (actions, obligations, devises), leur orientation géographique, leur qualité de crédit…, mais aussi de favoriser l’innovation grâce à des techniques de gestion non classiques, simples ou sophistiquées (ou en tout cas non réplicables par des investissements classiques). Ainsi, du côté des actions, les stratégies à base de volatilité ont su montrer leur intérêt lors des récentes crises et du côté du crédit, les stratégies sur dérivés d’indices Itraxx Invesment Grade ou Cross Over ont gardé une liquidité presque parfaite en 2008, contrairement aux obligations cash qui voyaient leurs fourchettes de prix s’écarter considérablement.
Le cadre réglementaire commun
L’Union européenne a décidé, depuis une vingtaine d’années, de donner un cadre commun aux OPCVM : ce sont les désormais fameuses directives UCITS III et actuellement UCITS IV qui régissent les fonds coordonnés[2]. L’idée est bien sûr d’harmoniser les règles et de permettre une circulation aisée des fonds gérés par une société d’un pays donné vers l’ensemble des autres pays (l’idée de marché unique européen).
UCITS IV a notamment autorisé le « passeport » européen permettant à des fonds agréés par une autorité de régulation locale d’être commercialisés facilement dans d’autres pays sans agrément supplémentaire. Ceci a constitué une belle avancée pour l’ensemble de la gestion d’actifs, notamment la gestion française, qui a effectué une très bonne percée à l’international en distinguant nettement le métier de gestionnaire de celui de distributeur. Ainsi, le savoir-faire reconnu de la gestion française a pu trouver des marchés à l’export au travers de réseaux étrangers de distribution de produits d’épargne.
Il est intéressant de repérer deux philosophies différentes, entre le modèle anglo-saxon et le modèle français, relativement aux phases de discussions entre autorités de tutelles et professionnels :
- soit l’élaboration des «règles du jeu» fait déjà partie du « match » (concurrence entre gestionnaires pour capter l’épargne des investisseurs) et les moyens accordés aux lobbyistes sont très importants en amont, comme aux Etats-Unis ;
- soit elle se fait plutôt en commun avant le début du « match » et la concurrence entre sociétés de gestion d’actifs ne commence qu’à ce stade.
À titre d’exemple, un enjeu important se fait jour actuellement suite aux interrogations sur le «shadow banking » nées au niveau mondial (Fed et SEC comprise) de la crise de 2008 et de la faillite de la banque Lehman Brothers : les OPCVM monétaires concourent-ils aux risques systémiques ou demeurent-ils des OPCVM comme les autres ?
Il existe deux modes de gestion monétaire en Europe :
- soit les intérêts sont capitalisés et la valeur liquidative fluctue avec le mark to market. Ce sont des OPCVM dénommés VNAV (Variable net asset value, gestion à la française) ;
- soit ses intérêts sont distribués et la valeur liquidative reste constante, même si les cours des titres en portefeuille s’éloignent du pair. Ce sont alors des OPCVM dénommés CNAV (Constant net asset value).
Notre réponse, au sein de l’AFG[3], est clairement de dire que les OPCVM à valeur liquidative variable doivent être traités comme les autres OPCVM. Alors que les OPCVM à valeur liquidative constante doivent subir un encadrement plus précis, notamment par des exigences de capital pour absorber d’éventuelles baisses de valeur liquidatives, qui devraient forcément avoir lieu en cas de dégradation sévère des spreads de crédit des émetteurs en portefeuilles.
Globalement, la réglementation UCITS devient de plus en plus une « marque », qui est très utile pour commercialiser les OPCVM de droit européen à l’international, notamment en Asie ; le Luxembourg en particulier est le pays qui s’appuie le plus sur cette marque pour exporter son expertise.
A côté de la directive UCITS, pour les fonds coordonnés, la directive AIFM prévoit l’encadrement des fonds non UCITS, plutôt (mais pas uniquement) destinés à une clientèle de professionnels. Même si le « A » de l’acronyme signifie « alternatif », ces fonds ne se restreignent pas du tout aux fonds alternatifs (hedge funds), mais pourront utiliser des univers et des techniques plus larges que les fonds UCITS (par exemple détenir des prêts, classe d’actifs en fort développement, ou traiter des dérivés sur les matières premières). Les possibilités, en la matière, qui seront propres à chacun des pays, sont en cours d’élaboration et devront aboutir au cours de l’été 2013.
Les cadres réglementaires spécifiques
À côté de règles communes, qui s’imposent à tous les OPCVM ouverts, coexistent bien sûr des règles spécifiques, propres à certaines catégories d’investisseurs ou secteurs d’activités. Bien évidemment, ces règles ne se substituent pas, mais se superposent, rendant le métier du gérant un peu plus « polyglotte ». Il s’agit pour lui d’apprendre ainsi d’autres langues, comme par exemple celle propre aux assureurs ? règle franco -française du Code des assurances, par exemple le traitement des réserves techniques, mais aussi le nouveau cadre réglementaire en cours de finalisation « Solvabilité II »[4] ? ou aux caisses de retraites comme le règlement financier de l’Agirc/Arrco (où l’objectif de protection des réserves limite le poids des actions à 40%).
Ainsi, la parfaite connaissance de cette « nouvelle langue » qu’est « Solvabilité II » permet au gérant, selon une logique concurrentielle assez distinctive, d’échanger plus efficacement avec son client assureur, de comprendre ses besoins, de lui proposer des conseils, des solutions d’investissements ou d’offrir un reporting adéquat.
À notre sens, il ne faut pas se tromper de priorité : un gérant sera toujours jugé sur sa capacité à délivrer une bonne performance dans un cadre de risque maîtrisé, mais il le sera également sur sa capacité à tenir compte des contraintes propres à chacun de ses clients et à adapter en conséquence son allocation d’actifs, ses stratégies, ses produits. Ainsi, nous conseillons de traiter la consommation en fonds propres (le fameux SCR de la directive « Solvabilité II ») comme contrainte et non comme critère d’optimisation.
L’investisseur peut en plus, bien sûr, imposer un cahier des charges plus restrictif que celui de la réglementation de son secteur d’activité.
De façon générale, l’optimisation de réglementations peut toutefois amener l’investisseur à se fourvoyer soit parce que le produit n’est pas adapté au fort besoin de rendement actuel, soit parce que la performance financière (à l’image de certains produits de défiscalisation) est annulée par le montant de diverses commissions.
Les Etats-Unis ont également tiré les leçons des crises : les régulateurs américains ont pris des initiatives en matière de contrôle des investissements réalisés par les résidents américains, au travers de l’ensemble des supports, qu’ils soient de droit américain ou non. Ainsi, la loi FATCA, qui vise à lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des avoirs financiers à l’étranger, touche également les OPCVM de droits français (phénomène d’extraterritorialité) : les sociétés de gestion françaises pourront se voir imposer des obligations déclaratives sur les revenus versés aux contribuables américains, voire faire l’objet elles-mêmes d’un prélèvement en amont d’une taxe punitive de 30% sur tous les paiements reçus d’une source américaine.
En conclusion, le métier de gérant a évolué au cours du temps, puisqu’il doit désormais inclure plusieurs chapitres de réglementations européennes, française ou spécifiques à certaines catégories d’investisseurs.
L’élaboration des différents textes qui régulent la gestion d’actifs subit parfois des pressions orientées issues des différents lobbyings, auxquelles il s’agit de prêter beaucoup d’attention dans un univers concurrentiel bien dense.
Désormais, l’optimisation performance/risque classique avec un univers des possibles bien précisé et un budget de risque déterminé en amont, doit s’accompagner de la prise en compte de contraintes supplémentaires, issues des diverses réglementations. La bonne compréhension de ces dernières constitue ainsi un atout concurrentiel déterminant pour le gérant.
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[1] SRRI : synthetic risk and reward indicator, indicateur synthétique de risque et de performance
[2] Fonds coordonnés : Fonds Conforme à la Directive européenne UCIT 4
[3] AFG : Association Française de Gestion, association de professionnels regroupant l’ensemble des sociétés de gestion basées à Paris
[4] NDLR : voir à ce sujet l’article de Michel Piermay dans le numéro 41 de Variances
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