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28 juin 2019
Le marché des obligations indexées sur l’inflation - Entretien avec Raoul Salomon (ENSAE 1988)
Publié par
Eric Ralaimiadana
| Taux d'intérêt
Raoul, peux-tu nous rappeler brièvement ton parcours et l’origine de ta spécialisation sur le marché des obligations indexées ?
Après avoir commencé ma carrière dans la recherche, j’ai été économiste puis trader sur la dette de l’Etat. J’ai été embauché début 1996 par Barclays qui avait l’ambition de devenir une banque de marché de premier plan. Barclays, en tant que banque britannique, était déjà un des acteurs principaux sur les marchés des obligations britanniques indexées sur l’inflation depuis 1981. Les équipes de Barclays ont proposé cette idée au Trésor américain qui l’a retenue dès 1997. Tout naturellement, le Trésor français a été ensuite approché. La première OATi (indexée sur l’inflation française hors tabac) a vu le jour en 1998. Nous avons ensuite conseillé l’Agence France Trésor dans la construction d’une courbe des taux réels et proposé des OATei (indexées sur l’inflation européenne hors tabac) dès 2002. Il suffisait d’avoir fait un peu d’économie et de finance pour comprendre qu’un investissement qui garantit le pouvoir d’achat était promis à un bel avenir. La plupart des pays européens ont suivi l’exemple français : Allemagne, Italie, Grèce, Espagne. Même le Japon, pays de la déflation, a émis des obligations indexées sur l’inflation.
Qui sont les acteurs en présence, quels sont les besoins (l’offre/la demande), et quelle est la profondeur de ce marché ? Question subsidiaire, on parle presque exclusivement des emprunts d’Etat, quels autres émetteurs ont des besoins ailleurs en Europe continentale et au Royaume-Uni ?
Les principaux émetteurs d’obligations indexées sur l’inflation sont les Etats. En effet pour beaucoup, une très large majorité de leurs recettes est implicitement indexée à l’évolution générale des prix (recettes de TVA, impôts sur le revenu via une boucle prix-salaire, …). Emettre de la dette indexée sur l’inflation a un sens dans le cadre d’une bonne gestion actif/passif. Beaucoup des grands pays industrialisés ont un programme de dette indexée (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne, Japon), plusieurs pays émergents ont des programmes similaires (le Brésil par exemple). Un certain nombre d’agences émettent aussi de la dette indexée sur l’inflation pour les mêmes raisons (CADES par exemple). Peu d’entreprises se sont aventurées sur ce marché, la corrélation entre chiffre d’affaires et évolution générale des prix étant souvent très faible. Enfin, au Royaume-Uni, quelques « utilities » [1] ont émis de la dette indexée longue, souvent liée à des concessions avec une référence explicite à l’inflation.
La base d’investisseurs est très diverse : la Direction des fonds d’épargne et les trésoreries des banques françaises dans le cadre du Livret A, gérants d’OPCVM investis en obligations nominales ou réelles, fonds de pension, assureurs, hedge funds, fonds de dotations aux Etats-Unis, etc.
Le marché des dérivés (principalement les swaps liés à l’inflation) est également très actif. Les swaps sont souvent utilisés à des fins de couverture, par exemple par les fonds de pension néerlandais ou, en France, pour la couverture du passif lié à la formule du Livret A. Le marché des swaps permet la souplesse (le « sur mesure ») que n’ont pas les obligations. Les investisseurs spéculatifs comme les hedge funds sont aussi très actifs sur le marché des swaps. Contrairement aux obligations indexées, qui sont émises par les Etats, il n’y a pas d’entités structurellement vendeuses d’inflation sur ce marché. Un établissement couvre sa collecte en Livret A, par exemple par des swaps d’inflation française que lui offrent des desks de « trading », qui eux-mêmes se couvrent par des achats d’OATi.
La liquidité du marché inflation (obligation et swaps) dans la zone euro est inférieure à celle des taux nominaux, mais elle est suffisamment profonde pour attirer des entités de taille significative et avec des besoins divers. La présence accrue des hedge funds indique également une liquidité adéquate. Rappelons à titre d’exemple, que seulement environ 10 % du volume d’émission de dette française est indexé sur l’inflation, 90 % étant de la dette nominale.
Ce marché passe pour assez technique. Peux-tu décrire les principes de fonctionnement, pricing, etc, de l’OATi par exemple ?
A la différence de la plupart des obligations nominales, les flux futurs d’une obligation indexée ne sont pas connus à l’avance. Prenons l’exemple d’une OATi. Le taux du coupon s’applique à un notionnel multiplié par un coefficient d’indexation correspondant à l’évolution quotidienne de l’indice des prix à la consommation (IPC) français hors-tabac depuis le lancement de l’obligation. L’indice des prix étant mensuel et publié avec retard, une formule d’interpolation est nécessaire. De la même manière, le capital à maturité est également indexé, mais avec une finesse importante : dans la plupart des pays, l’indexation à maturité ne peut impliquer un remboursement inférieur à 100 %. C’est le fameux plancher de déflation. Cette option cachée a longtemps été négligeable, elle est revenue sur le devant de la scène ces dix dernières années. Le rendement d’une obligation indexée sur l’inflation est un rendement réel qui peut être comparé au rendement (nominal) d’une obligation de maturité proche, et on en déduit alors le point-mort d’inflation ; il représente l’inflation attendue par le marché sur cette maturité.
Parle-nous des instruments dérivés, de leur impact sur le marché du sous-jacent, sur la liquidité
Les swaps d’inflation constituent la base du marché des dérivés inflation. Le format classique est celui d’un zéro coupon et le principe est simple : un taux fixe est échangé contre la croissance de l’indice de prix de référence (avec un décalage). La valorisation de ces produits n’est, néanmoins, pas toujours simple. Valoriser un swap existant requiert, en général, une hypothèse sur la saisonnalité mensuelle future de l’inflation et, dans certains cas, il n’y a pas de consensus de marché sur cette saisonnalité. Le marché des swaps et celui des obligations indexées interagissent à travers le marché des asset swaps, ce qui contribue à une certaine cohérence entre les points morts d’inflation des swaps et des indexées. Mais l’offre, la demande et les spécificités de chacun de ces marchés peuvent entrainer des divergences de valorisation.
Les swaps d’inflation zéro coupon dans la zone euro sont, en général, très liquides sur les points de référence inférieurs à dix ans. La liquidité y est souvent plus importante que sur les obligations indexées. Comme sur le marché des taux nominaux, il est possible de reconstruire la plupart des produits à partir de zéro coupon : les asset swaps mais aussi les produits plus exotiques comme les swaps à coupons annuels, les options (les caps et floors annuels ou zéro coupon), les swaps Livret A (échange d’un taux fixe ou variable contre la formule du Livret A). Les swaps d’inflation française sont surtout utilisés pour couvrir les risques d’inflation liés au Livret A et livrets réglementés assimilés. La demande pour ces swaps dépend donc des flux sur ces livrets. Durant ces dernières années, les changements de formule de la rémunération du Livret A, les multiples dérogations à la règle de calcul, le gel du taux, les changements dans le modèle de centralisation des encours des Livrets, etc,. ont eu raison des swaps de Livret A. En effet, ils ont entraîné la raréfaction de la demande de swaps d’inflation française par les établissements distribuant le Livret A, et en conséquence la diminution du besoin de couverture en OATi par les desks qui structurent ces swaps.
Après une décennie de baisse des taux et une cible d’inflation de 2 % pour la BCE, y a-t-il véritablement un risque d’inflation en zone euro, et existe-t-il un besoin de couverture de l’inflation ?
Il y a deux manières d’appréhender le marché de l’inflation. Certains investisseurs ont dans leurs engagements une référence plus ou moins explicite à l’inflation (Livret A, concession, fonds de pension, …). C’est un risque clairement identifié. Pour d’autres au contraire, c’est un risque plus général, plus diffus qui diminue à long terme les rendements réels des investissements. Les besoins de couverture et la propension à couvrir le risque sont très différents selon ces deux cas.
Si l’exposition à l’inflation est plus ou moins explicite dans le bilan, quelle que soit la crédibilité de la BCE, il faudra à un moment ou à un autre couvrir ce risque. Le gérant peut avoir de la liberté sur le timing, sur la méthode, il peut avoir une approche systématique mais in fine, le risque sera couvert. La vraie question porte sur le timing par rapport au coût de la couverture, celle-ci étant déterminée par le marché et évoluant dans le temps.
Si l’exposition à l’inflation est perçue comme un risque général et non explicite, la question du timing ne se pose plus, la décision de couvrir le risque d’inflation repose uniquement sur la perception de la cherté (ou non) de la couverture. Dans le contexte actuel, beaucoup d’investisseurs jugent que le risque de résurgence à moyen terme de l’inflation dans la zone euro, et donc le besoin de le couvrir, sont faibles. Néanmoins, ces mêmes investisseurs peuvent juger que les coûts de couverture ont plus que suffisamment baissé ; il serait alors opportun de couvrir au cas où l’inflation future s’avèrerait plus élevée que les anticipations actuelles, même en restant sur la cible de la BCE.
L’inflation dans la zone euro a, en moyenne sur les cinq dernières années, été bien en-dessous de la cible de la BCE. Certains se demandent si l’inflation est désormais structurellement basse, et si la zone euro ne bascule pas progressivement vers une situation similaire à celle du Japon. D’autres jugent que des taux nominaux bas sur une période prolongée vont, à un moment ou un autre, pousser l’inflation à la hausse. In fine, le besoin de couverture est la conjonction de ces deux types d’investisseurs et de leur perception subjective de ce risque.
Si tu devais te risquer à une comparaison entre inflation française/européenne, et entre les deux marchés…
Comme nous le signalions plus haut, l’Etat français, à travers l’Agence France Trésor, est le seul Etat à émettre sur deux références : des OATi, indexées sur l’inflation française, mais aussi des OATei, indexées sur l’inflation européenne. Il y a donc deux courbes. Le marché de l’inflation française est bien sûr dominé par les intervenants français puisque certains investisseurs ont une référence plus ou moins explicite à l’inflation française. Les investisseurs internationaux qui gèrent des portefeuilles d’indexées globales ou européennes sont, bien sûr, actifs aussi bien sur les OATi que sur les OATei, les deux faisant partie de leur benchmark [2] . A l’inverse, ceux qui investissent de façon off-benchmark et de manière plus opportuniste se cantonnent souvent aux indexées liées à l’inflation de la zone euro.
Historiquement, en moyenne, l’inflation française est en-dessous de l’inflation de la zone euro. Néanmoins, très souvent dans le passé, en raison de la demande liée aux livrets d’épargne, le coût de couverture de l’inflation française a été bien supérieur à celui de l’inflation de la zone euro. Dit autrement, les anticipations par le marché de l’inflation française étaient supérieures à celles sur l’inflation européenne en raison d’une distorsion entre offre et demande de couverture.
Quelques mots pour conclure notre interview ?
Même si le risque d’inflation n’est plus sur le devant de la scène, nous ne sommes pas à l’abri d’une réévaluation de ce risque. Le marché de l’inflation est maintenant suffisamment mature pour s’accommoder d’une augmentation de la demande et de la création de dérivés plus complexes (options, futures,..). Quelle que soit l’évolution du cadre réglementaire de la BCE post crise, l’objectif d’inflation restera sans aucun doute le pilier de la politique monétaire.
[1] Sociétés de services collectifs
[2] Indice de référence
Après avoir commencé ma carrière dans la recherche, j’ai été économiste puis trader sur la dette de l’Etat. J’ai été embauché début 1996 par Barclays qui avait l’ambition de devenir une banque de marché de premier plan. Barclays, en tant que banque britannique, était déjà un des acteurs principaux sur les marchés des obligations britanniques indexées sur l’inflation depuis 1981. Les équipes de Barclays ont proposé cette idée au Trésor américain qui l’a retenue dès 1997. Tout naturellement, le Trésor français a été ensuite approché. La première OATi (indexée sur l’inflation française hors tabac) a vu le jour en 1998. Nous avons ensuite conseillé l’Agence France Trésor dans la construction d’une courbe des taux réels et proposé des OATei (indexées sur l’inflation européenne hors tabac) dès 2002. Il suffisait d’avoir fait un peu d’économie et de finance pour comprendre qu’un investissement qui garantit le pouvoir d’achat était promis à un bel avenir. La plupart des pays européens ont suivi l’exemple français : Allemagne, Italie, Grèce, Espagne. Même le Japon, pays de la déflation, a émis des obligations indexées sur l’inflation.
Qui sont les acteurs en présence, quels sont les besoins (l’offre/la demande), et quelle est la profondeur de ce marché ? Question subsidiaire, on parle presque exclusivement des emprunts d’Etat, quels autres émetteurs ont des besoins ailleurs en Europe continentale et au Royaume-Uni ?
Les principaux émetteurs d’obligations indexées sur l’inflation sont les Etats. En effet pour beaucoup, une très large majorité de leurs recettes est implicitement indexée à l’évolution générale des prix (recettes de TVA, impôts sur le revenu via une boucle prix-salaire, …). Emettre de la dette indexée sur l’inflation a un sens dans le cadre d’une bonne gestion actif/passif. Beaucoup des grands pays industrialisés ont un programme de dette indexée (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne, Japon), plusieurs pays émergents ont des programmes similaires (le Brésil par exemple). Un certain nombre d’agences émettent aussi de la dette indexée sur l’inflation pour les mêmes raisons (CADES par exemple). Peu d’entreprises se sont aventurées sur ce marché, la corrélation entre chiffre d’affaires et évolution générale des prix étant souvent très faible. Enfin, au Royaume-Uni, quelques « utilities » [1] ont émis de la dette indexée longue, souvent liée à des concessions avec une référence explicite à l’inflation.
La base d’investisseurs est très diverse : la Direction des fonds d’épargne et les trésoreries des banques françaises dans le cadre du Livret A, gérants d’OPCVM investis en obligations nominales ou réelles, fonds de pension, assureurs, hedge funds, fonds de dotations aux Etats-Unis, etc.
Le marché des dérivés (principalement les swaps liés à l’inflation) est également très actif. Les swaps sont souvent utilisés à des fins de couverture, par exemple par les fonds de pension néerlandais ou, en France, pour la couverture du passif lié à la formule du Livret A. Le marché des swaps permet la souplesse (le « sur mesure ») que n’ont pas les obligations. Les investisseurs spéculatifs comme les hedge funds sont aussi très actifs sur le marché des swaps. Contrairement aux obligations indexées, qui sont émises par les Etats, il n’y a pas d’entités structurellement vendeuses d’inflation sur ce marché. Un établissement couvre sa collecte en Livret A, par exemple par des swaps d’inflation française que lui offrent des desks de « trading », qui eux-mêmes se couvrent par des achats d’OATi.
La liquidité du marché inflation (obligation et swaps) dans la zone euro est inférieure à celle des taux nominaux, mais elle est suffisamment profonde pour attirer des entités de taille significative et avec des besoins divers. La présence accrue des hedge funds indique également une liquidité adéquate. Rappelons à titre d’exemple, que seulement environ 10 % du volume d’émission de dette française est indexé sur l’inflation, 90 % étant de la dette nominale.
Ce marché passe pour assez technique. Peux-tu décrire les principes de fonctionnement, pricing, etc, de l’OATi par exemple ?
A la différence de la plupart des obligations nominales, les flux futurs d’une obligation indexée ne sont pas connus à l’avance. Prenons l’exemple d’une OATi. Le taux du coupon s’applique à un notionnel multiplié par un coefficient d’indexation correspondant à l’évolution quotidienne de l’indice des prix à la consommation (IPC) français hors-tabac depuis le lancement de l’obligation. L’indice des prix étant mensuel et publié avec retard, une formule d’interpolation est nécessaire. De la même manière, le capital à maturité est également indexé, mais avec une finesse importante : dans la plupart des pays, l’indexation à maturité ne peut impliquer un remboursement inférieur à 100 %. C’est le fameux plancher de déflation. Cette option cachée a longtemps été négligeable, elle est revenue sur le devant de la scène ces dix dernières années. Le rendement d’une obligation indexée sur l’inflation est un rendement réel qui peut être comparé au rendement (nominal) d’une obligation de maturité proche, et on en déduit alors le point-mort d’inflation ; il représente l’inflation attendue par le marché sur cette maturité.
Parle-nous des instruments dérivés, de leur impact sur le marché du sous-jacent, sur la liquidité
Les swaps d’inflation constituent la base du marché des dérivés inflation. Le format classique est celui d’un zéro coupon et le principe est simple : un taux fixe est échangé contre la croissance de l’indice de prix de référence (avec un décalage). La valorisation de ces produits n’est, néanmoins, pas toujours simple. Valoriser un swap existant requiert, en général, une hypothèse sur la saisonnalité mensuelle future de l’inflation et, dans certains cas, il n’y a pas de consensus de marché sur cette saisonnalité. Le marché des swaps et celui des obligations indexées interagissent à travers le marché des asset swaps, ce qui contribue à une certaine cohérence entre les points morts d’inflation des swaps et des indexées. Mais l’offre, la demande et les spécificités de chacun de ces marchés peuvent entrainer des divergences de valorisation.
Les swaps d’inflation zéro coupon dans la zone euro sont, en général, très liquides sur les points de référence inférieurs à dix ans. La liquidité y est souvent plus importante que sur les obligations indexées. Comme sur le marché des taux nominaux, il est possible de reconstruire la plupart des produits à partir de zéro coupon : les asset swaps mais aussi les produits plus exotiques comme les swaps à coupons annuels, les options (les caps et floors annuels ou zéro coupon), les swaps Livret A (échange d’un taux fixe ou variable contre la formule du Livret A). Les swaps d’inflation française sont surtout utilisés pour couvrir les risques d’inflation liés au Livret A et livrets réglementés assimilés. La demande pour ces swaps dépend donc des flux sur ces livrets. Durant ces dernières années, les changements de formule de la rémunération du Livret A, les multiples dérogations à la règle de calcul, le gel du taux, les changements dans le modèle de centralisation des encours des Livrets, etc,. ont eu raison des swaps de Livret A. En effet, ils ont entraîné la raréfaction de la demande de swaps d’inflation française par les établissements distribuant le Livret A, et en conséquence la diminution du besoin de couverture en OATi par les desks qui structurent ces swaps.
Après une décennie de baisse des taux et une cible d’inflation de 2 % pour la BCE, y a-t-il véritablement un risque d’inflation en zone euro, et existe-t-il un besoin de couverture de l’inflation ?
Il y a deux manières d’appréhender le marché de l’inflation. Certains investisseurs ont dans leurs engagements une référence plus ou moins explicite à l’inflation (Livret A, concession, fonds de pension, …). C’est un risque clairement identifié. Pour d’autres au contraire, c’est un risque plus général, plus diffus qui diminue à long terme les rendements réels des investissements. Les besoins de couverture et la propension à couvrir le risque sont très différents selon ces deux cas.
Si l’exposition à l’inflation est plus ou moins explicite dans le bilan, quelle que soit la crédibilité de la BCE, il faudra à un moment ou à un autre couvrir ce risque. Le gérant peut avoir de la liberté sur le timing, sur la méthode, il peut avoir une approche systématique mais in fine, le risque sera couvert. La vraie question porte sur le timing par rapport au coût de la couverture, celle-ci étant déterminée par le marché et évoluant dans le temps.
Si l’exposition à l’inflation est perçue comme un risque général et non explicite, la question du timing ne se pose plus, la décision de couvrir le risque d’inflation repose uniquement sur la perception de la cherté (ou non) de la couverture. Dans le contexte actuel, beaucoup d’investisseurs jugent que le risque de résurgence à moyen terme de l’inflation dans la zone euro, et donc le besoin de le couvrir, sont faibles. Néanmoins, ces mêmes investisseurs peuvent juger que les coûts de couverture ont plus que suffisamment baissé ; il serait alors opportun de couvrir au cas où l’inflation future s’avèrerait plus élevée que les anticipations actuelles, même en restant sur la cible de la BCE.
L’inflation dans la zone euro a, en moyenne sur les cinq dernières années, été bien en-dessous de la cible de la BCE. Certains se demandent si l’inflation est désormais structurellement basse, et si la zone euro ne bascule pas progressivement vers une situation similaire à celle du Japon. D’autres jugent que des taux nominaux bas sur une période prolongée vont, à un moment ou un autre, pousser l’inflation à la hausse. In fine, le besoin de couverture est la conjonction de ces deux types d’investisseurs et de leur perception subjective de ce risque.
Si tu devais te risquer à une comparaison entre inflation française/européenne, et entre les deux marchés…
Comme nous le signalions plus haut, l’Etat français, à travers l’Agence France Trésor, est le seul Etat à émettre sur deux références : des OATi, indexées sur l’inflation française, mais aussi des OATei, indexées sur l’inflation européenne. Il y a donc deux courbes. Le marché de l’inflation française est bien sûr dominé par les intervenants français puisque certains investisseurs ont une référence plus ou moins explicite à l’inflation française. Les investisseurs internationaux qui gèrent des portefeuilles d’indexées globales ou européennes sont, bien sûr, actifs aussi bien sur les OATi que sur les OATei, les deux faisant partie de leur benchmark [2] . A l’inverse, ceux qui investissent de façon off-benchmark et de manière plus opportuniste se cantonnent souvent aux indexées liées à l’inflation de la zone euro.
Historiquement, en moyenne, l’inflation française est en-dessous de l’inflation de la zone euro. Néanmoins, très souvent dans le passé, en raison de la demande liée aux livrets d’épargne, le coût de couverture de l’inflation française a été bien supérieur à celui de l’inflation de la zone euro. Dit autrement, les anticipations par le marché de l’inflation française étaient supérieures à celles sur l’inflation européenne en raison d’une distorsion entre offre et demande de couverture.
Quelques mots pour conclure notre interview ?
Même si le risque d’inflation n’est plus sur le devant de la scène, nous ne sommes pas à l’abri d’une réévaluation de ce risque. Le marché de l’inflation est maintenant suffisamment mature pour s’accommoder d’une augmentation de la demande et de la création de dérivés plus complexes (options, futures,..). Quelle que soit l’évolution du cadre réglementaire de la BCE post crise, l’objectif d’inflation restera sans aucun doute le pilier de la politique monétaire.
Propos recueillis par Eric Ralaimiadana
Raoul Salomon est Country Manager de la banque Barclays en France et co-responsable des activités de marché de la banque au niveau européen. Cet article n’aurait pu être réalisé sans l’aide de Khrishnamoorthy Sooben (stratégiste dans l’équipe de recherche de Barclays).
Mots-clés : Obligations - Inflation - Indexation - Swaps - Couverture[1] Sociétés de services collectifs
[2] Indice de référence
Auteur
Actuellement Responsable de la gestion actif-passif à la CADES – l’établissement ayant pour mission la « défaisance » de la dette sociale, j’ai été formé à la gestion de capitaux tant comme investisseur final, que comme contrepartiste et teneur de marché, en passant par une activité de marge comme le prêt/emprunt.
Statisticien de formation, j’ai pu éprouver l’excellence de la formation d’ENSAE, comme praticien des marchés, et aussi comme ingénieur capable de livrer des solutions et des applications concrètes, tant dans la finance que l’assurance, la macro-économie, ou l’analyse quantitative.
Mon objectif est d’apporter de la valeur ajoutée, grâce à mon expérience, ainsi que ma curiosité qui m’amène à m’intéresser à des sujets aussi divers que les normes prudentielles, les propositions de régulation face à la crise, ou les modèles internes. Voir les 2 Voir les autres publications de l’auteur(trice)
Statisticien de formation, j’ai pu éprouver l’excellence de la formation d’ENSAE, comme praticien des marchés, et aussi comme ingénieur capable de livrer des solutions et des applications concrètes, tant dans la finance que l’assurance, la macro-économie, ou l’analyse quantitative.
Mon objectif est d’apporter de la valeur ajoutée, grâce à mon expérience, ainsi que ma curiosité qui m’amène à m’intéresser à des sujets aussi divers que les normes prudentielles, les propositions de régulation face à la crise, ou les modèles internes. Voir les 2 Voir les autres publications de l’auteur(trice)
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