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26 avril 2019

L’évolution de la Finance Quantitative, robo-advisors et prise en compte du client final

Publié par Vincent Weil | Fintech
L’analyse quantitative appliquée à la finance commence une nouvelle mutation grâce aux évolutions technologiques et à un accès toujours plus facile aux données, que ces données concernent les produits financiers ou les clients. Ces évolutions ouvrent de nombreuses perspectives et permettent d’envisager une finance plus proche des besoins des clients.

La finance quantitative : une science en évolution rapide

La première génération de l’analyse quantitative s’est concentrée sur la collecte de données financières critiques et sur leur exploitation statistique. Dès les années 70, les modèles mathématiques et statistiques modélisés sur des ordinateurs de plus en plus performants ont été utilisés pour la création de produits financiers, permettant de multiplier l’offre. Les produits financiers sont devenus chaque année plus nombreux et plus variés. Si l’on prend l’exemple des seuls Organismes de placement collectif (OPC), il en existe aujourd’hui plus de 11 000 déclinés en plus de 49 000 versions, commercialisés en France (source Quantalys).

Pour s’y retrouver, des économistes ont développé des modèles de sélection de produits financiers basés sur l’analyse des données financières dynamiques en les comparant à des indices ou des moyennes de catégories de produits. Les données utilisées sont essentiellement les cotations/valeurs liquidatives et les distributions. Ces modèles, toujours couplés à la montée en puissance des ordinateurs, ont permis l’analyse de bases de données financières complexes et des calculs sophistiqués dans des délais très courts. La deuxième génération de l’analyse quantitative est apparue avec Internet. Tirant parti de ces possibilités d’analyse, les premiers robo-advisors sont apparus dans les années 2000. Ils se sont démocratisés jusqu’à nos jours, à défaut trop souvent de se perfectionner.

La démocratisation des robo-advisors

La plupart des robo-advisors se contentent d’automatiser les process d’investissement en se substituant au conseiller financier. Ils proposent grâce à un questionnaire client de déterminer le profil de l’investisseur, puis l’orientent vers un portefeuille de produits financiers adaptés à ce profil et à ses besoins d’investissement parmi un choix de 3 ou 5 types de portefeuille modèles prédéterminés. Ces portefeuilles modèles sont élaborés par une équipe de gérants, qui peuvent s’aider d’outils d’analyse quantitative pour les construire et les faire évoluer.

Les principaux critères d’analyse du profil client utilisés aujourd’hui sont : l’âge et la situation familiale, le patrimoine du client, ses connaissances financières et son aversion au risque. Celle-ci peut se décomposer en aversion à la perte et aversion à la volatilité des produits financiers qui, bien que statistiquement liées, sont deux perceptions différentes chez la plupart des investisseurs. Pour déterminer la typologie d’investissement adaptée, il faut ajouter au profil client son objectif d’investissement, qui prend principalement en compte le montant de l’investissement comparé au patrimoine global, le but de l’investissement (préparer sa retraite, placer de la trésorerie, anticiper une dépense connue, etc….) et surtout son horizon de placement probable.

Les robo-advisors accompagnent ainsi le conseiller ou le client pour lui permettre de souscrire à un produit adapté et conforme à la règlementation en vigueur, mais sans qu’il n’y ait d’intelligence à proprement parler. Les renforcements successifs de la réglementation sur la vente de produit financier ayant abouti à la réglementation européenne MIFID II (Markets in Financial Instruments Directive), ont quasiment imposé ces outils d’analyse dans les process d’investissement pour les professionnels (banques, conseillers financiers, …).

Les robo-advisors plus complets intègrent dans la chaîne de conseil la création dynamique de portefeuilles sur mesure en travaillant sur l’allocation et la sélection de produits de manière dynamique et non discrétionnaire. Les deux leviers de performance étant la détermination tactique (court terme) et stratégique (long terme) d’une allocation d’actifs d’une part, et la sélection de produits financiers d’autre part. Seuls les plus perfectionnés des robo-advisors vont jusqu’à la sélection des produits financiers en allant rechercher la surperformance de la gestion active, là où la plupart se contentent d’utiliser des produits indiciels de type ETF pour minimiser les frais. Les robo-advisors de sélection sont aussi au cœur du débat « gestion financière active versus gestion financière passive » que l’on peut résumer par : un fonds géré activement est-il capable de générer une surperformance financière supérieure à ce qu’il coûte (ses frais) sur le long terme ou vaut-il mieux utiliser des produits indiciels qui économisent les frais ?

Certains des robo-advisors actuels sont capables de faire une sélection cohérente de produits financiers en gestion active et d’aller chercher un supplément de performance. La recherche dans ce domaine permet d’espérer encore une progression de leur efficience. Mais celle-ci sera toujours confrontée à la nature chaotique et auto-compensatrice des marchés financiers dans un univers à somme finie.

Mais, parallèlement à la recherche de performance, il est maintenant important pour ces robo-advisors de s’adapter aux évolutions sociétales et à l’usage de la finance qui en découle.

En effet, le mode de création des produits financiers et leur mode de sélection doivent intégrer le souhait des nouveaux investisseurs : choisir et maîtriser le timing et la typologie de ses investissements. Au-delà du couple risque/performance et des produits sectoriels et géographiques actuels, il y a une vraie demande pour des produits d’investissement correspondant aux besoins et envies des investisseurs. Et cela est valable bien au-delà des produits ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) actuellement populaires.

Entre les entreprises, les clients particuliers et institutionnels, les besoins et la demande de produits d’investissement couvrent un très large panel dont les principaux axes sont : le niveau de risque et de perte maximum, la durée de détention, la catégorie d’investissement, le niveau de diversification et de décorrélation ainsi que le niveau et le type d’ESG. Ces critères peuvent bien sûr se combiner, permettant de construire une offre sur mesure encore plus variée.

Cette variété doit en revanche être accompagnée d’une information encore plus transparente sur les produits, mais aussi sur les conséquences de l’agrégation de ces produits, c’est-à-dire du comportement global de ces produits une fois mixés entre eux.

La finance doit donc adapter son offre et le timing de ses offres aux investisseurs et à leurs besoins, tout comme Netflix, pour l’audiovisuel, a su répondre à la demande des spectateurs avec la diversité et la disponibilité de ses programmes.

Finance Quantitative : la nouvelle génération

Les nouveaux modèles d’analyse quantitative doivent intégrer ce nouveau paradigme et c’est à leur portée, grâce à deux grands facteurs : l’accès à l’information et des modèles d’analyse toujours plus puissants.

L’information, qui est au cœur de l’analyse quantitative, est chaque jour plus accessible, que ce soit pour les données financières ou les données sur les investisseurs. Grâce à l’évolution de la réglementation, les émetteurs sont obligés de communiquer de plus en plus précisément sur leurs produits financiers. Et ces données sont accessibles grâce à de bien meilleures normes et interconnexions entre les différents acteurs. Cela sera encore amélioré demain avec l’émergence de réseaux de communication d’informations financières et d’investissements dématérialisés et décentralisés à base de blockchain.

Dès à présent, il est possible d’accéder, en plus des données dynamiques et réglementaires, à des caractéristiques plus précises. Ces données comme les frais, les classifications par type de produits (catégories), les caractéristiques d’investissement, les modalités et timing de souscription, permettent d’enrichir les critères quantitatifs purement financiers. L’accès aux compositions précises des sous-jacents des produits, même s’il s’améliore, se heurte encore au secret de fabrication demandé par certains gérants. Mais ceci peut être compensé par des analyses statistiques à base de régressions.

Pour les données sur les clients, les plateformes digitales spécialisées en investissement qui ont émergé depuis quelques années permettent de comprendre les appétences des investisseurs et leurs besoins. Elles gèrent couramment entre 30 000 et 200 000 investisseurs de différents types, ayant des investissements compris entre 10 K€ et plusieurs millions, permettant une exploitation statistique significative. Les données utilisateurs traitées de manière anonyme permettent d’avoir un bon panorama des durées d’investissement recherchées, ainsi que des risques tolérés et bien sûr des catégories et des caractéristiques des produits recherchés. Ces analyses donnent de fait aux investisseurs, les moyens d’influer sur l’offre. On observe d’ailleurs que, plus l’information est accessible, compréhensible et détaillée, plus les investisseurs vont vers des solutions sur mesure et offensives avec un niveau de risque supérieur.

Les modèles d’analyse de leur côté sont également toujours plus performants et sont capables de gérer cette information très riche, dans des délais très courts. Pour ces données, les capacités de traitement des ordinateurs actuels et les algorithmes statistiques avancés prennent là encore tout leur sens. Les modèles basés sur l’apprentissage peuvent s’avérer intéressants sur la partie client où l’on peut envisager d’identifier des comportements et des besoins pour apporter une réponse adaptée parmi un arbre de décision complexe, combinant la modélisation patrimoniale (gestion des problématiques fiscales, de prévoyance et de transmission) et financière.

Là où la réglementation pousse certains acteurs du marché à proposer des offres d’investissement stéréotypées, la finance quantitative et les robo-advisors qui en sont une des émanations permettent d’envisager une offre de qualité vraiment adaptée aux besoins et aux désirs du client.  Elle permet également d’offrir le niveau d’information nécessaire sur des offres complexes, et leur projection financière en termes de performance, de risque et de perte. Un autre aspect est le faible coût de revient de ces solutions. L’automatisation des process d’investissement, de la sélection de produits et de la génération d’information et de suivi, permet de déplacer les zones de coût de l’offre d’investissement. La finance quantitative permet ainsi, de manière contre-intuitive, par l’économie qu’elle génère dans la chaine de proposition, de renforcer la relation entre l’investisseur et le conseiller financier, cette relation essentielle à la démocratisation de l’investissement étant aujourd’hui négligée.

La finance quantitative a donc de belles perspectives devant elle. Aux chercheurs et aux concepteurs d’en faire un usage intelligent pour réconcilier la finance avec les investisseurs et lui redonner un sens.

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