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25 juin 2018
La révolution quaternaire, un challenge pour les entreprises face aux GAFA
Publié par
Michele Debonneuil
| Macroéconomie
Les GAFA, ces entreprises venues de nulle part et devenues en quelques décennies les plus puissantes du monde, sont en train de révolutionner la façon de satisfaire les besoins des consommateurs avec le numérique. Que vont faire les entreprises anciennes menacées par ces concurrents très particuliers ? Vont-elles disparaître ? Seront-elles intégrées en aval de ces géants ? Elles sont en train de s’organiser pour apporter un contrepoids indispensable aux GAFA. Y parviendront-elles ?
Depuis quelques décennies, grâce aux technologies numériques, de nouvelles entreprises numériques - les GAFA - ont compris que pour satisfaire nos besoins il ne serait plus nécessaire d’acheter des biens et des services, mais qu’il allait être possible d’organiser leur mise à notre disposition sur nos lieux de vie : nous achèterons ainsi de nouveaux produits que nous appelons des « solutions ». Par exemple, au lieu d’acheter une voiture et de l’entretenir, nous pouvons avoir recours à une « solution » de mobilité comme l’autopartage ou le covoiturage.
Pour produire ces premières solutions, les GAFA ont inventé un nouveau paradigme très puissant en concentrant leur activité sur la collecte et le traitement des données permettant de repérer les nécessaires mises à disposition de biens ou de personnes. Elles délèguent ensuite ces tâches à des travailleurs dits « indépendants ». Ces travailleurs qui représentent une proportion de plus en plus importante de la population au travail, sont « à la tâche » : ils ne sont pas, comme les salariés, dans le rapport de forces d’obtenir une partie suffisante de la richesse qu’ils contribuent à créer. Les inégalités ne font que croître dans tous les pays où se développent ces « solutions ». Dans le même temps, ces monopoles mondiaux vivent de leur capacité à s’approprier l’infrastructure centrale de la nouvelle économie numérique - les plates-formes - et à exploiter les données qui transitent dessus.
Ainsi se met en place un paradigme qui rompt avec celui qui avait prévalu avec les technologies de la mécanisation qui, pour la première fois de l’histoire, avaient fait du travail le moyen de répartir équitablement les fruits de la croissance entre les travailleurs. Les inégalités avaient pu se réduire et la croissance s’installer. Les conditions de développement des démocraties avaient été réunies.
Les GAFA, monopoles mondiaux privés hyper-puissants, mettent ainsi en péril les conditions mêmes de nos démocraties en concentrant la richesse dans les mains d’une minorité. De plus, au fur et à mesure que les technologies numériques le permettent, ces entreprises dont le cœur de métier consiste à traiter de l’information, poursuivent leur développement en remplaçant l’homme par des robots. Elles délèguent progressivement à des entreprises industrielles mondiales la gestion de ces nouveaux robots qu’elles normaliseront pour les rendre interopérables dans le monde entier. Ainsi le nouveau paradigme des GAFA, qui se répand comme une traînée de poudre, menace non seulement nos démocraties, mais à terme l’Homo sapiens.
Que faire face à ces monopoles mondiaux tout-puissants américains ou chinois ? Est-ce une fatalité ? Faut-il que l’Europe s’organise pour avoir les siens ? Suffit-il d’encadrer ces monopoles par des lois ? Faut-il attendre que les marchés fassent leur œuvre et finissent par intégrer en aval les anciennes entreprises industrielles, commerciales et de services ? Peut-on attendre tranquillement la création de "bons" emplois à la place de ceux qui sont supprimés et remplacés aujourd’hui par des "petits boulots" ?
De plus en plus d’entreprises industrielles, de services et de commerce, menacées par les GAFA, comprennent qu’elles doivent aussi produire des « solutions ». Contrairement aux GAFA, elles le font en conservant en leur sein la gestion des hommes et de la matière, exploitant ainsi leur avantage comparatif acquis lors des siècles passés : il s’agit d’agréger toutes sortes de services sur les lieux de vie autour d’objets connectés toujours plus nombreux et sophistiqués.
Ces solutions que nous qualifions de « quaternaires » ont toutes sortes de qualités. Elles réintroduisent une intermédiation entre les consommateurs et les producteurs, intermédiation que le consommateur souhaite dans un certain nombre de cas. Ensuite, elles permettent d’introduire l’économie de fonctionnalité et de circularité de façon endogène au modèle puisque les consommateurs n’achètent plus les biens. Enfin, elles nécessitent la création de très nombreux emplois salariés, bien rémunérés, en complément de ceux des travailleurs indépendants. Les solutions « quaternaires » ont donc tout pour être le complément et le contrepoids naturel des solutions « à coût marginal nul » des GAFA.
Les technologies numériques pourraient alors donner naissance à un nouveau grand cycle de croissance durable, un cycle non plus de « l’avoir plus » mais de « l’être mieux ». Si ce type de solutions pouvait générer des consommations de masse complémentaires de celles des GAFA, la maîtrise de ces monopoles mondiaux et avec elle, la préservation de nos démocraties, ne relèveraient plus seulement de leur hypothétique encadrement par des lois : c'est plutôt l’importance que les consommateurs donneraient, dans leurs nouveaux modes de vie, à ces « solutions » complémentaires rendues par nos entreprises traditionnelles transformées et ancrées sur nos territoires, qui constituerait le facteur déterminant.
Mais le développement de ce type de « solutions » qui gèrent des hommes au travail et de la matière nécessite de nouveaux écosystèmes beaucoup plus complexes que ceux des GAFA. Concentrant leur activité sur la collecte et le traitement des données et limitant au maximum leur implication dans la gestion des hommes et de la matière, les GAFA ont pu rapidement organiser un écosystème très simplifié et hyper-performant : elles ont ainsi pu assurer à leurs solutions une très large distribution grâce à la mise au point d’une plate-forme mondiale mettant à disposition toutes sortes d’applications normalisées et sur laquelle s’échangent toutes sortes de données qu’elles récupèrent et vendent. En revanche, les entreprises de « solutions quaternaires » tâtonnent pour trouver leur business model (par exemple l’autopartage comme Auto-lib à Paris qui doit être subventionné par la ville quand les activités de covoiturage sont déjà rentables).
Il faudra des décennies pour mettre en place ces nouveaux écosystèmes par les seules forces du marché et la course de vitesse avec les GAFA risque d'être perdue. Le défi est donc de catalyser les coordinations de toutes ces entreprises anciennes autour d’une plate-forme décentralisée : celle-ci leur permettra de concevoir d’emblée collectivement ces nouveaux écosystèmes complexes assurant l’interopérabilité et permettant l’assemblage et l’hybridation de toutes sortes de services sans lesquels ces « solutions » complémentaires de celles des GAFA ne pourront pas se développer en consommation de masse.
Seuls les Etats peuvent jouer ce rôle en développant de nouvelles politiques industrielles très peu coûteuses mais très nouvelles. Sauront-ils le faire ?
Depuis quelques décennies, grâce aux technologies numériques, de nouvelles entreprises numériques - les GAFA - ont compris que pour satisfaire nos besoins il ne serait plus nécessaire d’acheter des biens et des services, mais qu’il allait être possible d’organiser leur mise à notre disposition sur nos lieux de vie : nous achèterons ainsi de nouveaux produits que nous appelons des « solutions ». Par exemple, au lieu d’acheter une voiture et de l’entretenir, nous pouvons avoir recours à une « solution » de mobilité comme l’autopartage ou le covoiturage.
Pour produire ces premières solutions, les GAFA ont inventé un nouveau paradigme très puissant en concentrant leur activité sur la collecte et le traitement des données permettant de repérer les nécessaires mises à disposition de biens ou de personnes. Elles délèguent ensuite ces tâches à des travailleurs dits « indépendants ». Ces travailleurs qui représentent une proportion de plus en plus importante de la population au travail, sont « à la tâche » : ils ne sont pas, comme les salariés, dans le rapport de forces d’obtenir une partie suffisante de la richesse qu’ils contribuent à créer. Les inégalités ne font que croître dans tous les pays où se développent ces « solutions ». Dans le même temps, ces monopoles mondiaux vivent de leur capacité à s’approprier l’infrastructure centrale de la nouvelle économie numérique - les plates-formes - et à exploiter les données qui transitent dessus.
Ainsi se met en place un paradigme qui rompt avec celui qui avait prévalu avec les technologies de la mécanisation qui, pour la première fois de l’histoire, avaient fait du travail le moyen de répartir équitablement les fruits de la croissance entre les travailleurs. Les inégalités avaient pu se réduire et la croissance s’installer. Les conditions de développement des démocraties avaient été réunies.
Les GAFA, monopoles mondiaux privés hyper-puissants, mettent ainsi en péril les conditions mêmes de nos démocraties en concentrant la richesse dans les mains d’une minorité. De plus, au fur et à mesure que les technologies numériques le permettent, ces entreprises dont le cœur de métier consiste à traiter de l’information, poursuivent leur développement en remplaçant l’homme par des robots. Elles délèguent progressivement à des entreprises industrielles mondiales la gestion de ces nouveaux robots qu’elles normaliseront pour les rendre interopérables dans le monde entier. Ainsi le nouveau paradigme des GAFA, qui se répand comme une traînée de poudre, menace non seulement nos démocraties, mais à terme l’Homo sapiens.
Que faire face à ces monopoles mondiaux tout-puissants américains ou chinois ? Est-ce une fatalité ? Faut-il que l’Europe s’organise pour avoir les siens ? Suffit-il d’encadrer ces monopoles par des lois ? Faut-il attendre que les marchés fassent leur œuvre et finissent par intégrer en aval les anciennes entreprises industrielles, commerciales et de services ? Peut-on attendre tranquillement la création de "bons" emplois à la place de ceux qui sont supprimés et remplacés aujourd’hui par des "petits boulots" ?
De plus en plus d’entreprises industrielles, de services et de commerce, menacées par les GAFA, comprennent qu’elles doivent aussi produire des « solutions ». Contrairement aux GAFA, elles le font en conservant en leur sein la gestion des hommes et de la matière, exploitant ainsi leur avantage comparatif acquis lors des siècles passés : il s’agit d’agréger toutes sortes de services sur les lieux de vie autour d’objets connectés toujours plus nombreux et sophistiqués.
Ces solutions que nous qualifions de « quaternaires » ont toutes sortes de qualités. Elles réintroduisent une intermédiation entre les consommateurs et les producteurs, intermédiation que le consommateur souhaite dans un certain nombre de cas. Ensuite, elles permettent d’introduire l’économie de fonctionnalité et de circularité de façon endogène au modèle puisque les consommateurs n’achètent plus les biens. Enfin, elles nécessitent la création de très nombreux emplois salariés, bien rémunérés, en complément de ceux des travailleurs indépendants. Les solutions « quaternaires » ont donc tout pour être le complément et le contrepoids naturel des solutions « à coût marginal nul » des GAFA.
Les technologies numériques pourraient alors donner naissance à un nouveau grand cycle de croissance durable, un cycle non plus de « l’avoir plus » mais de « l’être mieux ». Si ce type de solutions pouvait générer des consommations de masse complémentaires de celles des GAFA, la maîtrise de ces monopoles mondiaux et avec elle, la préservation de nos démocraties, ne relèveraient plus seulement de leur hypothétique encadrement par des lois : c'est plutôt l’importance que les consommateurs donneraient, dans leurs nouveaux modes de vie, à ces « solutions » complémentaires rendues par nos entreprises traditionnelles transformées et ancrées sur nos territoires, qui constituerait le facteur déterminant.
Mais le développement de ce type de « solutions » qui gèrent des hommes au travail et de la matière nécessite de nouveaux écosystèmes beaucoup plus complexes que ceux des GAFA. Concentrant leur activité sur la collecte et le traitement des données et limitant au maximum leur implication dans la gestion des hommes et de la matière, les GAFA ont pu rapidement organiser un écosystème très simplifié et hyper-performant : elles ont ainsi pu assurer à leurs solutions une très large distribution grâce à la mise au point d’une plate-forme mondiale mettant à disposition toutes sortes d’applications normalisées et sur laquelle s’échangent toutes sortes de données qu’elles récupèrent et vendent. En revanche, les entreprises de « solutions quaternaires » tâtonnent pour trouver leur business model (par exemple l’autopartage comme Auto-lib à Paris qui doit être subventionné par la ville quand les activités de covoiturage sont déjà rentables).
Il faudra des décennies pour mettre en place ces nouveaux écosystèmes par les seules forces du marché et la course de vitesse avec les GAFA risque d'être perdue. Le défi est donc de catalyser les coordinations de toutes ces entreprises anciennes autour d’une plate-forme décentralisée : celle-ci leur permettra de concevoir d’emblée collectivement ces nouveaux écosystèmes complexes assurant l’interopérabilité et permettant l’assemblage et l’hybridation de toutes sortes de services sans lesquels ces « solutions » complémentaires de celles des GAFA ne pourront pas se développer en consommation de masse.
Seuls les Etats peuvent jouer ce rôle en développant de nouvelles politiques industrielles très peu coûteuses mais très nouvelles. Sauront-ils le faire ?
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EF de Lencquesaing President EIFR
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