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10 mai 2019
Le Scrabble®, jeu et sport de l'esprit
Publié par
Jacques Lachkar
| Jeu
Le Scrabble® est né, au début des années 1930, de l’imagination d’un architecte américain au chômage, Alfred Butts. Il a eu l’idée de génie d’associer deux concepts : celui de la recherche d’anagrammes et celui du croisement de mots sur une grille.
Le Scrabble® est né, et ces principes seront appliqués quelques décennies plus tard au jeu en version française (adaptation de la répartition et de la valeur des lettres). La commercialisation du jeu explose aux Etats-Unis dans les années 50, puis en France à la fin des années 60, sa pratique étant alors popularisée au sein des villages vacances du Club Méditerranée.
Les fédérations nationales francophones voient le jour dans les années 70 : Belgique, puis France, Suisse, Québec… La FISF (Fédération Internationale de Scrabble Francophone) compte aujourd’hui une trentaine de pays affiliés, dont de nombreux pays africains pourvoyeurs de grands champions. La Fédération Française pour sa part compte environ un millier de clubs (dont 300 clubs de Scrabble scolaire) et 15 000 licenciés. Les trois quarts de ces licenciés sont en fait des licenciées, et la moyenne d’âge est de l’ordre de 62 ans (elle a tendance à augmenter), les catégories les plus représentées étant les Vermeils et les Diamants (au moins 63 ans). En revanche, la plupart des grands champions sont des hommes (moins de 5% des joueurs de 1re série – le haut du classement international – sont des femmes) et, s’il y a peu de jeunes licenciés, ils sont en revanche pour beaucoup particulièrement brillants.
Les meilleurs joueurs de Scrabble® sont des scientifiques et non pas des littéraires, ce qui s’explique assez aisément par les qualités requises pour briller à ce jeu : sens de la combinatoire pour former les mots, esprit logique et rapidité de calcul du rapport d’un mot en fonction de son placement sur la grille. Ajoutez-y la faculté de concentration, la rapidité, la mémoire… et peut-être aussi un goût plus prononcé de la compétition chez les « scientifiques » ! Le dictionnaire de référence n’est en fait qu’une base de mots que les tout meilleurs maîtrisent parfaitement ou presque. Il s’agit de l’Officiel du Scrabble édité par Larousse, et mis à jour tous les quatre ans. Il comporte plus de 60 000 mots en entrée, ce qui représente en fait plus de 350 000 mots jouables (incluant toutes les formes conjuguées, les féminins et les pluriels).
Pour devenir un grand champion de Scrabble®, il faut à la fois du talent et du travail. Cette discipline compte des joueurs naturellement hyperdoués et d’autres plus laborieux, mais la maîtrise du vocabulaire est tout aussi indispensable si on veut prétendre aux titres mondiaux (il y a chaque année des Championnats du Monde francophones). Cela dit, on peut sans « bûcher le dictionnaire » obtenir d’excellents résultats et surtout prendre beaucoup de plaisir à pratiquer le Scrabble®, en club ou en compétition !
Le Scrabble® classique est aussi une question de stratégie : en fonction de la grille, de l’avance ou du retard qu’on a sur son adversaire, des lettres restant à tirer… on peut avoir intérêt à « ouvrir » ou « fermer » la partie, à bloquer certaines places pour empêcher son adversaire d’en profiter. Une vraie réflexion prenant en compte divers critères est nécessaire pour déterminer à chaque fois le « meilleur coup ». Je mets des guillemets car ce meilleur coup peut toujours être discuté, et est évidemment fonction du jeu de l’adversaire qu’on ne connaît pas, sauf en fin de partie lorsque pratiquement toutes les lettres ont été tirées. Les stratégies de fin de partie, surtout lorsque les scores sont serrés, sont d’ailleurs particulièrement passionnantes.
Malgré tout, il reste une part de hasard dans le Scrabble® classique, qui ne satisfait pas de nombreux joueurs. Ceux-ci pratiquent une autre forme du jeu, le Scrabble® duplicate, qui élimine tout le hasard lié aux tirages, mais supprime également tout l’aspect stratégique du jeu.
Le duplicate est aujourd’hui la formule de jeu de très loin la plus utilisée dans les compétitions francophones (tandis que les anglophones privilégient le classique). Dans ce mode de jeu, qui peut théoriquement regrouper un nombre illimité de joueurs, tous les participants jouent individuellement avec leur propre jeu et prennent les 7 mêmes lettres (celles annoncées par un juge-arbitre). Ils disposent d’un temps limité (de 1 à 3 minutes par coup selon les types de parties) pour trouver et valider leur solution. Ils marquent le nombre de points correspondant à leur propre solution, mais ils placent tous sur leur grille le même mot, à savoir la meilleure solution possible (celle qui rapporte le plus de points, le « top ») annoncé par le juge-arbitre. Puis ils complètent leur tirage avec les lettres énoncées par le juge-arbitre, et la partie se poursuit. De la sorte, tous les joueurs disputent la même partie avec les mêmes lettres et la même grille du début à la fin. Il n’y a plus aucune intervention du hasard. Cela permet d’organiser des tournois ou des festivals qui réunissent de quelques dizaines à plus de mille joueurs pour les plus courus, avec un classement unique de l’ensemble des participants.
Dans les débuts de duplicate, dans les années 70, on ne pouvait pas être certain que la solution placée était vraiment le « top » : en effet, aucun logiciel informatique ne permettait de le contrôler. On plaçait donc la meilleure solution trouvée dans la salle de jeu, autrement dit certains coups pouvaient être améliorables : aucune certitude que l’un des joueurs humains ait trouvé ce top absolu. De plus, l’arbitrage était fastidieux car il fallait vérifier manuellement dans les dictionnaires de référence la validité des solutions proposées par les joueurs.
L’apparition d’un logiciel d’entraînement et d’arbitrage au tout début des années 90 a donc été une véritable révolution dans la pratique du jeu, permettant au juge-arbitre de visualiser instantanément le top du coup, donc à la fois de gagner du temps et d’être assuré que la partie ne soit pas améliorable. Ce logiciel s’est amélioré au fil du temps et s’accompagne d’outils permettant aux joueurs de s’entraîner : en rejouant des parties sur l’ordinateur bien sûr, mais aussi en pratiquant une pléiade de jeux de lettres : recherche de tirages plus ou moins longs, anagrammes, étude de listes de mots répondant à certains critères (exemple parmi mille autres : les mots en -EUR qui autorisent ou non un féminin en -EUSE…), constitution de bases de mots personnalisées pour travailler le vocabulaire, etc. Il est également possible, bien sûr, de jouer en ligne, en duplicate ou en classique.
Le développement de ces outils a très logiquement entraîné une élévation du niveau de jeu moyen. Si dans les années 70 les premiers championnats du monde se gagnaient à 75 % du top (750 points marqués pour une partie dont le top théorique était de 1000 points), il n’est plus exceptionnel aujourd’hui que le Champion du monde l’emporte à plus de 99 %, voire 100 % (c’est-à-dire en ne perdant aucun point sur 7 parties disputées en 2 minutes de réflexion par coup !). Le champion du monde francophone en titre est un joueur… néo-zélandais, qui a remporté plusieurs titres à 100 % et… ne parle pas un mot de français : pour lui, le dictionnaire de référence n’est qu’une base de données qu’il convient de maîtriser et de restituer à bon escient au fil des parties.
Cette vision peut sembler assez déprimante pour le commun des mortels, mais heureusement chacun, à son niveau, prend plaisir à jouer – et à performer – sans pour autant prétendre à la perfection.
A l’exception des jeux de hasard et des jeux d’argent, j’ai toujours aimé jouer : jeux de société, jeux de cartes, jeux de mots… Je fais partie de ceux que le duplicate a séduits parce qu’il éliminait toute forme de hasard. J’ai toujours aimé également m’impliquer dans la vie associative – je l’avais d’ailleurs fait à l’ENSAE au sein du Bureau des Élèves. C’est donc assez naturellement que, après avoir pris ma licence et commencé à jouer régulièrement en club et en tournoi, j’ai pris rapidement des responsabilités bénévoles au sein de mon club, puis de la Fédération Françaises de Scrabble. A tel point que, moins de quatre ans après mes débuts, j’en suis devenu le président ! C’était en 1986 et je le suis resté pendant 13 ans, à la suite de quoi j’ai présidé pendant 6 ans aux destinées de la Fédération Internationale de Scrabble Francophone, avec en point d’orgue l’organisation de beaux mondiaux à Marrakech en 2004.
Cette période (fin des années 80 et années 90) a été faste pour la FFSc. De 2 500 licenciés en 1985, nous sommes passés à 15 000 en 2000 (ce nombre n’a hélas pas évolué depuis). Le nombre de clubs a également explosé, de nouveaux outils sont apparus (logiciels, ouvrages…), les compétitions se sont largement développées, le Scrabble scolaire s’est répandu… Dans le primaire ou au collège, le Scrabble® constitue un outil pédagogique très appréciable (apprentissage du vocabulaire, de l’orthographe, de la grammaire – conjugaisons – mais aussi du sens combinatoire, du calcul mental, développement de la faculté de concentration, du travail en groupe…) au point que la fédération a signé une convention régulièrement renouvelée avec le Ministère de l’Education Nationale. Le signataire de la toute première convention n’était d’ailleurs autre que… Jean-Michel Blanquer, l’actuel ministre de l’Education !
Au fil des ans, mon attirance pour la compétition s’est sensiblement réduite. En revanche, j’ai rencontré mes tout meilleurs amis au fil des tournois de Scrabble®, des personnes infiniment précieuses pour moi et avec qui je partage bien d’autres choses aujourd’hui. C’est génial d’avoir des amis de tous les âges, de toutes les origines, de tous les pays francophones… C’est cela la principale richesse que m’a apportée le Scrabble®. Je continue à fréquenter quelques tournois, mais c’est bien plus pour retrouver l’ambiance et les amis, pour les soirées au resto, les à-côtés, que pour la compétition… même si je prends toujours plaisir à jouer ! Une chose est sûre lorsque je regarde dans le rétro : je ne regrette rien de ce parcours particulièrement atypique pour un ancien de l’ENSAE !
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la Fédération Française de Scrabble : www.ffsc.fr
Origine et développement
Pour définir la base du jeu (les 100 jetons représentant les lettres, auxquels s’ajouteront les deux jokers), Butts étudie la fréquence d’apparition de chacune des 26 lettres de l’alphabet dans la langue anglaise en épluchant la première page d’un exemplaire du New York Times. Former des mots, c’est bien, mais les joueurs doivent en être « récompensés » en lien avec la difficulté de leur performance, laquelle est fonction du nombre de lettres du mot joué, mais aussi de la rareté des lettres en question dans la langue anglaise. Butts reprend donc son étude statistique et attribue à chaque lettre une valeur inversement proportionnelle à sa fréquence. Placer toutes ses lettres est récompensé par une « prime de scrabble », et Butts crée enfin une grille de jeu 15x15 parfaitement symétrique, les cases de couleur permettant de valoriser au mieux les lettres les plus rémunératrices du jeu : « lettre compte double », « lettre compte triple », « mot compte double », « mot compte triple », le must étant d’utiliser plusieurs de ces cases à la fois afin de surmultiplier les points marqués !Le Scrabble® est né, et ces principes seront appliqués quelques décennies plus tard au jeu en version française (adaptation de la répartition et de la valeur des lettres). La commercialisation du jeu explose aux Etats-Unis dans les années 50, puis en France à la fin des années 60, sa pratique étant alors popularisée au sein des villages vacances du Club Méditerranée.
Les fédérations nationales francophones voient le jour dans les années 70 : Belgique, puis France, Suisse, Québec… La FISF (Fédération Internationale de Scrabble Francophone) compte aujourd’hui une trentaine de pays affiliés, dont de nombreux pays africains pourvoyeurs de grands champions. La Fédération Française pour sa part compte environ un millier de clubs (dont 300 clubs de Scrabble scolaire) et 15 000 licenciés. Les trois quarts de ces licenciés sont en fait des licenciées, et la moyenne d’âge est de l’ordre de 62 ans (elle a tendance à augmenter), les catégories les plus représentées étant les Vermeils et les Diamants (au moins 63 ans). En revanche, la plupart des grands champions sont des hommes (moins de 5% des joueurs de 1re série – le haut du classement international – sont des femmes) et, s’il y a peu de jeunes licenciés, ils sont en revanche pour beaucoup particulièrement brillants.
Les meilleurs joueurs de Scrabble® sont des scientifiques et non pas des littéraires, ce qui s’explique assez aisément par les qualités requises pour briller à ce jeu : sens de la combinatoire pour former les mots, esprit logique et rapidité de calcul du rapport d’un mot en fonction de son placement sur la grille. Ajoutez-y la faculté de concentration, la rapidité, la mémoire… et peut-être aussi un goût plus prononcé de la compétition chez les « scientifiques » ! Le dictionnaire de référence n’est en fait qu’une base de mots que les tout meilleurs maîtrisent parfaitement ou presque. Il s’agit de l’Officiel du Scrabble édité par Larousse, et mis à jour tous les quatre ans. Il comporte plus de 60 000 mots en entrée, ce qui représente en fait plus de 350 000 mots jouables (incluant toutes les formes conjuguées, les féminins et les pluriels).
Pour devenir un grand champion de Scrabble®, il faut à la fois du talent et du travail. Cette discipline compte des joueurs naturellement hyperdoués et d’autres plus laborieux, mais la maîtrise du vocabulaire est tout aussi indispensable si on veut prétendre aux titres mondiaux (il y a chaque année des Championnats du Monde francophones). Cela dit, on peut sans « bûcher le dictionnaire » obtenir d’excellents résultats et surtout prendre beaucoup de plaisir à pratiquer le Scrabble®, en club ou en compétition !
Classique ou duplicate ?
La forme classique du jeu (en face à face un contre un) comporte une part de hasard liée aux tirages plus ou moins favorables. Si vous avez le Q sans U pendant 5 coups, ou le W toujours difficile à placer, ou 7 consonnes… si votre adversaire tire les deux jokers… vous aurez beau faire, vous ne pourrez rien contre la malchance ! C’est pourquoi les compétitions importantes en Scrabble® classique comportent un nombre important de rondes (une vingtaine de parties pour les Francophones, plus encore pour les Anglophones). En effet, statistiquement, plus le nombre de parties disputées est élevé, moins les disparités liées aux aléas des tirages sont importantes : la chance s’équilibre grâce à la loi des grands nombres. Et on voit bien qu’à l’arrivée ce sont très souvent les mêmes qui gagnent, ce qui prouve bien qu’on a affaire à tout sauf à un jeu de hasard !Le Scrabble® classique est aussi une question de stratégie : en fonction de la grille, de l’avance ou du retard qu’on a sur son adversaire, des lettres restant à tirer… on peut avoir intérêt à « ouvrir » ou « fermer » la partie, à bloquer certaines places pour empêcher son adversaire d’en profiter. Une vraie réflexion prenant en compte divers critères est nécessaire pour déterminer à chaque fois le « meilleur coup ». Je mets des guillemets car ce meilleur coup peut toujours être discuté, et est évidemment fonction du jeu de l’adversaire qu’on ne connaît pas, sauf en fin de partie lorsque pratiquement toutes les lettres ont été tirées. Les stratégies de fin de partie, surtout lorsque les scores sont serrés, sont d’ailleurs particulièrement passionnantes.
Malgré tout, il reste une part de hasard dans le Scrabble® classique, qui ne satisfait pas de nombreux joueurs. Ceux-ci pratiquent une autre forme du jeu, le Scrabble® duplicate, qui élimine tout le hasard lié aux tirages, mais supprime également tout l’aspect stratégique du jeu.
Le duplicate est aujourd’hui la formule de jeu de très loin la plus utilisée dans les compétitions francophones (tandis que les anglophones privilégient le classique). Dans ce mode de jeu, qui peut théoriquement regrouper un nombre illimité de joueurs, tous les participants jouent individuellement avec leur propre jeu et prennent les 7 mêmes lettres (celles annoncées par un juge-arbitre). Ils disposent d’un temps limité (de 1 à 3 minutes par coup selon les types de parties) pour trouver et valider leur solution. Ils marquent le nombre de points correspondant à leur propre solution, mais ils placent tous sur leur grille le même mot, à savoir la meilleure solution possible (celle qui rapporte le plus de points, le « top ») annoncé par le juge-arbitre. Puis ils complètent leur tirage avec les lettres énoncées par le juge-arbitre, et la partie se poursuit. De la sorte, tous les joueurs disputent la même partie avec les mêmes lettres et la même grille du début à la fin. Il n’y a plus aucune intervention du hasard. Cela permet d’organiser des tournois ou des festivals qui réunissent de quelques dizaines à plus de mille joueurs pour les plus courus, avec un classement unique de l’ensemble des participants.
Dans les débuts de duplicate, dans les années 70, on ne pouvait pas être certain que la solution placée était vraiment le « top » : en effet, aucun logiciel informatique ne permettait de le contrôler. On plaçait donc la meilleure solution trouvée dans la salle de jeu, autrement dit certains coups pouvaient être améliorables : aucune certitude que l’un des joueurs humains ait trouvé ce top absolu. De plus, l’arbitrage était fastidieux car il fallait vérifier manuellement dans les dictionnaires de référence la validité des solutions proposées par les joueurs.
L’apparition d’un logiciel d’entraînement et d’arbitrage au tout début des années 90 a donc été une véritable révolution dans la pratique du jeu, permettant au juge-arbitre de visualiser instantanément le top du coup, donc à la fois de gagner du temps et d’être assuré que la partie ne soit pas améliorable. Ce logiciel s’est amélioré au fil du temps et s’accompagne d’outils permettant aux joueurs de s’entraîner : en rejouant des parties sur l’ordinateur bien sûr, mais aussi en pratiquant une pléiade de jeux de lettres : recherche de tirages plus ou moins longs, anagrammes, étude de listes de mots répondant à certains critères (exemple parmi mille autres : les mots en -EUR qui autorisent ou non un féminin en -EUSE…), constitution de bases de mots personnalisées pour travailler le vocabulaire, etc. Il est également possible, bien sûr, de jouer en ligne, en duplicate ou en classique.
Le développement de ces outils a très logiquement entraîné une élévation du niveau de jeu moyen. Si dans les années 70 les premiers championnats du monde se gagnaient à 75 % du top (750 points marqués pour une partie dont le top théorique était de 1000 points), il n’est plus exceptionnel aujourd’hui que le Champion du monde l’emporte à plus de 99 %, voire 100 % (c’est-à-dire en ne perdant aucun point sur 7 parties disputées en 2 minutes de réflexion par coup !). Le champion du monde francophone en titre est un joueur… néo-zélandais, qui a remporté plusieurs titres à 100 % et… ne parle pas un mot de français : pour lui, le dictionnaire de référence n’est qu’une base de données qu’il convient de maîtriser et de restituer à bon escient au fil des parties.
Cette vision peut sembler assez déprimante pour le commun des mortels, mais heureusement chacun, à son niveau, prend plaisir à jouer – et à performer – sans pour autant prétendre à la perfection.
Au-delà du jeu
Pour ma part, si je jouais au Scrabble® en famille lorsque j’étais gamin, comme des millions de Français (il se vend toujours actuellement plus de 200 000 boîtes de jeu chaque année en France), je ne connaissais ni l’existence du duplicate ni celle de la fédération. A l’ENSAE, j’étais plutôt adepte du bridge, auquel je consacrais beaucoup de temps, y compris en compétition avec mes amis de l’école. C’est par hasard, en allant jouer un tournoi de bridge à l’hôtel PLM Saint-Jacques, que j’ai découvert le Scrabble duplicate : je m’étais trompé de jour, il y avait Scrabble® et non pas bridge… Je suis resté, j’ai joué, j’ai aimé… et j’ai continué.A l’exception des jeux de hasard et des jeux d’argent, j’ai toujours aimé jouer : jeux de société, jeux de cartes, jeux de mots… Je fais partie de ceux que le duplicate a séduits parce qu’il éliminait toute forme de hasard. J’ai toujours aimé également m’impliquer dans la vie associative – je l’avais d’ailleurs fait à l’ENSAE au sein du Bureau des Élèves. C’est donc assez naturellement que, après avoir pris ma licence et commencé à jouer régulièrement en club et en tournoi, j’ai pris rapidement des responsabilités bénévoles au sein de mon club, puis de la Fédération Françaises de Scrabble. A tel point que, moins de quatre ans après mes débuts, j’en suis devenu le président ! C’était en 1986 et je le suis resté pendant 13 ans, à la suite de quoi j’ai présidé pendant 6 ans aux destinées de la Fédération Internationale de Scrabble Francophone, avec en point d’orgue l’organisation de beaux mondiaux à Marrakech en 2004.
Cette période (fin des années 80 et années 90) a été faste pour la FFSc. De 2 500 licenciés en 1985, nous sommes passés à 15 000 en 2000 (ce nombre n’a hélas pas évolué depuis). Le nombre de clubs a également explosé, de nouveaux outils sont apparus (logiciels, ouvrages…), les compétitions se sont largement développées, le Scrabble scolaire s’est répandu… Dans le primaire ou au collège, le Scrabble® constitue un outil pédagogique très appréciable (apprentissage du vocabulaire, de l’orthographe, de la grammaire – conjugaisons – mais aussi du sens combinatoire, du calcul mental, développement de la faculté de concentration, du travail en groupe…) au point que la fédération a signé une convention régulièrement renouvelée avec le Ministère de l’Education Nationale. Le signataire de la toute première convention n’était d’ailleurs autre que… Jean-Michel Blanquer, l’actuel ministre de l’Education !
Au fil des ans, mon attirance pour la compétition s’est sensiblement réduite. En revanche, j’ai rencontré mes tout meilleurs amis au fil des tournois de Scrabble®, des personnes infiniment précieuses pour moi et avec qui je partage bien d’autres choses aujourd’hui. C’est génial d’avoir des amis de tous les âges, de toutes les origines, de tous les pays francophones… C’est cela la principale richesse que m’a apportée le Scrabble®. Je continue à fréquenter quelques tournois, mais c’est bien plus pour retrouver l’ambiance et les amis, pour les soirées au resto, les à-côtés, que pour la compétition… même si je prends toujours plaisir à jouer ! Une chose est sûre lorsque je regarde dans le rétro : je ne regrette rien de ce parcours particulièrement atypique pour un ancien de l’ENSAE !
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la Fédération Française de Scrabble : www.ffsc.fr
1 Commentaire
Charles Levi ENSAE 1979 habitant en Pologne depuis 2005
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