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01 juillet 2009

Le recensement de la population

Publié par Olivier Lefebvre (1995) | N° 35 - Variances

63 185 925 habitants : c’est le chiffre officiel de population, au 1er janvier 2006, pour la métropole et les DOM. Pour la première fois, l’Insee a publié les chiffres de population tirés du nouveau recensement pour chacune des 36 681 communes de métropole et des DOM. La nouvelle technique de recensement, fondée sur des enquêtes annuelles, permettra d’actualiser chaque année les chiffres de la population. Cette méthode, unique au monde, garantit en outre un meilleur suivi de la qualité des données produites.

Le recensement : une opération essentielle et universelle, inscrite dans le droit national et international

Le recensement de la population répond à trois grands objectifs :
1. Dénombrer la population vivant en France et dans chacune des 37 000 communes.
2. En donner les caractéristiques socio-démographiques (sexe, âge, nationalité, niveau de diplôme, emploi…).
3. Quantifier et décrire le parc de logements.
Les chiffres de population tirés du recensement servent de référence pour l’application de nombreuses dispositions concernant les collectivités locales (dotations de l’État aux communes, modalités d’organisation des conseils municipaux, statut et rémunération des personnels de la fonction publique territoriale) mais aussi pour l’urbanisme, l’implantation des pharmacies, etc. Au total plus de 350 dispositions font référence à un chiffre de population, qu’il s’agit de fournir avec un haut degré de qualité pour chacune des 36 700 communes, dont près de 10 000 comptent moins de 200 habitants.

Quant aux résultats statistiques, leurs utilisations sont extrêmement diversifiées (aménagement du territoire, implantation de commerce ou de services, publics ou privés, études de marché, échantillonnages…).

Ces objectifs n’ont pas changé ; en revanche, la méthode de recensement a changé, pour mieux en garantir la qualité et pour en actualiser chaque année les résultats. On procédait jusqu’en 1999 par recensements généraux, exhaustifs et simultanés, le recensement prend maintenant la forme d’enquêtes annuelles qui portent sur une partie de la population et permettent d’actualiser chaque année les chiffres de population. Comme la plupart des pays, la France a modernisé son recensement en profondeur (cf. article de JM Durr).

Les fondements juridiques du recensement et de sa nouvelle méthode reposent, sur le plan national, sur la loi « démocratie de proximité » et ses textes d’application.
La Loi 2002-276 du 27/02/02 dite « démocratie de proximité » :
- fonde le recensement de la population, en confère la responsabilité à l’Insee et le fait reposer sur un partenariat Insee-communes ;
- elle en définit les grands principes : collecte tournante selon un cycle quinquennal et sondage dans les communes de plus de 10 000 habitants ;
- elle pose le principe d’une publication annuelle de population pour toutes les communes à partir de la fin du premier cycle, donc fin 2008 ;
- enfin, elle fixe, par exception à ces principes généraux les modalités de recensement dans les COM (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Mayotte, Wallis et Futuna) : il s’agit de recensements généraux quinquennaux.

Cette méthode de recensement est donc inscrite dans le droit national ; elle a également un fondement international : ainsi, elle est reconnue par la commission statistique de l’ONU et par Eurostat. La méthode de « recensement tournant » est en effet citée parmi les méthodes agréées dans le manuel de principes et recommandations de l’ONU et dans le règlement européen sur les recensements adopté le 7 juillet 2008.

Chaque année, une enquête de recensement, sur 8 000 communes, auprès de 9 millions de personnes

Les enquêtes de recensement sont organisées et contrôlées par l’Insee ; elles sont préparées et réalisées par les communes. L’apport des communes est essentiel pour la qualité du recensement. Leur connaissance du terrain est en effet indispensable.
Les enquêtes se présentent de la manière suivante :
- des enquêtes exhaustives tournantes pour les communes de moins de 10 000 habitants, à raison d’un cinquième des communes chaque année, soit 7 150 communes environ ; sur cinq ans, toutes les communes de moins de 10 000 habitants auront donc fait une enquête de recensement ;
- des enquêtes par sondage dans les 900 communes de plus de 10 000 habitants, à raison de 8 % des logements chaque année, soit 40 % sur 5 ans ; l’échantillon est tiré (voir encadré sur la stratégie d’échantillonnage) dans le répertoire d’immeubles localisés de chaque commune qui contient tous les immeubles d’habitation et qui est mis à jour chaque année par l’Insee, en lien avec les communes ; on dispose donc d’une base de sondage exhaustive et actualisée en continu ;
- les communautés (maisons de retraite, internats, établissements pénitentiaires, communautés religieuses…), les personnes sans abri, les habitations mobiles terrestres sont recensées exhaustivement, par roulement tous les cinq ans.
Au total, chaque année, ce sont quelque 9 millions de personnes et 4,5 millions de logements, répartis sur 8 000 communes, qui sont concernées par l’enquête annuelle de recensement. Même annualisé, le recensement reste une opération de très grande ampleur.
Comme lors des recensements précédents, la collecte se fait grâce à des agents recenseurs, 18 000 chaque année, qui se présentent au domicile des personnes à recenser, leur remettent les questionnaires (une feuille de logement et un questionnaire individuel par personne habitant le logement) et passent les reprendre, une fois remplis, quelques jours après. Les agents recenseurs sont recrutés et rémunérés par les communes ; ils disposent d’une carte tricolore, portant leur photo et signée du maire, pour que les personnes recensées les reconnaissent sans ambiguïté. La collecte se déroule chaque année entre la mi-janvier et la mi-février ; en 2009 elle commence le 15 janvier et s’achève le 14 février pour les communes de moins de 10 000 habitants et le 21 février pour les communes de plus de 10 000 habitants.

Le calcul de la population légale et l’élaboration des données détaillées

Les premières populations légales ont été publiées fin décembre sur la base des cinq enquêtes 2004 à 2008. Elles seront ensuite actualisées tous les ans avec l’enquête de l’année.

Ce calcul doit respecter deux grands impératifs :
- publier tous les ans la population de toutes les communes (c’est inscrit dans la loi) ;
- pour des raisons d’égalité de traitement des communes entre elles (prescription du Conseil d’État, consulté sur la nouvelle méthode) et de qualité pour la population des ensembles de communes (par exemple des Établissements Publics de Coopération Intercommunale), cette population doit être relative à la même année pour tout le monde. On ne peut pas retenir pour une commune le chiffre de 2004 et pour une autre le chiffre de 2008. Ainsi, la publication qui interviendra au Journal officiel avant le 31 décembre 2008 porte sur la population légale de l’année 2006.
Les données ont ainsi une ancienneté d’environ 3 ans. Cela peut paraître beaucoup, mais il faut bien voir que dans le cadre des recensements généraux, l’ancienneté des chiffres de population allait de 1 an à 10 ans et l’ancienneté des résultats détaillés de 18 mois à 11 ans. Et leur point fort réside dans leur annualité : l’on pourra ainsi, pour n’importe quelle année, se référer au recensement de l’année, ce qui n’était pas le cas pour les recensements généraux. C’est un apport majeur pour toutes les démarches d’évaluation de politiques publiques ou les synthèses de données.

Pour établir les chiffres de population légale pour chaque commune, l’Insee s’appuie sur les informations suivantes :
- dans les grandes communes (plus de 10 000 habitants), la moyenne des cinq enquêtes de recensement et le nombre de logements tiré du répertoire d’immeubles localisés ;
- dans les petites communes (moins de 10 000 habitants), les enquêtes de recensement, actualisées au moyen des décomptes de logements tirés chaque année des fichiers de la Taxe d’Habitation (communes enquêtées avant la date de référence) ou ramenées à la date de référence (communes enquêtées après).
L’Insee publie ainsi, pour chaque commune, un chiffre de population dite municipale, actualisé chaque année. Chaque personne vivant en France est comptée dans la population municipale d’une commune et d’une seule. C’est ce chiffre qui sert de référence en matière statistique, mais aussi en matière électorale.
Parallèlement au chiffre de population municipale, l’Insee publie également un chiffre de population totale, qui repose, pour chaque commune, sur une définition plus large de la population en incluant, par exemple, les étudiants majeurs qui retournent le week-end chez leurs parents. Ce chiffre est utilisé comme base pour l’application de nombreux textes (dotations de l’État par exemple) mais ni en matière statistique ni en matière électorale car il comporte des « doubles comptes ».

Les chiffres de population des zones supra-communales (EPCI, arrondissements, départements, cantons…) sont calculés par sommation des populations des communes correspondantes. Ils seront également actualisées chaque année. Les différents espaces 'fonctionnels' (Aires Urbaines, Zones d'Emplois, etc.) seront également mis à jour sur la base des données de population, de continuité du tissu bâti, de migrations domicile-travail, mais sur une base vraisemblablement décennale plutôt qu'annuelle.
Les chiffres de population des zones infra-communales (ZUS, ZFU) seront également calculés tous les ans. La première publication de ces chiffres interviendra en février ou mars 2009. Ces données interviennent dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine des communes.

Ces interpolations et extrapolations des données d’enquêtes permettent de déterminer le poids affecté à chaque individu ou logement enquêté au cours des cinq années du cycle de recensement.
Ces données ainsi pondérées permettent, d’obtenir, par tabulation, l’ensemble des résultats statistiques, du niveau infra-communal (IRIS) à la France entière.

Une diffusion massive sur internet, adaptée aux différents utilisateurs

La diffusion de ces résultats se fera en quatre temps :

- Le temps des populations, en décembre et janvier. Fin décembre, sont publiés les chiffres officiels de population des communes, départements, région, France. C’est ce que l’on appelle les populations légales ; elles sont en date de référence 2006. Et mi-janvier, l’Insee publiera des estimations de population, qui utiliseront le recensement mais aussi d’autres sources, à l’image de ce que l’on pratique actuellement : estimations de populations départementales au 01/01/07, régionales au 01/01/08, France au 01/01/09.
- Le temps des résultats statistiques au niveau communal, à partir de juillet 2009. Ce sont les descriptions statistiques tirées traditionnellement du recensement : pyramide des âges, répartition par secteur d’activité, structures familiales, parc de logement… Ces résultats seront proposés dès juillet 2009 sous plusieurs formes, pour répondre à différents besoins :
a. des fiches de chiffres clés présentant pour chaque commune les résultats principaux sous la forme de tableaux et graphiques simples contenant des effectifs, des pourcentages et des indicateurs calculés ;
b. des cartes pour visualiser les données essentielles des chiffres clés ;
c. des tableaux détaillés fournissant les effectifs de population selon de nombreux critères (sexe, âge, taille de ménage, catégorie socioprofessionnelle, etc.), le niveau de détail dépendant de la taille de la commune ;
d. des bases téléchargeables contenant pour chaque commune les données des chiffres clés et les tableaux détaillés au niveau le plus fin pour permettre aux utilisateurs avertis de procéder à des regroupements personnalisés de zones géographiques ou de modalités de variables ;
e. des fichiers détail anonymisés pour donner la possibilité aux professionnels de construire leurs propres tableaux et d’étudier ainsi des problématiques spécialisées.
- Le temps des résultats statistiques sur des zones infra-communales standard, que seront les IRIS (quartiers d’environ 2 000 habitants) : fin 2009.
- Enfin, le temps des résultats statistiques sur des zones infra-communales à façon, c’est-à-dire des zones définies par l’utilisateur et ne correspondant pas à des IRIS ou des ensembles d’IRIS : ce sera pour 2010.

Ces résultats seront diffusés sur internet, en donnant la possibilité aux utilisateurs de retravailler les données qui seront transmises sous forme de bases de données ou de fichiers détail.

Pourquoi a-t-on choisi cette méthode ?

Pour maintenir la pertinence et la qualité des données produites, tout en maîtrisant les charges.
Les recensements traditionnels devenaient de plus en plus lourds et de plus en plus espacés. Le dernier recensement général, initialement prévu en 1997, avait d’ailleurs dû être repoussé à 1999 pour raisons financières. Par ailleurs, l’expérience de 1999, ainsi que celle de certains de nos collègues étrangers montre que les recensements généraux devenaient de plus en plus difficiles.
Enfin, parce que l’accélération des mutations de la société, avec des habitants de plus en plus mobiles, géographiquement et socialement, jointe à un renforcement de la décision locale, nécessitaient des informations plus régulières que celles que pouvaient fournir des recensements généraux quasi-décennaux.
Par ailleurs, la nouvelle méthode permet de garantir une meilleure qualité des données produites, grâce à quatre grandes caractéristiques :
1. le recours au sondage dans les grandes communes qui permet de réduire le risque d’omission car l’agent recenseur sait précisément quels sont les immeubles qu’il doit recenser et peut ainsi concentrer ses efforts ;
2. la réduction de la taille des enquêtes, par rapport à un recensement général, qui permet de mieux former les acteurs, de mieux accompagner et contrôler la collecte ;
3. un dispositif exigeant d’évaluation et d’amélioration en continu du processus, permis par le caractère annuel des opérations (cf. encadré sur le contrôle en continu de la qualité) ;
4. et bien sûr l’annualisation des résultats, qui réduit les inconvénients liés au vieillissement des données que l’on avait pour les recensements généraux.
Le recours au sondage a fait débat, certains utilisateurs faisant valoir la perte de précision sur des zones infra-communales. Il y a effectivement une perte, mais celle-ci est à mettre en regard de la perte de précision liée au vieillissement des données. En cas de restructuration d’un quartier, par exemple, travailler sur des données trop anciennes peut donner une image erronée et, finalement, plus éloignée de la réalité qu’une image tirée d’un échantillon. C’est pourquoi le principe du sondage a été finalement retenu. Il faut également noter que, sur les zones infra-communales, le recensement n’est plus la seule source : de nombreuses sources administratives, dont l’utilisation infra-communale a été rendue possible grâce au RIL, sont maintenant accessibles au niveau de l’IRIS.

Le pari est en passe d’être gagné : les premiers résultats officiels tirés du nouveau recensement ont été publiés et les évaluations faites jusqu’ici sont largement positives, même si on peut toujours apporter des améliorations. La commission nationale d’évaluation du recensement comme la mission d’information de l’Assemblée Nationale dressent un bilan positif de la nouvelle méthode. Et la forte mobilisation des personnes recensées comme des communes dans le cadre de ce nouveau recensement témoignent également de cette réussite.

Pour en savoir plus : la rubrique « Le recensement de la population » sur le site internet de l’Insee. http://www.insee.fr/fr/publics/default.asp?page=communication/recensement/particuliers/accueil.htm

Autrice

Olivier Lefebvre (1995)
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