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Ces chiffres ont suscité beaucoup de commentaires questionnant leur représentativité de l’activité économique véritable du pays. Cette croissance spectaculaire s’explique en partie par le transfert en Irlande de propriété intellectuelle – recherche & développement (R&D), brevets, design, marketing – par les grandes entreprises multinationales, essentiellement pour des raisons d’attractivité fiscale.
De même les transactions entre ménages, telles que la location d’une chambre ou l’échange d’objets d’occasion (ou neufs), ont elles aussi toujours été intégrées dans le PIB. En effet, les comptables nationaux ont depuis longtemps développé des techniques d’estimation pour mesurer certaines activités difficiles à appréhender, notamment les activités grises ou informelles.
Ce qui est en cause aujourd’hui serait donc moins la question de la validité des concepts que celle de l’ampleur du phénomène qui amène à s’interroger sur la robustesse des instruments de collecte statistique développés pour enregistrer des transactions qui à l’époque étaient relativement marginales.
Cela ne veut pas dire pour autant que des réflexions conceptuelles ne sont pas à l’ordre du jour. Des travaux sont par exemple en cours à l’OCDE et au G20 concernant les transactions internationales à caractère numérique, en particulier les règles comptables appliquées pour déterminer la localisation de la propriété intellectuelle et le lieu de comptabilisation de la valeur ajoutée. Il est important, comme dans le cas irlandais, de pouvoir mieux distinguer les activités des entreprises nationales, des entreprises nationales avec filiales à l’étranger, et des filiales d’entreprises étrangères implantées dans le pays.
Des travaux conceptuels sur les prix sont aussi en cours, notamment pour mieux prendre en compte le problème du changement de qualité, exacerbé par la numérisation, comme dans le cas du prix des offres d’abonnement vidéo ou musique en streaming.
Dans le même temps, il convient de rappeler que le PIB est une mesure de la production nationale et non du bien-être que les individus peuvent retirer par exemple de la plus grande variété de biens et services proposés ou du fait qu’Internet facilite leur vie quotidienne.
Cela renforce l’idée qu’il est nécessaire de développer des indicateurs complémentaires qui appréhendent le bien-être et la qualité de la vie des citoyens. C’est ce que fait l’OCDE dans le cadre de son « Initiative du vivre Mieux ».
Article initialement publié sur "lemonde.fr", édition du 4 novembre 2016
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18 novembre 2016
Martine Durand (1983) dans "LE MONDE"
Publié par
Variances EU
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« Il faut développer des indicateurs complémentaires qui appréhendent le bien-être et la qualité de la vie des citoyens »
Si le cadre conceptuel et comptable du PIB n’apparaît pas déficient, le numérique et l’internationalisation des activités économiques posent des problèmes de mesure auxquels il est important de répondre si l’on veut suivre les évolutions et comprendre les économies d’aujourd’hui, explique l’économiste Martine Durand.Par Martine Durand, chef statisticienne de l’OCDE
L’été dernier, l’Institut national de la statistique irlandais a publié les chiffres de croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) pour 2015, montrant que l’économie irlandaise avait progressé à un rythme de 26,3 % par rapport à 2014, de loin la plus forte croissance de tous les pays de l’OCDE.Ces chiffres ont suscité beaucoup de commentaires questionnant leur représentativité de l’activité économique véritable du pays. Cette croissance spectaculaire s’explique en partie par le transfert en Irlande de propriété intellectuelle – recherche & développement (R&D), brevets, design, marketing – par les grandes entreprises multinationales, essentiellement pour des raisons d’attractivité fiscale.
Des activités pas vraiment nouvelles
Dans le même temps, des doutes se sont aussi exprimés dans d’autres pays sur la capacité du PIB à rendre compte de la numérisation croissante de l’économie, telle qu’elle se manifeste à travers les nouvelles plateformes qui facilitent les transactions entre particuliers comme Airbnb, Uber ou eBay, l’émergence d’une catégorie croissante de travailleurs indépendants occasionnels, les services gratuits financés par la publicité (comme les comparateurs de prix sur Internet) et l’acquisition de données massives (big data), ou encore le fait que les ménages accomplissent désormais eux-mêmes certaines tâches (comme les réservations en ligne) précédemment réalisées par le secteur marchand.Ces évolutions remettent-elles fondamentalement en cause les concepts et méthodes statistiques actuels et plus précisément le cadre de la comptabilité nationale ? En particulier, que peut-on dire de la validité du PIB pour mesurer l’activité nationale lorsque l’économie est de plus en plus mondialisée et de plus en plus numérique ? Lorsque le capital utilisé pour la production est de plus en plus intangible (R&D, logiciels, informatique en nuage) et peut donc être déplacé au gré de l’optimisation fiscale ? Lorsque apparaissent de nouvelles formes d’intermédiation et de provision de services ? Lorsqu’Internet brouille les frontières entre ce qui relève de l’activité marchande, de la production participative et de la simple consommation ?
Pourtant, aussi nouveau que puisse être le phénomène de numérisation de l’économie, beaucoup de ces activités ne sont pas vraiment nouvelles, du moins conceptuellement.Ampleur du phénomène
Les services de taxis fournis via Uber demeurent dans une large mesure identiques à ceux fournis par des canaux plus classiques, par téléphone ou en attendant à une station, et ont toujours été mesurés. Plus généralement, il n’y a pas de raison de douter que les services fournis par les intermédiaires numériques soient bien mesurés par les enquêtes traditionnelles auprès des entreprises si ces intermédiaires sont enregistrés dans le pays où ils exercent effectivement leur activité.De même les transactions entre ménages, telles que la location d’une chambre ou l’échange d’objets d’occasion (ou neufs), ont elles aussi toujours été intégrées dans le PIB. En effet, les comptables nationaux ont depuis longtemps développé des techniques d’estimation pour mesurer certaines activités difficiles à appréhender, notamment les activités grises ou informelles.
Ce qui est en cause aujourd’hui serait donc moins la question de la validité des concepts que celle de l’ampleur du phénomène qui amène à s’interroger sur la robustesse des instruments de collecte statistique développés pour enregistrer des transactions qui à l’époque étaient relativement marginales.
Des solutions
La bonne nouvelle c’est que le problème peut être source de solutions : les instituts statistiques devraient pouvoir exploiter les données collectées par les plates-formes et autres intermédiaires comme source d’information pour améliorer leurs propres statistiques.Cela ne veut pas dire pour autant que des réflexions conceptuelles ne sont pas à l’ordre du jour. Des travaux sont par exemple en cours à l’OCDE et au G20 concernant les transactions internationales à caractère numérique, en particulier les règles comptables appliquées pour déterminer la localisation de la propriété intellectuelle et le lieu de comptabilisation de la valeur ajoutée. Il est important, comme dans le cas irlandais, de pouvoir mieux distinguer les activités des entreprises nationales, des entreprises nationales avec filiales à l’étranger, et des filiales d’entreprises étrangères implantées dans le pays.
Des travaux conceptuels sur les prix sont aussi en cours, notamment pour mieux prendre en compte le problème du changement de qualité, exacerbé par la numérisation, comme dans le cas du prix des offres d’abonnement vidéo ou musique en streaming.
Initiative du vivre Mieux
Au total, si le cadre conceptuel et comptable du PIB n’apparaît pas fondamentalement déficient, il est clair que le numérique et l’internationalisation des activités économiques posent des problèmes de mesure auxquels il est important de répondre si l’on veut suivre les évolutions et comprendre les économies d’aujourd’hui.Dans le même temps, il convient de rappeler que le PIB est une mesure de la production nationale et non du bien-être que les individus peuvent retirer par exemple de la plus grande variété de biens et services proposés ou du fait qu’Internet facilite leur vie quotidienne.
Cela renforce l’idée qu’il est nécessaire de développer des indicateurs complémentaires qui appréhendent le bien-être et la qualité de la vie des citoyens. C’est ce que fait l’OCDE dans le cadre de son « Initiative du vivre Mieux ».
Article initialement publié sur "lemonde.fr", édition du 4 novembre 2016
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