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13 octobre 2010

L’enjeu du Campus de Paris-Saclay pour ENSAE ParisTech et le CREST

Publié par Antoine FRANCHOT (1989) | N° 38 - Variances 38

Le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche est en pleine mutation aujourd’hui en France. Il existe désormais une volonté politique forte pour organiser l’enseignement supérieur français en campus, à la visibilité et aux standards internationaux, en y déversant les moyens nécessaires à cet objectif, et surtout, en imposant une gouvernance solide et fédératrice. Dans le même temps, les moyens matériels des universités sont mis à niveau et leur autonomie considérablement renforcée.

Par ce double mouvement d’organisation en logique de campus internationaux et de renforcement des universités, les grandes écoles d’ingénieurs françaises risquent de se marginaliser si elles n’évoluent pas elles aussi. En effet, aussi brillantes soient-elles, les grandes écoles d’ingénieurs françaises n’ont pas la taille critique - individuellement - pour rayonner internationalement, continuer à attirer les meilleurs élèves, développer une recherche scientifique de haut niveau, attirer les meilleurs enseignants, et last but not least, pouvoir être des interlocuteurs crédibles vis-à-vis des grandes entreprises internationales, que ce soit pour le recrutement de leurs cadres, leurs besoins de formation continue et professionnelle, ou encore, leurs projets d’étude et de recherche.

Ainsi bousculées, les écoles d’ingénieurs répondent à ces évolutions structurelles par la seule réponse qui fait sens quand on étudie les systèmes universitaires des autres pays : s’intégrer dans ces campus en cours de construction. Pour le Groupe des Ecoles Nationales d’Economie et de Statistique, cela signifie le Campus Paris- Saclay pour l’ENSAE ParisTech et le Campus de Rennes pour l’ENSAI, et un jour - pourquoi pas - l’implantation de la « marque » ENSAE et ENSAI dans d’autres campus français ou étrangers.

S’agissant de l’ENSAE ParisTech, il est important de ne pas réduire l’intégration au Campus Paris-Saclay à sa seule dimension immobilière, i.e. localisation géographique près de l’Ecole polytechnique et construction d’un bâtiment sur place (voir encadré 2). Il s’agit avant tout et surtout d’un projet académique de premier plan. On voit bien à partir des évolutions décrites précédemment que l’intégration d’une école d’ingénieurs dans un très grand Campus sans un projet académique clair et cohérent risque d’aboutir tout simplement à la mort de cette école.

A cet égard, l’ENSAE ParisTech a de très bons atouts dans son jeu et il lui appartient de les jouer intelligemment. En premier lieu, elle occupe des créneaux dont le dynamisme ne se dément pas et qui sont particulièrement bien adaptés aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Les élèves de l’ENSAE ParisTech sont « chassés » par les institutions internationales, les plus grandes entreprises mondiales - et pas seulement les banques -, les sociétés de service et de conseil, pour leurs compétences en économie, en statistique et en traitement de l’information, ou encore en ingénierie financière. Deuxièmement, l’ENSAE ParisTech est la seule – ou quasiment – sur tous ces créneaux à la fois et sa légitimité est incontestable. Troisièmement, en raison de sa taille moyenne et de sa culture, l’ENSAE ParisTech est déjà dans une logique de collaboration avec d’autres écoles et universités.

Pour résumer et simplifier, le projet académique de l’ENSAE ParisTech est triple et s’insère dans les 12 pôles définis aujourd’hui sur le Campus Paris-Saclay (voir encadré 1). Premièrement, l’ENSAE ParisTech construit avec l’Ecole polytechnique et HEC le pôle Economie, Finance et Gestion, en rassemblant dans un même bâtiment – celui de l’ENSAE ParisTech – les enseignants-chercheurs du département d’économie de l’Ecole polytechnique, de l’ENSAE ParisTech et des laboratoires du CREST, et des enseignants-chercheurs venus d’autres écoles ou universités. A partir de cette masse critique, l’ambition est de créer la Graduate School of Economics du Campus de Paris-Saclay, ouverte à tous les étudiants présents sur place, qu’ils viennent de l’université ou des grandes écoles. Cette Graduate School devra alors très vite se donner l’ambition d’être la meilleure en France dans ce domaine et d’avoir un rayonnement international de premier plan, grâce à la qualité de ses élèves et de ses enseignants, la valeur de sa recherche, et l’intensité de ses liens avec les entreprises.

Parallèlement, l’ENSAE ParisTech participera activement aussi au pôle Mathématiques, incluant en particulier les mathématiques appliquées et la statistique, en couvrant tous les domaines de pointe allant de la statistique théorique, la bio-statistique et la bio-informatique, le datamining, le machine learning. Il est ainsi frappant de voir à quel point les besoins en ingénierie statistique, en traitement de l’information et en datamining sont forts, que ce soit en médecine, en marketing, en gestion des organisations ou dans le secteur des hautes technologies. Même si le coeur des enseignements de statistique de l’ENSAE ParisTech est tourné vers les applications à l’économie, nous partageons probablement tous l’intuition que la formation de l’ENSAE ParisTech peut aussi bénéficier grandement à d’autres domaines.

Enfin, l’ENSAE ParisTech vise à être un acteur de premier plan sur le pôle Sciences Humaines et Sociales grâce à son laboratoire de Sociologie Quantitative et à la compétence acquise ces dernières années pour développer une sociologie empreinte de rigueur scientifique, d’analyse quantitative et de modélisation. En résumé, le projet Paris-Saclay est l’occasion pour l’ENSAE ParisTech de donner un grand coup d’accélérateur à son développement et de démontrer que les compétences acquises dans cette école sont au rendez-vous des grands enjeux de nos sociétés.

La question des moyens alloués à l’ENSAE ParisTech est évidemment centrale. L’ENSAE ParisTech bénéficiera de sa dotation publique et de l’engagement du monde politique dans les projets de campus, en particulier celui de Paris-Saclay. Néanmoins, cela ne suffira probablement pas et c’est notamment pour cette raison que l’Insee et le Groupe des Ecoles Nationales d’Economie et de Statistique (auquel l’ENSAE ParisTech et le CREST appartiennent) ont engagé une évolution de statut pour devenir un établissement public. L’autonomie et la souplesse que donne ce statut permettront à l’ENSAE ParisTech et au CREST de se battre avec les mêmes armes que les autres établissements et de développer leurs financements externes par les entreprises partenaires, les anciens élèves, une politique de formation continue et professionnelle ambitieuse, et le développement d’une activité d’étude, de conseil et recherche pour des entreprises privées ou publiques. Nul doute que l’ENSAE ParisTech se tournera vers ses anciens élèves pour qu’ils soient acteurs de ce développement et du rayonnement de cette marque !

Autrice

Antoine FRANCHOT (1989)
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