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04 mai 2007

Anciens, ne zappez pas ! ce qui suit vous concerne …

Publié par Catherine Grandcoing (1978) | N° 30 - Le conseil en stratégie

A l’occasion d’une enquête menée pour Grandes Ecoles au Féminin, L'ENSAE au féminin, pointe le doigt vers les discriminations, plus ou moins conscientes mais toujours significatives, que les anciennes subissent au cours de leur vie professionnelle. Le lieu idéal pour rappeler que les évènements Ensae au Féminin sont destinées à tous les anciens, sans exclusive de sexe !

NDLR : Catherine Grandcoing (1978), Conseil en stratégie, communication et média, est professeure associée au CNAM


Saluée par tou(te)s, la création d’Ensae au féminin pose une question : lorsqu'un évènement est organisé par ENSAE au Féminin, l'immense majorité des anciens (pour ne pas dire la totalité sauf quelques dizaines !) ne se sent pas directement concernée : nous retrouvons ainsi le vieux schéma qui attribue sans réserve aux femmes un espace d'expression à elles, mais dans un périmètre "à part" et qui leur est propre.

Cet état de fait, héritage culturel le plus souvent inconscient, a involontairement des conséquences radicalement opposées à la vocation de l'ENSAE au féminin qui se veut, avant tout, un lieu de prise de conscience et de dialogue entre toutes et tous pour, qu'ensemble, nous fabriquions un monde professionnel plus riche de sa mixité.

Car, rappelons le, la place des femmes dans le monde du travail ne relève pas d'un problème de représentation encore insatisfaisante d'une minorité (à ce propos et "pour le fun", nous, statisticien(ne)s, n'oublions pas que la population française est minoritairement masculine !), mais bien des réticences d'un monde professionnel "androcentré" à conjuguer naturellement et harmonieusement l'altérité fertile des genres qui la composent.

Parallèlement à cette réflexion qui nous anime, les résultats d'une étude (*) menée par Ipsos pour GEF (Grandes Ecoles au Féminin) auprès de 7233 diplômé(e)s publiée il y a quelques jours met en évidence de manière fort intéressante les points de ressemblances et de dérive entre les carrières des ancien(ne)s des neuf grandes écoles réunies par cette association (**).

Les grands enseignements de cette étude confirment (malheureusement !) les différences très importantes entre les réalités professionnelles des femmes et des hommes diplômés de ces écoles malgré un investissement identique. En effet :

(i) si, hommes et femmes diplômés des grandes écoles affichent une même ambition et démontrent un même investissement professionnel (taux d'activité identique et volume horaire travaillé similaire) …

Des différences de carrière significatives

(ii) …les résultats obtenus par ces deux populations hommes-femmes, identiquement diplômées, sont très significativement différents ; ainsi :
- à âge égal, 28% des femmes siègent au comité de direction contre … 43% des hommes
- à âge égal, 18% des femmes encadrent des équipes de plus de 50 personnes contre … 32% des hommes
- et dès leur premier emploi (!), un écart de salaire de 18% est observé.

Cette dernière constatation, qui interpelle forcément, souligne qu'avant même l'observation d'éventuelles différences de compétence, les "a priori" inconscients entrent en jeu de manière significative. L'étude GEF nous apprend par ailleurs que cet écart progresse jusqu'à atteindre 27% confirmant, là encore que, même si les qualités professionnelles participent évidemment aux décisions de progression professionnelle, le système de cooptation par ses pairs et ses supérieurs (majoritairement masculins) est un frein de fait, extrêmement important, voire déterminant à la promotion des femmes.

Entre a priori…

Mais n'y a-t-il pas d'autres raisons à ces différences ? Deux, toujours spontanément évoquées, viennent naturellement à l'esprit : les enfants et le manque de mobilité n'empêcheraient-ils pas les femmes d'avoir les mêmes carrières professionnelles que leurs "confrères" ?
Les résultats de l'étude GEF montrent une surestimation importante de ces freins si souvent évoqués, la réalité étant finalement beaucoup plus nuancée :
- 85 % des femmes diplômées, mères de trois enfants ou plus, travaillent (et 96% des mères de deux enfants)
- 76 % des femmes diplômées se déclarent prêtes à partir travailler à l'étranger contre 83 % des hommes

Comme le montrent ces chiffres, les freins liés à la maternité et à la réputation de faible mobilité des femmes diplômées sont très largement surestimés et ne peuvent justifier les différences de progression professionnelle observées.

…et sourde inconscience

Mais alors, que se passe-t-il donc ? un résultat essentiel de cette étude, parce que porteur d'espoir de progression, est la mise en évidence d'un élément jusqu'ici ignoré : la perception très faible que les hommes ont des difficultés rencontrées par les femmes dans leur vie professionnelle… qui se déroule pourtant dans des bureaux communs, et dans un sympathique partage des mêmes "patrons".

A la question : "Personnellement, avez-vous constaté des différences entre le parcours professionnel des hommes et des femmes diplômées de grandes écoles ?"

les femmes répondent : oui = 65 %
les hommes : non = 62 %

A la question : "Pensez-vous qu'il y a des freins à l'évolution de la carrière des femmes diplômées de grandes écoles?"

femmes : oui = 77 %
hommes : non = 50 %

Il apparaît ainsi que la perception des difficultés des femmes, très largement exprimée par celles ci (65% d'entre elles les soulignent), est quasi invisible aux yeux de la grande majorité des hommes (62% d'entre eux ne perçoivent pas ces différences). Que ce soient les différences de parcours professionnels, les freins à l'évolution des carrières des femmes, les a priori des employeurs à leur égard, leurs propres attitudes et comportements (faible auto promotion, moindre goût du pouvoir …) … autant de sujets de prise de conscience, de réflexion et d'amélioration possible que près des 2/3 des hommes ne perçoivent pas !

Dès lors, comment imaginer que la mixité du monde professionnel - dont le fonctionnement est totalement fondé sur la cooptation de ses pairs, rappelons-le encore - se conjuguera demain de manière plus harmonieuse et donc plus efficace pour l'entreprise, si ceux qui en sont encore en très grande majorité les "drivers" n'ont pas conscience des difficultés contre lesquelles lutter.

Voilà pourquoi, anciennes et anciens doivent se sentir identiquement concernés par la manière dont les entreprises aujourd'hui encore, par inconscience et / ou négligence (voire parfois, ne soyons pas dupes, par volonté délibérée non avouée ?), gâchent une partie importante du potentiel productif dont elles disposent.
Les salariés des entreprises ne sont plus des hommes, dont certains seraient de sexe féminin (!) , mais bien des individus - mais oui, le mot neutre existe - , des "ressources humaines", hommes et femmes, à considérer ensemble, dans une altérité riche et stimulante pour tou(te)s.

Merci de ne pas avoir zappé ! J'espère que ces lignes ont su vous convaincre que toute discrimination envers la "presque moitié" de la population active est forcément l'affaire et l'enjeu de tou(te)s…

"Together, open our eyes" !!!

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(*) : étude réalisée de septembre à novembre 2006. Les résultats complets de cette étude sont à consulter sur le site grandesecolesaufeminin.net

Méthodologie : cinq groupes qualitatifs suivis par un questionnaire en ligne proposé à tous les ancien(ne)s des neuf écoles de GEF. Un taux de retour de 10% a permis l'exploitation de 7 233 questionnaires remplis.
La population répondante était composée à 35% de femmes ; par ailleurs 41% des hommes et 24% des femmes avaient plus de 40 ans.

(**) GEF : ECP, ENA, ENPC, ESCP-EAP, ESSEC, HEC, INSEAD, MINES, POLYTECHNIQUE

Autrice

Catherine Grandcoing (1978)

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