Colloque du 27 mars 1997 « l'Euro: un défi pour la France
Pour son quatrième colloque annuel, l'Association a choisi pour thème des entretiens de la prévision les conséquences pour l'économie française du passage à la monnaie unique. Les interventions axées sur les aspects stratégique de l’euro ont suscité un large débat auprès du public. Cet article vous en présente une synthèse.
Monsieur Lesourne introduit le colloque en rappelant d'emblée les enjeux du passage à la monnaie unique, et notamment le fait que cet événement constitue un phénomène entièrement nouveau pour les économies européennes car, d'une ampleur sans précédent. L’euro est dans une période délicate à trois titres. Outre l'introduction de la monnaie, se posent en même temps les problèmes de l'élargissement et de la réforme institutionnelle. Des risques de rupture et d'accident peuvent se produire d'ici la mise en place de l'euro ou juste après, comme une crise sociale Jans un pays européen majeur, qu 1 pourraient remettre en question l’euro. En aval, les problèmes sont dus au décalage entre les établissements financiers et le consommateur, à la sousestimation du bouleversement social, à l'inflation et au changement des ordres de grandeur.
Monsieur Simon considère qu'il y a deux approches de la monnaie unique : une approche minimaliste, qui consiste à voir dans l'euro un simple dossier technique et une approche maximaliste pour laquelle l'euro aura un impact majeur sur la gestion des entreprises en accéléra t la réalisation complète d'un marché unique. L'euro fait sauter un obstacle au marché unique en permettant la comparaison des prix. Il y aura davantage de concurrence et d'opportunités pour les entreprises qui auront à avoir de plus en plus une vraie stratégie européenne, Les conséquences seront plus ou moins rapide et fortes suivant les secteurs d'activité.
La première table ronde a posé la question de la parité de l'euro et de la stratégie e la politique monétaire qui serait menée par la nouvelle banque centrale européenne. Monsieur Artus pense que la Banque Centrale Européenne (BCE) n'aura pas des objectifs très différents de ceux de la Bundesbank, c'estàdire privilégier la stabilité des prix. Il est même possible qu'au début, la BCE pratique une politique assez restrictive pour assurer sa crédibilité. Mais, à moyen terme, la politique monétaire devrait être plus accommodante car l'Europe des 15 sera une économie plus fermée que les EtatsUnis et le Japon. Un autre argument avancé dans le sens d'un euro fort est que l'euro va devenir une monnaie de réserve à côté du dollar, et donc sa demande dans le monde vu s'accroître, ce qui poussera à la hausse la monnaie européenne. Mais il y aura également une augmentation de la diversification internationale des investisseurs européens et ce second effet empêchera que l'équilibre financier international n'entraîne une appréciation de l'euro. De plus, la fusion des marchés ne fait pas un marché unique immédiatement. Enfin, pour avoir une monnaie de réserve, il faut un déséquilibre courant de la balance des paiements. Or, l'Europe est excédentaire et l'euro sera plutôt comme le franc suisse, une monnaie forte mais pas une monnaie de réserve. Monsieur de Boissieu s'interroge sur le taux de change entre l'euro et les autres devises, en distinguant les devises communautaires 'out' et les devises non communautaires et plus particulièrement le dollar, ainsi que sur le futur râle international de l'euro sur la scène mondiale. Pour lui, la question n'est pas de savoir si l'euro sera une monnaie forte ou faible, mais une monnaie crédible. Le taux de change entre l'euro et le dollar dépendra de la composition du noyau dur. A partir de 1999, se Posera également la question du taux de change entre les pays 'in' et les pays /out', du SME bis et de la coopération monétaire. En ce qui concerne le rôle international de l'euro, la concurrence monétaire au plan mondial à 25 ans ne sera pas limitée au dollar et à l'euro. Le redéploiement en faveur de l'euro sera plus facile sur le plan financier que sur le plan commercial, Monsieur Henry rappelle que le Système européen de banques centrales (SEBC) aura comme objectif final la stabilité des prix. Pour y parvenir, le SEBC devra définir une stratégie et disposer de procédures et d'instruments d'action sur le marché monétaire afin de mettre en oeuvre la politique souhaitée Concernant la stratégie, le SEBC pourrait retenir la monnaie ou l'inflation ou une combinaison des deux comme objectif intermédiaire. A partir de là, le SEBC définira son action sur les taux à court terme. Monsieur Jackman, tout en reconnaissant l'avantage de l'intégration européenne et de la monnaie unique, exprime le regret des Britanniques vis-à-vis de la politique monétaire restrictive qui a été menée ces dernières années en Europe. En Grande Bretagne, la politique monétaire a été beaucoup plus souple. Le défi le plus important pour le futur est de permettre la croissance et la flexibilité des politiques économiques à travers les pays.
Monsieur Salustro ouvre la deuxième table ronde consacrée aux enjeux pour les entreprises en citant une enquête réalisée à l'automne qui indiquait que plus de la moitié des entreprises n'avaient rien commencé pour se préparer à l'euro. La préparation était essentiellement limitée aux banques et aux grandes entreprises exportatrices, les autres entreprises étant en position d'attente. Quant aux réparatifs, ils concernent les problèmes administratifs et comptables et l'informatique. Il n'y a pas de prise de conscience en terme de prix, de concurrence et de marketing. En matière fiscale, l'évolution vers la convergence sera longue, mais il y aura une convergence à la baisse. Pour les aspects comptables, le passage à l'euro de toutes les entreprises sera progressif. D'après Madame LévyRosenwald, le cadre juridique de l'utilisation de la future monnaie unique est désormais mieux cerné. Deux projets de règlements communautaires approuvés politiquement lors du Conseil européen de Dublin en décembre 1996 définissent ce que sera la nouvelle loi monétaire pour les Etats membres participants et précisent les modalités de la transition entre les monnaies nationales et la monnaie unique. Ce qui est important, c'est la période transitoire de 1999 à 2002, pendant laquelle se posent des questions essentielles comme la continuité des contrats, les règles d'arrondi et les conditions d'introduction de la monnaie fiduciaire en euro. Pour la monnaie scripturale, ce sont les banques qui font la conversion. Monsieur Creyssel observe que, si l'euro intéresse les entreprises et les inquiète, il ne les mobilise pas encore énormément. L'euro, présente quatre avantages essentiels pour les entreprises : la fin des dévaluations compétitives, la diminution des coûts (change, intérêt), un meilleur équilibre global et une remise en ordre des Finances publiques et de l'économie française. Mais la mise en place de l’euro est compliqué et risque de coûter cher. Les contraintes identifiées sont la période transitoire qui nécessite des investissements jetables/ l’apparition des billets et des pièces seulement en 2002, la diversité des entreprises, la multiplicité des 'big bang' qui multiplie les risques, la nécessité d'être bien placé par rapport aux étrangers et les perturbations psychologiques pour beaucoup d'acteurs. Pour Monsieur Mosconi, la mise en place de l'euro dans le secteur du commerce est déterminante parce qu'elle conditionne l'intégration et l'acceptation par la population de cette nouvelle monnaie. Par ailleurs, le commerce va devoir, durant ces quatre prochaines années, refondre l'ensemble clé ses systèmes d'encaissement en raisons de mutations diverses et dont l'euro n'est que l'une d'entreelles, ce qui va nécessiter des investissements Ouuirds. Sur un plan commercial, le consommateur devra reconstruire de nouveaux repères. C'est tout le problème des prix psychologiques qu'il faudra reconstituer, ce qui n'est pas facilité par la définition de la règle des arrondis. D'importants efforts de communication vont être nécessaires vis-à-vis des clients.
Monsieur Lemierre conclut la matinée par deux remarques. La première remarque est que l'euro constitue une réalité des politiques menées depuis 2 ou 3 ans. Mais, si les critères ne posaient pas de problème au moment de la rédaction du traité de Maastricht, les critères de déficit et d'endettement constituent maintenant des défis et engagent les pays dans des politiques lourdes. La deuxième remarque est que l'euro est prêt. Il repose sur 3 piliers : le statut juridique, l'instauration d'un SME bis et le pacte de stabilité. Dans ce cadre, la France et, avec la Belgique, le pays le plus avancé dans la préparation interne. Il reste des points à traiter concernant la période transitoire et le passage au 1 1 2002. Un comité national de l'euro a été mis en place pour discuter des problèmes.
Pour la troisième table ronde consacrée aux marchés de capitaux, Monsieur von Lowis considère que, si n pays participent à l'euro début 1999, il y aura (n + 1) marchés obligataires en euro, c'estàdire n marchés domestiques et un marché euro. Dans certains ays subsisteront des règles nationales. Le grand marché de l'euro, sera moins rand que le marché américain. A?a différence des EtatsUnis où il y a un émetteur principal qui est l'état, le marché obligataire de l'euro sera sans émetteur de référence et la question de notation prendra une importance croissante. Pour le marché des actions, Monsieur Perrollaz distingue les conséquences du passage à l'euro, pour les particuliers et pour les professionnels. Les particuliers vont être confrontés, pendant la période transitoire, à une dualité d'informations entre des avoirs exprimés en francs et des décisions d'investissement exprimés en euro. Pour les professionnels, l’euro favorisera la diversification géographique des portefeuilles et favorisera les comparaisons européennes entre les entreprises cotées. Cependant, des spécificités nationales persisteront en raison de l’incidence des politiques économiques nationales, du droit des sociétés et des règles comptables et fiscales. Monsieur Werren explique que l’euro révolutionne le paysage financier du fait de la conduite de la politique monétaire en euro, de la disparition des risques de change, de l'effet volume positif des marchés européens de capitaux, de la conversion de la dette qui rendra possible la comparaison entre la France et l'Allemagne et de la concentration de la gestion institutionnelle qui en résultera. Il va y avoir un renforcement très important de la compétition européenne et, pour le matif, ce n'est pas gagné d'avance. Pour renforcer sa compétitivité, le matif a baissé ses courtages et se positionne sur l'euro. Monsieur Leddet intervient sur le marché des changes. La mise en place de l'euro devrait réduire, dès le 111999,.de25 à 15 le nombre de devises traitables, ce qui ne signifie pas que les énormes volumes actuels vont se contracter, mais que les cambistes devront s'habituer aux parités euro/dollar et euro/yen. Les devises européennes 'noneuro' vont faire l'objet d'échanges accrus ainsi que les devises de la zone 'dollar'. Monsieur Michel aborde le point de vue des investisseurs en distinguant la situation avant et après l'euro . Avant la mise en place de l'euro, les spéculations vont se multiplier sur un éventuel échec de l'Union Monétaire, peu probable aujourd'hui et sur la constitution initiale du panier de devises entrant dans l'euro. Dans ce contexte instable, des opportunités se présentent sur les marchés de capitaux. Après l'introduction de l’euro, les investisseurs seront conduits à modifier leur gestion. Ils devront développer des outils de risque crédit à un niveau intereuropéen et seront amenés à réorienter leur diversification vers de nouvelles zones géographiques.
A la quatrième table ronde dédiée aux services financiers, Monsieur Mary a étudié l'impact de l'introduction de l'euro sur les activités bancaires de proximité. L’euro va générer des travaux spécifiques tels que la reprise des tableaux d'amortissement de tous les prêts, le traitement des chèques et les produits télématiques à modifier. Le coût du passage à l’euro est estimé à l'équivalent d'un an de bénéfices. L’euro va également modifier l'environnement : les taux administrés risquent de disparaître, les dépôts seront rémunérés avec une facturation nouvelle des activités bancaires. Pour monsieur Ménard, si les banques françaises seront protégées dans un premier temps par les barrières nationales, l'intensité de la concurrence dans un deuxième temps se fera essentiellement sentir au niveau des acteurs nationaux. Puis, il y aura des fusionsacquisitions transnationales. Les atouts des banques françaises dépendront alors de leur taille critique, leurs avancées technologiques et de leur compétitivité. Dans l'assurance, d'après monsieur Lefas, l'euro va avoir un effet d'accélérateur dans un marché en évolution. Un marché unique de l'assurance se construira progressivement, avec un mouvement de concentration et une évolution du mode de distribution, même si les assurances de dommages des particuliers resteront un service de proximité.
Béatrice Lévy , (Ensae79)
Présidente du comité colloque 97
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