La dictature de la démocratie
La plus grande partie des journées était consacrée à clés assemblées générales. Tous les sujets y étaient abordés: devenir de l'école, réforme des structures et de l'enseignement, jugement de la valeur des professeurs (tandis qu'on contestait la nécessité de contrôler les connaissances des étudiants), analyse de Ici situation politique et sociale (sic!)
L'assistance variait avec l'heure: environ dix personnes à neuf heures du matin, plus de cinquante entre onze et seize heures, une dizaine après dix-huit heures. À l'ordre de tous les jours, il y avait naturellement la question de la poursuite de la grève. En fin de matinée, les "mous" étaient en majorité'; j'en étais (étant "marais' de naissance). En fin de journée ne restaient que les "durs', que je soupçonnais de coucher sur place. La tactique des durs était simple: quand la question de la poursuite de la grève était mise aux voix, en fin de matinée, d'innombrables et interminables explications de votes retardaient la décision jusqu'en fin de journée. Alors ne restaient que les durs, qui votaient la continuation à scrutin public et à l'unanimité. Beaucoup de ces rois de la piste (c'était un fameux cirque), qui étaient aussi d'habiles orateurs, ont fait de brillantes carrières depuis.
Fin-juin 1968, je lis avec un copain un voyage en Allemagne pour me reposer de ces harassantes semaines. À la frontière, le policier allemand s'exclama: "vous êtes encore vivants! Paris brûle-t-il ?" Nous voyant sourire, il oublia de nous demander nos papiers (c'était longtemps avant Maastricht) et s'écria: "vive de Gaulle!"
Alain Marref, ENSAE 69 professeur de mathématiques
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