Interview de Jean-Luc Tavernier (Ensae 86, directeur de l’Ensae.)
Jean-Luc Tavernier, vous êtes à la tête de l'Ensae depuis le le, septembre 1995. Comment se présente la situation de l’École depuis qu'elle est devenue une des composantes du Groupe des écoles nationales d'économie et statistique?
Pour chacune des unités du Groupe des écoles nationales d'économie et statistique Ensae, Ensai, Crest et Cepe , cette année est encore une année de transition puisque ce n'est qu'à l'entrée de 1996 qu'aura lieu le transfert de l'Ensai à Rennes dans des locaux dont la construction va démarrer. Ces deux nouvelles Écoles auront ainsi chacune leur propre site, ce qui aidera bien sûr à mieux identifier l'une et l'autre. En attendant nous avons encore une année à passer ensemble dans les locaux de l'Insee à Malakoff, et ce n'est qu'en 1996 que la nouvelle configuration, entrée en vigueur à la rentrée 199,4, commencera à fonctionner de façon tout à fait stabilisée.
Ce transfert de l'Ensai à Rennes est une opération assez lourde que l'Insee et le Groupe des écoles doivent assumer et qui ne va pas sans poser des problèmes variés. Tout simplement par exemple de prévoir deux bibliothèques là où il n'y en avait qu'une utilisée par les deux écoles.
L'Ensae va pouvoir disposer de locaux beaucoup plus spacieux en 1996?
Pour l'Ensae, le départ de l'Ensai va se traduire en fait par un gain d'espace relatif puisque dans le même temps le Cepe qui était implanté sur un site loué à Montrouge va être rapatrié ici. Il est vrai néanmoins que nous allons pouvoir gagner en densité d'occupation alors qu'aujourd'hui nous sommes proches d'un état de saturation.
Au delà de cette période transitoire sur le plan de la cohabitation des deux écoles, comment caractérisezvous la situation spécifique de l’Ensae?
Je dirais que grâce à tout le travail accompli par mes prédécesseurs, j'ai pris la direction d'une École qui marche bien, qui n'est pas confrontée à des problèmes majeurs tant en ce qui concerne l'aval que l'amont d'une formation dont la qualité est assez largement reconnue.
Au niveau de l'amont des recrutements, les résultats enregistrés au cours d'entrée 1995 sont très satisfaisants pour tous les modes d'admission. Pour chacun d'eux les quotas ont été saturés et il n'y a en fait jamais eu autant d'élèves recrutés à l'Ensae que cette année; 109 élèves titulaires dont 13 étrangers sans compter les 16 élèves
administrateurs.
L'École n'avait d'ailleurs jamais connu un tel afflux de candidatures sur certains modes d'admission, en particulier en ce qui concerne les admissions sur titres. Les Jurys font état de nombreux candidats qui arrivent avec d'excellents dossiers et nous avons regretté de ne pas pouvoir prendre certains candidats de grande qualité, faute d'un nombre de places suffisantes. C'est pour cela que le Conseil de perfectionnement a d'ailleurs décidé récemment d'augmenter le nombre de places offertes aux élèves qui se présentent sur titres. Sept places supplémentaires pourront ainsi être attribuées si nous avons comme cette année autant de candidatures d'un aussi bon niveau.
La notoriété de "École auprès des étudiants, qu'ils sortent de classes préparatoires, de Polytechnique ou de l'université est donc très satisfaisante et mon rôle consistera à veiller à ce qu'il continue à en être ainsi. J'ajouterai que le seul point délicat concernant les recrutements reste la difficulté que nous avons encore à attirer des élèves étrangers, originaires de pays non francophones.
Vous avez évoqué les bonnes performances clé l'Ensae à l'amont. Avant d'aborder le fonctionnement interne et la scolarité, pouvezvous nous dire quelques mots sur le
placement des élèves à la sortie de l'École ?
Là aussi, les résultats sont très bons. Les élèves de la dernière promotion se sont bien placés et assez vite, ce qui prouve que les salaires qui leur sont proposés satisfont les jeunes diplômés qui sortent de l'Ensae.
Au niveau des offres d'emploi qui nous parviennent à l'École, nous constatons qu'elles ont tendance à remonter après avoir connu un repli au plus fort des années de crise. Les métiers de la finance ne s'essoufflent pas et une part importante des élèves trouvent à employer leurs talents dans la banque ou l'assurance, à des niveaux de salaires assez élevés. Je dois dire que j'ai été heureusement surpris de voir à quel point l'École avait formidablement suivi l'évolution du marché du travail avec la création de la voie d'approfondissement financeactuariat. Intervenue il y a maintenant 10 ans, juste après que j'ai moimême quitté l'École, c'est de loin la voie la plus fréquentée par les élèves, pratiquement la moitié de chaque promotion ces dernières années. Ce qui correspond d'ailleurs au volume des offres d'emploi en provenance de ces secteurs d'activité. Cela nous confirme que la formation dispensée colle assez bien à la demande récurrentequi provient de ce segment de marché.
Une réforme concernant les enseignements clé seconde année est intervenue récemment.
Vous pensez qu'elle doit être poursuivie ?
S'il faut sans doute laisser à une réforme très récente le temps de produire tous ses effets, il me semble que celle concernant la seconde année après la création des sept voies d'approfondissement au niveau de la troisième année, va tout à fait dans le bon sens. La création en seconde année, après les cours de tronc commun, de 2 majeures, statistique et économie, accompagnée de la mise en place de cours optionnels, contribue à dessiner une architecture globale des enseignements de l'Ensae tout à fait équilibrée. Je compte donc en rester là pour l'essentiel, en apportant simplement les aménagements à la marge qui s'avèrent nécessaire, dans les voies d'approfondissement ou dans le tronc commun de seconde année, sur ce qui est exigé de l'ensemble des élèves comme connaissances minimales. L'École reste attachée à ce que tous les élèves reçoivent une formation de base commune en statistique et en économie et les majeures se caractérisent avant tout par le poids relatif qui y est attribué à chacune des deux disciplines.
Quelles sont les nouveautés apportées dès cette année aux enseignements ?
Les deux principales nouveautés
Avec ces cours proposés aux élèves on doit arriver à un meilleur équilibre au niveau de l'enseignement entre les deux domaines que sont la connaissance de la réalité économique et la formalisation. Cela donnera de meilleurs atouts aux administrateurs de l'irisée face aux administrateurs de l'Ena, un sujet qui me tient à cœur. Si la formation Ensae est imbattable pour des aspects formalisation, à elle seule elle ne garantissait pas comme je le disais, contre certaines lacunes du point de vue de la connaissance des réalités économiques et institutionnelles.
En matière de formation à la recherche et par la recherche l'Ensae va continuer les efforts déjà entrepris ?
Il est nécessaire de poursuivre dans la même direction, en donnant aux élèves la possibilité de préparer dans les meilleures conditions un DEA en troisième année, en parallèle au diplôme de l'École, et en soutenant ceux d'entre eux qui souhaitent s'orienter vers une carrière dans la recherche. L'École a signé plus d'une dizaine de conventions avec des universités pour que les élèves puissent suivre une formation à la recherche en préparant un DEA et une douzain d'entre eux suivent la formation par la recherche en poursuivant des études doctorales au sein au Crest, le centre de recherche du Groupe des écoles.
Dans ce contexte d'un établissement qui marche plutôt bien, comment allez-vous orienter votre action à la tête de l'Ensae ?
Je pense qu'avec l'équipe de direction, ma mission est de veiller avant tout à maintenir et à perfectionner les acquis obtenus au cours des années antérieures par mes prédécesseurs.
En ce qui concerne l’amont, les prochaines échéances vont être de prendre acte de la reforme des classes préparatoires, ainsi que de la réforme des enseignements de Polytechnique qui se poursuit. Des X vont maintenant arriver à l'Ensae avec une bonne connaissance du programme d'économie de 2'onnée et si nous pouvons encore leur proposer des solutions intéressantes grâce aux deux majeures ou cours optionnels de seconde année, à la rentrée 1997 nous aurons un petit challenge d'intégration. Cela pour des polytechniciens qui auront déjà eu une double spécialisation et connaîtront beaucoup de ce qui est enseigné en seconde année Ensae à la fois en économie et en statistique. Comme nous restons très soucieux de maintenir une école unique, nous devons dès maintenant réfléchir à ce qu'il convient de prévoir pour faire face à l'arrivée d'élèves avec une hétérogénéité de départ encore plus grande qu'actuellement. Nous sommes assez dépendants de l'évolution de la réforme à Polytechnique puisque l'Ensae figure parmi les premières Écoles d'application choisies par les X.
En ce qui concerne les débouchés à la sortie de l'Ensae, comment estimez-vous devoir aborder la question ?
Clairement, il s'agit d'une part de faire savoir aux élèves que la finance n'est pas le seul débouché et d'autre part de faire savoir aux entreprises même là où il n'y a pas de macro-économie ou d'économétrie à strictement parler, que la formation des Ensae peut apporter quelque chose dans des domaines variés, aussi bien dans le marketing que dans le conseil par exemple. Je crois d'ailleurs que les élèves eux-mêmes, à l'occasion des forums qu'ils organisent, sont soucieux d'attirer des entreprises de secteurs d'activité diversifiés. L'engouement pour les métiers de la finance va sans doute persister mais je pense que c'est d'avantage par des gains de parts de marché que les anciens Ensae arriveront à maintenir leurs positions dans ce secteur. Les emplois vont continuer à s'y développer mais sans doute pas au même rythme que celui qui a été enregistré dans les années qui ont suivi la déréglementation des marchés financiers.
Nous allons donc essayer d'ouvrir ou de maintenir la communication avec des secteurs d'activité qui n'ont pas à l'heure actuelle de demandes spécifiques vis- à-vis de l'Ensae. Mais cela nécessite de bien cibler la communication et de ce côté nous ne pouvons que souhaiter le concours de l'Association des anciens élèves. Elle ne peut que nous aider à mieux assurer la veille et le prospective des évolutions du marché de l'emploi.
Qu'est-il envisageable de faire pour mieux asseoir la renommée internationale de l'Ensae ?
Renforcer la notoriété de l'Ensae à l'étranger est une évolution à laquelle je devrais apporter un soin particulier. Nos relations internationales passent avant tout par les possibilités de formation à l'étranger offertes à un petit quota d'élèves de troisième année. Certains y ont ainsi aller préparer un master à la London School of Economics. À l'inverse, pour ce qui est de l'accueil d'élèves de pays anglo-saxons, la barrière de la langue est un obstacle important. L’anglais est la langue de travail dans les milieux financiers et celle dans laquelle on lit les papiers académiques et les élèves étrangers souhaitent des cours en anglais. Matériellement il nous est aussi très difficile de recevoir des étrangers à l'École en l'absence d'un véritable campus, sans compter d'autre part que le système des grandes écoles reste vraiment une spécificité française qu'il n'est pas toujours simple de faire comprendre.
Quoi qu'il en soit chaque directeur doit avoir à cœur de faire avancer ce dossier de l'ouverture internationale de l'Ensae, et pour son renom de s'efforcer d'attirer un plus grand nombre de bons élèves étrangers.
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