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15 septembre 2003

Maurice Auchitzky Ensae 67Directeur de la Communication et des relations extérieures de Shell France.

C'est au sein de Shell France, filiale d'un des plus importants groupes pétroliers mondiaux,
Royal Dutch Shell, que Maurice Auschitzky a eu son premier poste. Il est aujourd'hui directeur de la communication et des relations extérieures de la société. Comme il nous le montre en retraçant son parcours professionnel, cette fidélité à l'entreprise ne l'a pas empêché de connaître des expériences très diversifiées.


M. Auschitzky, dans quelles conditions avez-vous débuté chez Shell France?

Au cours de mes études à l'Ensae, j'avais eu l'occasion d'effectuer un stage à la Shell qui m'a en fait recontacté à la fin de mon service militaire pour me proposer un poste aux études économiques. Je suis entré dans la société en avril 1968, dans une période d'expansion importante, en particulier dans le secteur énergétique ou l'on avait fortement développé les services de prévision. On y faisait beaucoup de prospective en recourant de plus en plus à la méthode des scénarios. J'ai travaillé au service des prévisions de Shell France pendant cinq ans, en particulier sur des modèles micro-économiques, dans le prolongement direct de ce que j'avais étudié à l'Ensae.

Cinq ans, cela vous amène jusqu'en 1973. C'est la crise pétrolière qui vous a conduit à changer de fonctions ?

Oui, en quelque sorte, dans la mesure où la société a connu comme beaucoup un retournement de situation très profond, lié à une crise qui, il faut bien le dire, avait surpris un peu tout le monde. Les services d'études ont été réduits, et l'on m'a proposé de participer à la mise en place du contrôle de gestion, après avoir reçu une formation à l'Institut Français de Gestion. À l'époque, je ne pensais pas rester très longtemps dans la société, j'avais plutôt envie de créer une entreprise, mais j'ai pensé qu'il était intéressant de pouvoir acquérir une expérience en matière de gestion et je suis donc resté à la Shell.

Pendant deux ans j'ai participé à l'élaboration des procédures de contrôle de gestion avant de commencer à les mettre en application au sein de l'entreprise. À la suite de quoi, le président de l'époque m'a dit que si je souhaitais poursuivre ma carrière dans la société, je devais absolument acquérir une expérience de terrain, n'ayant eu jusque-là que des fonctions d'état-major.

Vous devez prendre à ce moment-là des responsabilités opérationnelles...

Tout à fait puisque du jour au lendemain, ou presque, je me suis retrouvé «ingénieur bitumes» à la raffinerie de Pauillac. J'avais passé quelques semaines au centre de.. recherche de la Shell pour me familiariser avec le produit, et très vite il a fallu que j'apprenne à connaître l'outil industriel. Ce qui aura d'ailleurs été plus facile pour moi que l'apprentissage de la partie commerciale que j'ai eu à faire ensuite. Quelque temps après, j'ai pris la responsabilité commerciale de l'activité bitumes pour le sud-ouest de la France. Une expérience très riche, en particulier au niveau des relations humaines à travers les contacts que j'avais avec des gens du BTP, un milieu professionnel très différent de ce que j'avais connu auparavant. Et puis la direction des Ressources Humaines s'est souvenu que j'étais un ingénieur économiste et l'on m'a donc proposé de partir à La Haye pour occuper un poste qui se libérait au niveau deShell Europe. Il s'agissait de prendre en charge les études économiques, essentiellement pour les choix d'investissement de l'entreprise au niveau européen. Ce qui a été de nouveau une expérience très différente et enrichissante, puisque pendant plus de deux ans, j'ai acquis une connaissance très large sur l'ensemble du groupe Shell.

Et sur quoi débouche pour vous cette expérience de l'expatriation ?

Après quelques mois à un poste financier à la direction de l'Île de France j'ai eu la responsabilité du département Recherche-Marketing de Shell France. Ce qui m'a donné l'occasion de reprendre mes cours de base de l'Ensae sur les sondages, les techniques d'échantillonnage, etc...

Puis j'ai été muté à Bordeaux, comme directeur régional pour l'ensemble des activités de Shell dans le sud-ouest, ayant eu à suivre en particulier le dossier de la fermeture de Pauillac. Ce qui a représenté un gros travail de communication et de pédagogie pour expliquer au personnel, à nos clients ainsi qu'aux élus locaux les raisons économiques du départde Shell. On a ensuite élargi mon champ de responsabilité à l'ensemble du Grand Ouest, approximativement de Cherbourg à Sète en passant par Aurillac, jusqu'en 1988.

D C'est à cette date que vous passez dans le domaine de la communication?

Non, pas encore, car avant de prendre mes responsabilités actuelles, je me suis occupé de recrutement et de formation. Pendant six, sept ans il n'y avait pratiquement pas eu de recrutements, et comme je faisais partie des gens qui avaient tendance à dénoncer les risques de cette situation, la direction de la société m'a mis en quelque sorte au pied du mur en me confiant la direction du recrutement. Je suis donc revenu à Paris, en fait dans une période très favorable, puisque nous n'avons jamais autant recruté, à un moment oÙ tout le monde se disputait les meilleurs. Nous avons recruté, entre 1988 et 1991 autour de 70 ingénieurs ou commerciaux diplômés de grandes écoles par an.

Nous cherchions surtout à recruter des personnes pour une longue durée, ce qui n'allait pas sans quelques conflits avec les responsables opérationnels. Nous avons supprimé tout ce qui était tests, en mettant l'accent sur le fait qu'il était de la responsabilité des managers de recruter, sans recourir systématiquement aux cabinets de recrutement. Nous avons choisi de développer



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Figure n°1 : Maurice AUCHITZKY


les entretiens individuels, en faisant valider les choix par un comité de recrutement, regroupant des responsables de haut niveau qui étaient concernés beaucoup plus par la personnalité du candidat que par son expérience professionnelle, tout cela en essayant d'introduire une certaine diversité dans les profils des gens retenus, le risque étant de recruter à l'identique et de s'enfermer dans une même culture.

Parallèlement, une réflexion était en cours sur la réorganisation des structures de Shell France. On avait déjà largement simplifié les aspects industriel et logistique, mais les fonctions d'état-major étaient encore trop riches. On m'a donc confié des études d'organisation sur deux aspects: les ressources humaines et la communication au sein de Shell France. Et finalement il m'a été demandé de mettre en oeuvre les recommandations qui avaient été faites en matière de communication, en me donnant la responsabilité de la direction de la communication et des relations extérieures.

Dans quel sens avez-vous engagé votre action à ce poste ?

Jusque là, Sheil avait beaucoup raisonné et travaillé au niveau des centres de profit, autonomes et responsables, sans qu'il y ait beaucoup de communication entre eux. Nous avons souligné la nécessité d'un recentrage de l'image globale de Shell qui tendait à s'effacer devant celles promues par chacune des grandes activités de la société. Par ailleurs, nous avons recherché une motivation et une communication envers tout le personnel, car c'est lui qui est en fait notre meilleur ambassadeur, aussi bien dans toutes les relations commerciales que dans le discours qu'il tiendra sur l'entreprise auprès de son entourage. Il faut que tout le personnel, à tous les niveaux, soit motivé pour porter l'image de la société, et pour cela il est nécessaire qu'il soit bien informé. Dans ce sens nous avons rapproché la communication interne et la communication externe, en nous donnant d'autre part les moyens d'être plus performants dans notre communication en direction des média, beaucoup plus soucieux de mener des investigations approfondies.

D'autant plus que nous avons de nombreux sites, où il peut se produire à chaque instant un événement qui intéresse les média. Il faut donc que nous ayons toujours les moyens de répondre à toute demande d'information. Pour cela, nous avons mis en place un système qui nous permet de faire remonter systématiquement tous les incidents, quels qu'en soient le lieu et le moment.

Vous avez recentré les responsabilités en matière de communication ?

La décentralisation des responsabilités au niveau des Centres de profit avait été sans doute poussée un peu trop loin. Notre challenge est d'en garder l'esprit, en recherchant une plus grande cohérence et si possible en dégageant des synergies entre les campagnes de communication lorsque cela est possible. Si les stratégies de communication et les budgets correspondants doivent rester sous la tutelle des responsables de profit, car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs clients et leurs besoins, nous mettons maintenant à leur disposition des professionnels de la communication. La direction de la communication regroupe 17 personnes. Parmi elles, sept ont en charge la publicité, avec un budget délégué très lourd à gérer. Une personne a la responsabilité de ce qui est plus spécifiquement communication interne, trois s'occupent de l'édition, deux des relations presse et enfin deux personnes gèrent les études et la recherche marketing. Mais nous faisons aussi beaucoup appel à des spécialistes externes que la société n'a pas vocation à employer.

Est-ce que votre formation d'ingénieur Ensae vous sert encore aujourd'hui?

D'être un spécialiste du quantitatif me permet de mieux évaluer les choses dans ce domaine de la communication où le qualitatif est primordial. Je peux plus facilement savoir jusqu'où il faut aller face à des professionnels de la création qui n'ont pas nécessairement le même souci de rigueur qu'un Ensae.

Compte tenu de votre expérience, quels conseils donneriez-vous éventuellement à des jeunes qui vont se lancer dans la vie professionnelle ?

Quand j'ai été amené à recruter des jeunes diplômés, j'ai été frappé de voir combien beaucoup d'entre eux avaient finalement très peu tiré profit de leur passage dans une grande école pour élargir leur expérience sur la vie, pour s'ouvrir sur d'autres domaines que leurs études. Je crois que le système des classes préparatoires favorise chez une bonne partie des jeunes une certaine passivité face aux choix que chacun doit faire pour soi-même. J'avais tendance à dire que la moitié des jeunes que je rencontrais étaient déjà tristes, n'ayant pas de projets pour s'éclater. Je crois qu'il est pourtant essentiel de se poser la question sur ce que l'on a envie de faire, car autrement, on subit les événements, on se laisse porter par les projets des autres. Parmi les critères que nous avons à Shell pour recruter des jeunes diplômés, la capacité à motiver des équipes est très importante, autant que les capacités à s'intégrer, à coopérer et savoir prendre une vue globale des choses. Je crois que pour motiver les autres, il faut déjà être motivé soi même, donc, un seul conseil, soyez enthousiastes.

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