Publications : Un subalterne de François Rosset
Éditions Michalon, 23 7pages, 90 francs
La vie de bureau vécue comme une expérience phénoménologique. Au cours de six chapitres, Morlin, narrateur et personnage, dissèque avec un sérieux et une minutie exemplaires ses moindres faits et gestes. Gestes anodins, propos minables, rapports stériles, tout est passé au crible de sa conscience, vigilante et analytique. Dans un univers vibrionnaire et dépourvu de sens il tente de comprendre, de se comprendre, de se construire, de se trouver une identité, de se situer en relatant ce qui l'entoure. Signes des temps, tous ces relevés phénoménologiques ne servent à rien, n'aboutissent à nulle conclusion, ne nourrissent nulle morale, n'enrichissent nul débat social et le « héros » n'est ni plus savant ni plus mûr à la fin qu'au début du roman. Simplement, au cours de cette traversée des apparences, Morlin aura entraîné le lecteur avec lui dans la neutralité fade de cette tranche de vie où le banal le dispute à l'ordinaire, lui apprenant que tout, lorsqu'on atteint ce degré de nonexistence, peut devenir événement. Plongé à sa suite dans un univers où le quotidien prend des allures d'un fantastique glacé stupéfiant de beauté, le lecteur suivra, fasciné, les errances
Voisin de palier du Souterrain de Dostoievsky et collègue de bureau de l'employé modèle Franz Kafka, François Rosset a l'écriture dense, précise, presque maniaque qui témoigne d'une obsession à ne rien oublier, à tout recenser. Parfois la phrase se perd, mais c'est pour mieux détailler encore. Un humour sousjacent est là, une ironie qui distille des annotations narquoises tout au long du texte qui devient au fur et à mesure plus dense encore afin que les vies qu'il décrit en sortent plus pathétiquement stériles, plus banalement tragiques... Le héros, Morlin, n'en sortira pas. Confiné dans son bureau, enlisé, éclopé, méprisé, il se dissoudra sous la blanche lumière d'une couche de givre, allant rejoindre ses frères, le Moiloy de Beckett, l'Adam du Procèsverbale Le Clezio... Mais c'est ainsi depuis toujours: il faut que les héros meurent pour que vivent les écrivains. Réjouissonsnous que l'un d'entre eux soit né. Authentique et magistral.
Né en 1966 à Lyon, François Rosset est statisticien. «Un subalterne» est son premier roman.
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