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18 octobre 2010

Une institution riche en diversités

Publié par Stéphane Guimbert (1997), Senior Economist pour le Cambodge, Banque Mondiale | N° 38 - Variances 38

Variances - Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours après la sortie de l’école ?

Stéphane Guimbert - Je suis entré à la Banque Mondiale en 2001, après quatre premières années à la Direction de la Prévision du Ministère de l’Economie et des Finances. Mon premier poste a été au Département Budget et Stratégie de la Banque. Il est toujours risqué d’entrer dans une institution sans aller directement apprendre le coeur du métier (qui, à la Banque Mondiale, consiste en du conseil de politique économique et financement de projets dans les pays en développement) : cela m’a donc valu une certaine période d’apprentissage. En revanche, j’ai gagné de cette fonction une bonne connaissance des mécanismes de l’institution en termes de budget, stratégie, lien entre management et Conseil d’Administration où siègent les différents pays présents au capital de la Banque. Cette expérience est précieuse maintenant que je suis sur le terrain, au plus près des « opérations » de la Banque. Elle m’a aussi permis, quelques années plus tard, de participer à un des groupes de travail sur les réformes internes de la Banque (sa structure de management, sa décentralisation, sa gestion des carrières, etc.), une expérience très instructive sur la complexité de la gestion d’une organisation aussi étendue et globale que la nôtre.

Aujourd’hui j’ai une fonction dite d’économiste- pays au Cambodge, où je suis arrivé avec ma famille en 2007, après avoir exercé une fonction similaire en 2004-2007 sur l’Afghanistan et le Népal. A ce titre, avec une équipe d’une dizaine de collègues, je gère ou coordonne un certain nombre d’analyses de la Banque sur la croissance, l’impact sur la pauvreté, la macroéconomie, les priorités de réformes, la politique budgétaire et la stratégie de développement. Je suis aussi responsable d’opérations d’appui budgétaire qui consistent en un décaissement de la banque au profit du gouvernement, sur la base de la mise en oeuvre du programme de réformes du gouvernement. Enfin, je supervise des opérations d’investissement comme par exemple un large programme d’assistance technique dans le domaine du commerce international.

V. - Quelles furent vos motivations pour rejoindre cet organisme ?

S.G. - J’avais, lorsque j’ai quitté la Direction de la Prévision, une motivation très simple, celle d’entreprendre une mobilité qui soit vraiment mobile ! Il faut bien avouer que les fonctions de la Direction de la Prévision me semblaient également passionnantes et que le projet était probablement d’y retourner. Mais j’ai découvert à la Banque une institution riche en diversités, géographiques et académiques. Je me suis pris de passion pour le développement. Comme le dit bien Robert Solow, quand on a commencé à réfléchir aux raisons pour lesquelles certains pays sont plus développés que d’autres, il est difficile de réfléchir à autre chose! Cet intérêt s’est trouvé coïncider avec un projet familial de vie à l’étranger, et en particulier de vie dans un pays en développement.

V. - Que retenez-vous de cette expérience?

S.G. - Comme je le disais, travailler dans le domaine du développement est très enrichissant. Le positionnement de la Banque mondiale permet d’avoir un rôle qui regroupe ceux de chercheurs, de conseillers en politique économique, de financeurs de projets et, j’aurais envie de dire, d’activistes du développement. Bien sûr, le développement est une affaire de long terme et la lenteur des progrès est souvent frustrante. Affronter des problèmes de corruption, se retrouver dans des sociétés à l’histoire complexe et à la structure fragile, tout cela rend, bien entendu, le travail complexe et les résultats bien aléatoires. Mais, après une expérience dans plusieurs pays considérés comme très pauvres ou en conflit, je note que dans chacun d’entre eux j’ai eu affaire à des groupes, plus ou moins étendus et influents, de responsables très réfléchis et ayant une vision très claire du développement de leur pays.

V. - Existe-t-il une idéologie « Banque Mondiale » ?

S.G. - J’ai plutôt été surpris par le contraire: il y a une diversité de vues à l’intérieur de la Banque à laquelle je ne m’attendais pas, et qui doit continuer à en étonner plus d’un! C’est au point d’être parfois gênant quand nous n’avons pas un consensus clair à présenter à nos clients. Et ce n’est pas seulement à cause des « économistes à deux bras », comme disait Churchill. C’est une déontologie du débat et de la rigueur analytique que je trouve saine.

V. - Que peut apporter la Banque Mondiale aux réflexions actuelles sur la mondialisation et le développement ?

S.G. - Un des grands débats actuels consiste
à définir les institutions susceptibles de traiter
des problèmes de biens publics internationaux
(« Global Public Goods », comme les maladies transmissibles, les migrations, le réchauffement climatique, etc.). Je crois que la Banque a un rôle unique à jouer pour mettre un lien entre ces priorités internationales et celles des pays en développement. Je le vois par exemple dans mon travail actuel sur le commerce international: si l’OMC a un rôle très utile en termes de régulations, la capacité des pays comme le Cambodge (le premier pays en développement à rejoindre l’OMC, en 2004) à saisir les opportunités ainsi créées dépend d’un certain nombre de programmes d’assistance technique. La Banque Mondiale pourrait les leur apporter en lien avec d’autres institutions comme la Banque Asiatique de Développement et certaines agences techniques des Nations Unies. La Banque a, par ailleurs, une capacité unique à tirer des leçons d’expériences nationales, simplement par la connaissance des économies en développement qui existe dans chacune de nos équipes-pays, et à faire partager ces conclusions d’un pays à l’autre. Il y a beaucoup à apprendre de ces expériences, des plus emblématiques, comme le développement rapide de la Chine, comme des plus ponctuelles.

Autrice

Stéphane Guimbert (1997), Senior Economist pour le Cambodge, Banque Mondiale

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