La compétitivité d’un territoire
Quelle politique locale ?
La mondialisation n’est pas un processus déterritorialisé et l’ouverture ou la fermeture des frontières affecte au premier chef les grandes métropoles, coeur des échanges et lieux d’accumulation des richesses: retour sur la manière dont Paris se projette dans le monde de demain.
Il y a peu, les « villes-monde » de BRAUDEL étaient redevenues à la mode. Il était banal de croire que la mondialisation avait rendu désuets les Etats, privés de leurs pouvoirs de régulation par la rapidité des mouvements des capitaux et des technologies. Les étoiles montantes de la nouvelle économie globale étaient les entreprises multinationales et les fameuses « villes-monde » qui se disputent pour les accueillir. New York, Londres, Tokyo, Paris, Shanghai déploient tous leurs charmes pour attirer les sièges sociaux, les grandes banques, les services avancés aux firmes mondiales (droit, publicité, comptabilité, audit, …), les centres de recherche.
Le 15 septembre 2008, quand Lehman Brothers a fait faillite, un plus juste sens des proportions a prévalu. Les grandes métropoles continuent à valoriser leurs atouts pour faire bonne figure dans l’économie mondialisée mais elles le font dans un cadre très influencé par la politique nationale et internationale des Etats où elles sont situées.
Prenons l’exemple de Paris pour le montrer. Et d’abord de quel Paris parlons-nous ? La capitale enserrée par le boulevard périphérique, avec ses 2,3 millions d’habitants ? ou la métropole dense (8 millions d’habitants) qui est si proche de la Région Ile-de-France (11 millions d’habitants) ? C’est évidemment la métropole qui importe pour deux raisons. Elle est un bassin d’emploi et de vie parcouru de larges migrations quotidiennes d’habitants des petite et grande couronnes qui travaillent à Paris et de Parisiens dont l’emploi est au-delà des boulevards des Maréchaux. Elle seule a la taille critique pour concourir à l’excellence mondiale avec d’autres cités qui dépassent les 10 millions d’habitants.
Deux débats agitent actuellement la Région parisienne qui ont pour point commun de se situer à l’échelle métropolitaine : celui de l’innovation et celui des transports collectifs.
L’innovation d’abord. L’Etat a eu la bonne idée en 2004 de lancer une vaste politique de « pôles de compétitivité » (on dirait « clusters » en anglais) pour constituer des masses critiques de laboratoires, d’universités, d’entreprises grandes et petites, aptes à figurer dans le peloton de tête du progrès technique mondial. Des pôles sont nés sur les systèmes logiciels complexes (Systematics), les biotechnologies (Medicen Paris Région), les éco-technologies urbaines (Advancity), l’Automobile et l’Aéronautique.
Ces pôles ne sont pas « territorialisés », même si Systematics est fortement enraciné à Saclay mais aussi à Paris; Cap Digital s’étale entre Paris et la Seine-St-Denis; Medicen entre Paris, le Val-de-Marne et l’Essonne, etc. Ces pôles s’étalent en rosace autour de Paris qui en est le foyer commun et qui a soutenu leur création aux côtés de la Région.
La stratégie dite du « Grand Paris » proposée par le Secrétaire d’Etat Christian Blanc suit une logique différente, celle de créer neuf « clusters » géographiques autosuffisants dans la grand couronne parisienne. L’idée est de fonder de toutes pièces des « Silicon valleys » en collier autour de Paris, qui serait désormais cantonné à une fonction politique et touristique. L’expérience de Saclay, qui est le plus proche du modèle visé, montre que trente ans ne suffisent pas pour créer un espace d’excellence à la californienne. La Californie c’est un mode de travail, un mode de vie, une ouverture complète au monde. S’il y a une Silicon Valley en France, c’est l’ensemble de l’Ile-de-France, Paris compris.
Parlons transports. Pour relier les neuf pôles de l’Ile-de-France du futur, l’Etat entend créer un métro souterrain (souvent en rase campagne) qui bouclerait un huit autour et à travers Paris. L’idée d’une grande rocade ferroviaire est séduisante, qui évite à tout voyageur de passer par la station Châtelet pour aller d’un point à l’autre de la Région. Mais ce projet si coûteux ne peut éclipser la priorité de la modernisation des transports en commun dans la zone dense : RER radiaux, rocade de métro en petite couronne, ligne 13, liaison Paris - Roissy, Paris - la Défense.
Le choix à faire est donc net entre l’amélioration de la compétitivité et de l’urbanité de la métropole à horizon de 10 ans (2020) et la création ex nihilo d’une grande couronne technologique à long terme (2040).
Je pense que la compétition mondiale va très vite et qu’il importe de renforcer d’urgence les avantages comparatifs de la métropole parisienne, tout en jetant progressivement les bases d’un projet à plus long terme. C’est en tout cas ce que fait Paris (intra muros) dans son « master plan 2020 » :
• Urbanisation de 10 % du territoire parisien (des friches ferroviaires telles que Clichy Batignolles) avec construction de 2 millions de mètres carrés de bureaux (de 16 à 18 millions de mètres carrés).
• Plan climat : réduction de 25 % des émissions de carbone entre 2004 et 2020 (et 25 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale).
• Plan hôtelier : 7 000 chambres d’hôtel d’ici 2020 (de 75 000 à 82 000) pour accueillir un flux de touristes qui doublera en quinze ans.
• 1 milliard d’euros sur la recherche, l’université et l’innovation d’ici 2014 (le budget annuel de Paris est de 7 milliards d’euros) avec doublement de la surface des incubateurs et pépinières et soutien renforcé à la recherche (Institut de la Vision, Institut du Cerveau et de la Moelle) et aux pôles de compétitivité.
Paris agit. Paris attire. Terre traditionnelle d’accueil des investissements des pays développés, la métropole se tourne maintenant vers les pays émergents (Brésil, Chine, Inde,…) qui cherchent une porte d’entrée vers le marché prospère de la zone euro (350 millions de consommateurs à haut niveau de vie).
Paris et sa Région ont besoin du soutien de l’Etat pour entraîner la France et participer au sursaut européen. Elles entendent, de leur côté, jouer de tous les atouts d’une cité durable du XXIème siècle, tonique, solidaire et écologique et le montreront dans un beau pavillon à l’exposition universelle de Shanghai de 2010.
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