La vigueur retrouvée de l’économie parisienne
Après une période quasi séculaire de baisse des emplois et de la population parisienne, Paris rebondit depuis quelques années. Depuis 2003, le chômage y a baissé de 28% (contre 18% de baisse en France). Même si la capitale affiche toujours un taux supérieur à celui du pays, elle converge très vite et devrait bientôt repasser sous la moyenne nationale. L’emploi s’accroît pour la première fois en 2005 alors que 190 000 emplois avaient disparu dans les années 1990, et Paris affiche un solde net de 141 000 créations d’entreprises depuis 2001. Enfin, Paris est au cœur de quatre pôles de compétitivité d’envergure mondiale. Ce dernier élément est à la fois un témoignage du rôle clef que le territoire parisien a su conserver dans l’économie et une promesse de dynamisme à venir.
Les secteurs les plus importants de l’économie parisienne, en nombre d’emplois induits, restent les mêmes et doivent être consolidés. Le tourisme en premier lieu. Paris est la première destination mondiale pour le tourisme familial et le premier centre mondial de foires et salons (en dépit d’une concurrence croissante). Activité en développement et qui s’ouvre tous les jours à de nouveaux marchés dans le monde, il est fondamental d’asseoir la prééminence parisienne. Cela passe en partie par l’amélioration du marché du travail local. N’en déplaise aux tenants des analyses libérales ‘pures’, celui-ci fonctionne assez mal. La municipalité peut jouer un rôle utile en agissant sur la formation ou tout simplement en facilitant les rencontres. De très nombreuses offres ne sont en effet pas pourvues alors même que les compétences existent ! Une initiative comme ‘Paris pour l’emploi’, le grand forum annuel organisé par la ville depuis 5 ans, a ainsi permis en 2006 près de 6 000 embauches en deux jours (dont 69% en CDI).
Tourisme, services à la personne, finance et technologie
Les services à la personne connaissent une très forte demande, à la fois de la part de couples bi-actifs, de familles monoparentales, des personnes âgées ou des handicapés (au passage, l’engagement municipal en faveur des handicapés à été multiplié par douze dans les dernières années). Il est fondamental de permettre l’organisation de ce secteur fort pourvoyeur d’emplois de proximité. Il existe de nombreux candidats pour ces métiers qui, s’ils demandent d’importantes qualifications, ne nécessitent pas de diplômes mirobolants. L’offre se structure ainsi progressivement, combinant les dispositifs publics des services sociaux (dont bénéficient les plus démunis), les associations subventionnées (dont le cœur de cible est la population ‘moyenne’) et un nombre croissant d’entreprises qui, grâce aux réductions d’impôts, peuvent répondre de manière privilégiée aux attentes des classes moyennes aisées et des plus riches.
La finance reste l’un des secteurs très importants de l’économie francilienne. La problématique est dans ce cas moins d’organiser la croissance de l’emploi que de maintenir les emplois existants. Les activités de banque de détail ne sont pas directement en jeu, quoiqu’elles soient appelées à fortement se transformer dans les années à venir. En revanche, la finance internationale doit affronter directement la concurrence de Londres, New-York, Tokyo et bientôt Shanghai.
Le dernier secteur fortement pourvoyeur d’emploi est constitué des industries à fort contenu technologique. Historiquement, aéronautique et automobile et de plus en plus bio-technologies, numérique et systèmes intégrés. La région vit actuellement une transition. Dans ces domaines comme dans la finance de marché évoquée précédemment, la compétition entre métropoles est internationale et il s’agit de parvenir à se positionner à la fois en attirant les investissements étrangers et en sachant également les susciter en France via une politique d’innovation la plus efficace possible.
Paris, une des capitales mondiales de l’innovation
Au travers des pôles de compétitivité, quatre axes fondamentaux de développement et d’avenir pour l’économie francilienne trouvent des échos dans la capitale.
- les bio-technologies et la santé, avec Medicen Paris Région, qui rassemble grandes entreprises (Sanofi-Aventis, Siemens, GlaxoSmithKline, etc.), PME, centres de recherche (Inserm, Institut Curie, CEA, Universités et écoles, etc.) et institutions (AP-HP, INRIA, Cancéropôle, Génopole, Etablissement Français du Sang, etc.). Il vient tout récemment de donner naissance à l’Institut du cerveau et de la moelle (qui sera construit d’ici 2010 sur le site de la Pitié-Salpêtrière) ou encore à l’Institut de la vision (qui ouvrira en 2008 dans l’enceinte des Quinze-Vingts).
- les systèmes complexes (optique, informatique, défense, systèmes intégrés, etc.), autour du pôle System@tics, dont le cœur est à Saclay mais qui trouve de nombreux échos à Paris, en particulier depuis que les acteurs de la communauté des logiciels libres se sont regroupés au sein du pôle (Paris est une des capitales mondiales du logiciel libre).
- le secteur de l’image et des contenus numériques, organisé au sein de Cap Digital, qui se montre particulièrement actif dans le développement des anciennes start-up devenues PME dans les domaines clefs des moteurs de recherche, multimédias, éducation numérique, etc.
- dernièrement, le pôle Finance-Innovation a été créé par l’industrie financière francilienne regroupée au sein de Paris Europlace, afin de tirer parti de l’excellence de Paris et de l’environnement parisien en matière de recherche financière (excellence à laquelle l’ENSAE contribue beaucoup) pour développer les innovations et améliorer la compétitivité de la place de Paris.
Sur tous ces axes, Paris est prise dans un écheveau de relations internationales très complexes, faites à la fois de partenariats et de compétitions acharnées entre entreprises et entre territoires. Cela se lit évidemment dans les stratégies que la Ville et la Région développent pour conserver et améliorer la compétitivité de Paris.
Les études de benchmark international, réalisées par les différents cabinets de conseil du secteur, montrent que la vieille rivalité entre Paris et Londres est toujours d’actualité. La capitale anglaise est plus présente sur la finance, mais moins présente dans d’autres industries très fortes à Paris, qu’il s’agisse de tourisme ou de technologies avancées. La dernière étude en date, réalisée par Cushman & Wakefield, montre ainsi que Paris est n°2 pour les choix d'implantations des 500 plus grandes sociétés européennes, mais que la capitale et sa région (La Défense, Montreuil, la Plaine-St Denis, etc.) confirment leur place de premier site d’implantation de la zone euro et surtout qu’elles ont réduit l’écart qui les séparaient de Londres au tournant du siècle. De plus, selon cette même enquête, l'avenir pourrait davantage sourire à Paris qui se classe largement en tête, devant Londres, pour les intentions d'implantation dans les trois années qui viennent. Pour expliquer cela, Paris et l’Ile-de-France bénéficient de deux atouts majeurs :
- la diversification de l’économie francilienne, contrairement à Londres qui reste très spécialisée dans la finance, offre plus de garanties anti-cycliques. La région profite ainsi du boom technologique et devrait par ailleurs être moins touchée que Londres par la recomposition en cours des marchés financiers.
- la qualité de vie y est globalement jugée meilleure que dans les villes équivalentes dans le monde, or ceci est un élément qui pèse de plus en plus dans la compétitivité pour l’industrie technologique et le tertiaire supérieur. Concernant les transports, par exemple, si les connections avec la proche banlieue doivent être améliorées tout comme le nombre de taxis, le réseau de métro parisien n’a guère d’équivalent. De même, la liaison avec Roissy doit être améliorée, mais le très fort développement de la plate-forme aéroportuaire offre une accessibilité internationale d’excellent niveau. Si la fiscalité peut souffrir de la comparaison avec Londres, la qualité de l’eau ou le prix du foncier sont à l’avantage de Paris… Au final, et en simplifiant, Londres attire plutôt les jeunes actifs célibataires en bonne santé, Paris attire plutôt les jeunes professionnels qui s’installent dans la vie (trentenaires et jeunes quadras) et qui peuvent alors bénéficier à plein des avantages de la capitale (foncier, scolarité, santé, etc.).
Investir en préservant la qualité de vie
Il serait évidemment insuffisant de ne compter que sur la qualité de la vie pour améliorer la compétitivité parisienne. La mobilisation locale et régionale pour se saisir des pôles de compétitivité montre que les acteurs publics et privés sont conscients de la nécessité de construire le développement économique de demain. Pour ce qui est des domaines d’action plus réservés aux municipalités, Paris a multiplié par 8 en 6 ans la superficie des incubateurs et pépinières (avec notamment le Paris BioParc, installé en 2006 dans les 18 000m² des anciens centres d’essais de la FNAC, à proximité immédiate de la toute nouvelle Université Diderot sur la rive gauche). La Ville peut également compter dans les prochaines années sur des atouts mobilisés mais non encore concrétisés, qui ont été mis en place à l’occasion du dernier Plan Local d’Urbanisme. La Ville ouvre ainsi 10% de son territoire à l’urbanisation, sur des emprises ferroviaires situées au Nord, à l’Est et au Sud-Est de Paris. Dans ces arrondissements moins riches en emplois et en lieux d’activité, 2 millions de m² de bureaux et locaux d’activité seront ainsi construits d’ici à 2020.
Cette densification pourrait d’ailleurs être l’occasion d’intégrer au paysage parisien plusieurs tours symboliques, maintenant que les nouvelles architectures permettent d’imaginer des constructions à la fois audacieuses et très économes en énergie. Porte de la Chapelle, Porte de Bercy ou sur Paris Rive-Gauche, des implantations existent où ces nouvelles constructions ne troubleraient en rien les perspectives historiques. Le débat sur les tours est en effet très affecté par le fait que les tours Montparnasse ou Jussieu ont indéniablement raté leur ancrage dans Paris. Le déséquilibre très fort entre logements et bureaux à La Défense, qui surcharge tous les matins les transports en commun, est d’ailleurs à la limite de provoquer un second traumatisme anti-tours. Il serait de bon ton, non pas que la Défense réduise la voilure (Paris et sa région ont besoin du dynamisme de ce centre d’affaires) mais que les nouvelles tours de bureau en projet s’accompagnent d’une offre équivalente de logements. Cela contribuerait à la fois à réduire un peu les déplacements et à combler le déficit de logements dont la Région et Paris souffrent.
Car parler de l’avenir de Paris impose de se souvenir que la métropole ne se résume pas à l’intérieur du périphérique.
Cela suppose évidemment de sortir des seuls enjeux locaux de court terme pour prendre en compte les enjeux globaux. Paris et sa région ont ainsi fait le choix de l’exemplarité écologique. La région tout autant, en assumant le parti pris de la densité et en ciblant le développement des secteurs économiques à forte valeur écologique (les green techs vers lesquelles la Silicon Valley est en train d’opérer une mutation rapide de ses investissements). Contrairement à ce que prêchent certains apôtres de la décroissance, le nouveau développement écologique peut être créateur de richesses et d’emplois. La Ville accompagne naturellement ces objectifs (en particulier par un soutien actif des éco-industries) et les complète d’un ambitieux plan Climat. Le Conseil de Paris a ainsi adopté à l’unanimité le 1er octobre dernier un plan visant une baisse de 30% des émissions de CO2 des 3 000 bâtiments publics et de 25% des bâtiments privés (via une offre de « bouquets de travaux » adaptés aux moyens des propriétaires) d’ici 2020. Cela rejoint les initiatives en faveur des transports en commun (tramway, bus, etc.) et des circulations douces (Vélib’) et s’accompagne progressivement de la mise en concordance des plans de déplacements des municipalités de la zone dense francilienne.
Paris, métropole du développement durable
Cela suppose en effet aussi, et surtout, que chacun réfléchisse à l’échelle métropolitaine. Cela paraît évident lorsqu’il s’agit des questions environnementales et il semble impossible de définir des politiques de transports indépendantes de part et d’autre du périphérique. A titre d’anecdote, Paris réinvestit une partie des bénéfices de Vélib’ dans l’extension du dispositif à la proche couronne. Mais au delà des seules questions de transport, le développement économique, l’efficacité des institutions et l’équilibre social doivent tous se penser à une échelle dépassant le seul intra-muros.
Un travail de réconciliation est aujourd’hui en cours entre Paris et les communes de banlieues, qui ont historiquement souffert des relations déséquilibrées qu’elles entretenaient avec une capitale souvent despotique. Toutes les initiatives allant dans le sens d’un travail en commun et renforçant les dynamiques amorcées depuis 6 ans doivent donc être écoutées avec attention, en évitant à tout prix ce qui irait dans le sens d’un ‘Grand Paris’ annexionniste. La zone dense offre un espace de coopération dans lequel de très nombreux projets communs sont possibles, à géométries très variables. Depuis 3 ans, les questions de logement, de transport, de développement économique ont ainsi commencé d’être abordées en commun, à l’occasion de « conférences métropolitaines » réunissant Paris et plus de 60 communes franciliennes de tous bords politiques. Transport, gestion de l’eau, traitement des ordures, pôles de compétitivité, éco-industries du BTP, parc d’expositions des foires et salons, les exemples de coopérations ne manquent pas à l’heure actuelle.
Il s’agit de favoriser la multiplication de ces coopérations intercommunales de formats variables, en élargissant les domaines concernés à de nouvelles politiques comme l’hébergement d’urgence (qui est aujourd’hui concentré à plus de 60% dans Paris), les logements étudiants, les réseaux numériques, etc.
« Paris Métropole » ne se constituera pas en un grand jour, mais doit rapidement s’imposer comme le cadre de travail de tous les élus de la zone dense. Le redressement entamé de la capitale intra-muros ne pourra se faire sans, ni contre, la banlieue et la région.
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