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17 avril 2007

La gestion d’une dette publique à l’aide de la gestion actif-passif à la CADES

Publié par Eric Ralaimiadana, (CESS 1996) | N° 28 - Ressources Humaines, Richesse Humaine

La mission de la CADES, Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale, est de reprendre et d’amortir les déficits cumulés du régime d’assurance-maladie. Elle dispose d’une ressource unique et exclusive affectée par la loi, la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale ou CRDS. Pour l’éclairer dans le pilotage de la gestion de la dette sociale, et rembourser de manière optimale, elle s’est dotée d’un modèle de gestion actif-passif.

Cet article présente la modélisation en la resituant au sein des travaux de gestion actif-passif, puis les réponses apportées en termes d’outils opérationnels pour la gestion de la dette. Il aborde ensuite une vision critique du modèle, et met enfin en perspective quelques pistes de réflexion.


La gestion d’une dette présente des analogies avec la gestion d’actifs.

Une compagnie assurant une flotte de risques donnée reçoit des primes et constitue un portefeuille d’actifs. Elle le compose de manière à optimiser son rendement, afin de couvrir ses engagements envers les assurés ainsi que ses propres coûts, et de dégager si possible une marge bénéficiaire.

Pour sa part, la CADES reçoit une taxe, dont l’assiette ainsi que le taux sont définis par la loi. Elle est ainsi le miroir d’une compagnie gérant un régime à cotisations définies, les recettes de CRDS, dont les engagements sont les coûts d’amortissement de la dette, et la production nouvelle égale aux nouveaux déficits repris.

Le domaine des fonds de pension dont nous avons relevé l’analogie avec la gestion d’une dette a suscité de nombreuses études riches d’enseignement. Svensson et Werner , ainsi que Koo , ont examiné l’optimalité du portefeuille et de la consommation d’un agent doté d’un salaire stochastique, introduisant une source de risque non duplicable par un instrument négociable, plaçant ainsi le problème dans un cadre d’incomplétude du marché.

La CADES doit précisément constituer un portefeuille de dettes en face d’un actif dont les flux obéissent à une source de risque non réplicable par le marché (voir l'encadré sur "une modélisation du bilan de la CADES" dans la version téléchargeable en pdf).

La réduction par an en moyenne de la situation nette, entre l’instant initial et la fin du remboursement, est indifférente à la méthode de comptabilisation. Les variables primaires sont le taux d’intérêt à court terme, le taux d’inflation, et le taux de croissance en volume de la CRDS. Ces trois variables suivent un processus conjoint d’Ornstein-Uhlenbeck, et leurs sources de risque représentées par leurs mouvements browniens respectifs, sont reliées par une matrice de corrélations instantanées.

L’émetteur CADES gère sa dette en conjuguant l’amélioration de sa capacité à réduire la dette et la minimisation du risque, celui de surestimer la vitesse d’amortissement. En effet, la Cades est averse au risque de décider à tort, avec une marge d’erreur en pourcentage α, que l’horizon de remboursement sera H(α). On notera que le processus à optimiser est path-dependent. On pourrait considérer une méthode de résolution pas à pas, où les pondérations solutions sont indicées par le temps, par la méthode du contrôle optimal stochastique suivant HJB . La CADES applique pour l’instant une stratégie de re-balancement à proportions constantes, suivant la méthode connue sous l’appellation CPPI – Constant Proportions Portfolio Insurance .

Rendre compte de la distribution de risque de la dette

Parmi les outils d’aide à la décision que nous avons mis en place,

- Le profil d’amortissement suivant le niveau de risque permet de rendre compte de la distribution de risque de la dette à un instant donné.

- Nous représentons la distribution de risque de la dette en reliant ses quantiles de risque dans un plan {horizon de remboursement / capacité d’amortissement annuelle moyenne}, et la comparons à un portefeuille sélectionné parmi les portefeuilles « optimaux ».

Le portefeuille « optimal » présente une meilleure distribution du risque que la dette de la CADES. En effet, dans tous les cas défavorables, c’est-à-dire aux niveaux de risque inférieurs ou égaux à 50%, la capacité d’amortissement est plus élevée. En particulier, au seuil de 5% des cas les plus défavorables, le remboursement s’achève deux ans plus tôt, en 19 années, grâce à une capacité annuelle d’amortissement plus élevée, de 3.9 Mds au lieu de près de 3.6 Mds EUR.

Quels couples rendements - risques pour la Cades ?

- L’aide à la décision en matière d’allocation de la dette s’appuie notamment sur une représentation de frontières d’efficience à un instant donné, laquelle met en lumière un axe indiquant la direction d’optimisation de l’arbitrage performance/risque.

Les principales conclusions sont les suivantes :

- accroître la part de dette à taux fixe en échange d’une réduction de l’un ou l’autre des deux compartiments de dette restants améliore la performance, toutes choses égales par ailleurs, mais s’accompagne d’un accroissement du risque à partir d’un seuil,

- l’axe constitué par la seconde bissectrice dans la direction sud-est est une direction optimale de déplacement : en effet, si un portefeuille se déplace suivant celle-ci, tout gain en performance s’accompagne d’une amélioration équivalente du risque,

- sur la sélection de portefeuilles efficients que nous représentons, le meilleur « mix » est un endettement réparti à 60% en taux fixe et 40% en indexés.

Nos observations, assez conformes au bon sens, sont que :

- pour une même trajectoire simulée de croissance des recettes, les différences de structure et d’échéancier rendront un portefeuille meilleur qu’un autre en termes de coût total d’amortissement,

- à coût total égal, une capacité d’amortissement élevée accélèrera le remboursement, et rendra un portefeuille meilleur qu’un autre.

Ayant choisi un niveau de risque α tolérable, par exemple 5%, nous pouvons dresser une typologie des scenarii « extrêmes » qui conduisent le portefeuille de dettes dans la région où la capacité d’amortissement annuelle est inférieure au quantile à 5% de risque, son corollaire étant que l’horizon de remboursement excède le quantile H(5%). Une décision possible serait de protéger le portefeuille contre la survenance des valeurs prises par les variables primaires dans la région de risque, lorsque cela est possible, par exemple grâce à des instruments de marché dérivés.

Une autre décision pourrait être de se rapprocher des portefeuilles « optimaux » dans une direction de risque décroissant et/ou de performance croissante.

Améliorer notre gestion actif-passif

Si l’on abandonne la stratégie de re-balancement dénommée CPPI en relâchant la contrainte de pondérations fixes, on a à résoudre un programme d’optimisation inter-temporel. La solution du nouveau programme est alors un vecteur temporel de pondérations, et non un vecteur unique. L’une des deux solutions est forcément sous-optimale.

En termes d’indicateurs, le coût total et la variabilité de la capacité de remboursement sont déterminants pour le profil d’amortissement, et au cœur de la gestion de la dette.

La stratégie de gestion de la CADES conjugue la recherche de performance et la minimisation du risque. Dans la mesure où les résultats d’une gestion actif-passif modélisée sont à relativiser, étant fonction des conditions initiales de toute simulation, la gestion de la dette sera modulée au cours du temps, et selon l’endroit où la CADES choisira de placer le curseur dans l’arbitrage entre performance et risque.

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Références

[1] R.C.Merton, « Optimal consumption and portfolio rules in a continuous-time model », Journal of Economic Theory, 1971
[2] M.J.Brennan, Y.Xia, « Dynamic asset allocation under inflation », Journal of Finance, 2002
[3] L.E.O.Svensson, I.M.Werner, « Non-traded assets in incomplete markets », European Economic Review,1993
[4] H.K.Koo, « Consumption and portfolio selection with labour income : a continuous time approach », Mathematical Finance, 1998
[5] E.Ralaimiadana, « La gestion actif-passif de la CADES », projet d’article Revue Banque & Marchés, 2006
[6] G.Demange, J.C.Rochet, « Méthodes mathématiques de la finance », Economica, 1992
[7] F.Black, A.Perold, « Theory of Constant Proportions Portfolio Insurance », Journal of economic dynamics and control, 1992

Autrice

Eric Ralaimiadana, (CESS 1996)

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