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16 avril 2007

De passage à Jerusalem …

De passage ? Vraiment ? Un jour de janvier 2006, sous un ciel triste, au pied de murs sombres, avec la pluie qui ruisselle sur le sol pavé… À l'évidence non, mais… passons ! J'ai gardé de mes chères études à l'ENSAE (1961-1963) le souvenir heureux d'une école où on nous enseignait (outre de précieuses et difficiles sciences) une morale, une éthique, pourquoi pas : une "vertu".

La statistique, nous disait-on, est une sorte de magistrature. Le statisticien est tenu par un devoir d'objectivité, d'humilité devant les faits. Il ne rapporte rien qui ne soit le résultat d'une étude rigoureuse. Il ne va pas enquêter sur l'avortement en interrogeant les vieilles dames le dimanche midi à la sortie de l'église. Nous savions ce qu'est un biais et nous nous en méfiions comme de la peste.
Hélas ! Qu'est allé faire Stéphane Jugnot à Jérusalem un jour de janvier 2006 ? Libre à lui, bien sûr ; libre à lui aussi de se forger une opinion personnelle. Mais au fond, qu'a-t-il vu ? Des forces d'occupation (mot rabâché à l'envi) qui créent des embûches et barrages de toutes sortes pour entraver les élections. Un musée qui entretient le souvenir des crimes nazis mais pas de mémorial du massacre d'une centaine de Palestiniens le 9 avril 1948. Auschwitz contre Deir Yassin, 6.000.000 à 100 : match nul, la balle au centre ! Et le "tag" qui vient souligner grassement le trait pour qui n'aurait pas compris l'amalgame douteux. Le terrorisme ? Bien sûr, mais le terrorisme… juif des années 1930 avec l'Irgoun.

Qu'a-t-il compris dans cette étroite fenêtre spatio-temporelle (quelques jours de janvier 2006 sur quelques hectares d'une terre "trois fois sainte" comme on dit) ? Que sait-il du "ailleurs" (en Israël, dans les territoires palestiniens non "occupés") ? Que sait-il du "avant" ? Lui qui parle d'occupation à longueur de pages, sait-il par exemple quand a été fondée l'Organisation de Libération de la Palestine et quelle Palestine il s'agissait alors de "libérer" ? Ah certes, il y en aurait eu à dire ! Mais le moyen, quand on débarque quelque part à 30 ans pour quelques jours sur quelques hectares ?

Reste que l'on peut écrire un "billet d'humeur" qui vaut ce qu'il vaut. Stéphane Jugnot aurait pu proposer sa prose au Nouvel Observateur, à Libération, voire au Monde ou à France Inter. Il est vrai qu'on lui aurait alors demandé : "fort bien mais qu'apportez vous de plus que nos journalistes habituels » ? Aurait-il eu l'audace de répondre : "moi, je suis statisticien et je suis donc tenu par un devoir d'objectivité, d'absence de biais, etc » ?

Allons, rêvons !

Autrice

Patrick Gordon (1963)

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