La filière statistique au centre des processus industriels au XXIe siècle
UN DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL CARACÉRISÉ PAR DES PROCESSUS
Dans l'optique de la globalisation de la production et des marchés qui se profile à l'aube du XXIe siècle, le développement industriel devrait privilégier de façon accrue la notion de processus et donc pluridisciplinarité. Les composantes technologiques de ce débat sont de surcroît en mutation.
Ces processus se caractérisent par la mise en oeuvre sous une forme intégrée de facteurs technologiques, de gestion de la logistique de la production et de la commercialisation aussi bien que d'analyses économiques qui font appel à une part croissante d'ingénierie de type « algorithmique » par opposition à l'ingénierie de type classique exclusivement axée sur la physique.
Outre la transformation physique les produits proposés à la clientèle intégreront dans un même processus autant de facteurs tels que:
• La réduction des incertitudes dans les processus de production et le contrâle de qualité (utilisation de prévisions météorologiques fiables dans la production agricole, contrôle de la qualité industrielle dans les processus de production comme instrument de politique commerciale.
• La recherche opérationnelle combinée avec l'analyse statistique markovienne pour la conception, l'organisation et la mise en oeuvre des réseaux qui sont amenés à prendre une importance accrue dans le cadre d'une globalisation des circuits de production et de distribution avec l'émergence de la délocalisation industrielle, sans parler des réseaux de télécommunications, ni de la logistique du transport.
• Les techniques de prévisions économiques pour faire une prospective élargie au niveau global (les réflexions du Club de Rome ne sont qu'un exemple).
• Les techniques de gestion scientifique dans de larges champs d'application de l'économie recouvrant aussi bien les aspects de croissance économique, d'emploi ou de la protection sociale ou des autres comptes sectoriels.
• L'analyse financière.
Pour ce qui est des technologies mises en ceuvre, un nombre croissant d'entre elles fontappel à l'ingénierie « algorithmique», et pour ne citer que quelques exemples de technologies de pointe:
• Le filtrage stochastique et traitement du signal en électronique, télécommunications, télédétection aérospatiale, ou toute autre technologie digitale.
• L'évaluation de la quantité d'information pour la modélisation thermodynamique et la mécanique quantique.
• La modélisation statistique pour la biométrie et le génie génétique.
• La modélisation statistique en linguistique et la recherche en matière de robots de traductions.
Enfin, au niveau économique, la globalisation va de pair avec:
• Une analyse du comportement et de l'interaction des marchés financiers.
• Une prospective élargie telle que celle pratiquée dans des instances de réflexion telles que le Club de Rome ou certaines institutions internationales.
LA FILLIERE STATISTIQUE
Les exemples précédents tendent à montrer que la statistique représente bien plus qu'une simple discipline. Il s'agit en fait d'une véritable filière qui est présente à chacun des stades qui accompagnent le processus industriel.
• La statistique est une technologie à part entière dans le développement technique. La statistique est l'indispensable instrument de formalisation de ces technologies, sans laquelle il est impossible d'aboutir à une réalisation concrète, de même qu'il est impossible de faire de la physique sans mathématiques. Cela implique parfois une modélisation statistique au contenu théorique du plus haut niveau.
• La statistique est un instrument d'organisation des processus industriels. De ce facteur d'organisation dépend la cohérence du processus et par conséquent la statistique est à ce titre un facteur de production du processus et forme donc partie de la valeur ajoutée du produit.
• La statistique est l'outil d'analyse économique et de prospective. Cette réflexion permet d'avoir une vue d'ensemble de l'interaction des processus et de ce fait couronne l'ensemble de ladite filière. Cet aspect est d'autant plus renforcé dès lors que l'on y intègre la composante d'éthique statistique.
LA FONCTION DU STATISTICIEN
L’ingénieur en tant qu'administrateur de processus industriels, doit avoir par définition une vision globale et pluridisciplinaire de ces processus de façon à pouvoir occuper tour à tour des fonctions de recherche, de conception, de production, d'administration et enfin de direction. Si les ingénieurs issus des écoles de plus haut niveau Polytechnique, Centrale, Mines n'ont jamais été de spécialistes cantonnés à un seul champs d'application ce qui leur à permis d'occuper les fonctions qu'ils ont occupé dans la société industrielle, ces derniers n'ont pas été pour autant des généralistes (le terme est d'ailleurs vague et manque de structure), mais des acteurs pluridisciplinaires du processus industriel. Ces ingénieurs ont intégré les différentes fonctions depuis la conception jusqu'à l'organisation et la direction autour d'une technologie spécifique à leur formation de base (métallurgie, béton armé, électronique etc ... ). Chacune de ces fonctions est ensuite déclinée à divers niveau de compétences en distinguant des ingénieurs, des ingénieurs d'application, des techniciens en fonction du niveau plus ou moins théorique du contenu de leur formation.
À l'époque ou l'ingénierie «algorithmique» prend le pas sur l'ingénierie « physique » ce rôle est dévolu au statisticien dès lors que la filière statistique est mise en œuvre. Le statisticien ne peut donc pas se cantonner à un aspect parcellaire du processus et ce d'autant plus que le statisticien contrairement à l'ingénieur classique dispose de la spécialité technique de sa filière et de la maîtrise formelle des éléments de gestion. De ce fait le statisticien dispose de tous les atouts qui intègrent le processus. De même qu'il existe divers niveaux de compétences chez les ingénieurs classiques, en fonction du contenu théorique plus ou moins élevé qui est requis, il existe pour chaque stade de la filière statistique des niveaux de compétences diversifiés. Ce constat est vrai qu'il s'agisse de biométrie, de logistique du transport, d'organisation de réseaux, de prévisions ou d'analyses financières.
LES ATOUTS DE L’ENSAE
Dans ce paysage, l'Ensae est certainement une des écoles qui dispose du plus grand nombre d'atouts, puisque les disciplines qui y sont enseignées couvrent une grande partie de l'éventail des nouvelles filières requises par ces processus.
• La statistique enseignée à l'École recouvre de la façon la plus complète qui soit toutes les facettes de cette discipline, ce qui permet aux élèves qui en sont issus d'aborder sereinement la modélisation statistique dans les secteurs technologiques les plus avancés, et qui requièrent un niveau théorique du plus haut niveau: analyse markovienne, équations différentielles stochastique, intégrales de Ito, filtrage stochastique.
• Certains domaines de la statistique qui y sont enseignés sont plus en prise avec les fonctions d'exploitation du processus de production. À ce sujet il convient de citer le contenu approfondi des cours d'échantillonnage fussent-ils appliqués au contrôle de qualité ou aux sondages.
• Le haut niveau mathématique des élèves qui intègrent l'École ainsi que certaines disciplines de mathématiques appliquées et de recherche opérationnelle rendent les élèves tout à fait aptes à faire de l'ingénierie mathématique dans des domaines aussi variés que la planification de réseaux ou l'analyse financière.
• Le contenu théorique de l'enseignement d'Économie est des plus exhaustifs. Alliés à la tradition prospective de l'École, les élèves qui en ont la volonté et la dédication sont tout à fait aptes pour intégrer les instances de prospective que requiert la globalisation.
• Le contenu en gestion de certains enseignements fournissent en outre aux élèves la capacité d'administrer et de diriger les entités qui mettent en oeuvre des processus qu'il s'agisse de laboratoires de développement mettant en oeuvre des technologies statistiques ou qu'il s'agisse d'administrer la logistique de la production.
De telles observations interfèrent sans doute également sur la vocation de l'École. Certains y voient une école de commerce d'autres y voient une école d'ingénieurs. Eu égard à la notion de filière et de processus la classification en tant qu'école de commerce semble quelque peu restrictive puisque cette notion ne recouvre pas l'intégralité d'une filière technologique axée sur une technologie. De ce fait l'Ensae en tant qu'école d'ingénieurs semble plus appropriée dès lors que le champ de l'ingénierie est considérée dans une acceptation plus moderne à travers la distinction entre ingénierie physique et ingénierie « algorithmique ». D'ailleurs quel ingénieur oserait admettre que le statisticien ne dispose pas des outils mathématiques pour résoudre un problème de mécanique de Lagrange ou réaliser un filtre de Kalmann ! Étant en France la seule école d'ingénierie « algorithmique », la comparaison avec les autres écoles d'ingénieurs n'est pas aisée. En revanche il existe des institutions comparables dès lors que le champ de la comparaison est international. Autant de noms' prestigieux tels que la filière recherche opérationnelle au MIT ou à Stanford la filière d'ingénieurs mathématiciens de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne peuvent être les homologues de notre École à l'étranger. Une telle comparaison est loin d'être contradictoire avec les données de la globalisation de l'économie à l'échelle planétaire. Dans un tel contexte l'Ensae est à l'envergure du défi qui se profile de part la qualité de ses enseignements voire la réputation internationale de certains ses enseignants ou anciens élèves.
Il est de notre devoir d'anciens élèves que de fortifier la position de notre École dans ces créneaux et dans cette filière. Pour négocier cette mutation, il est impératif de renforcer les atouts par une promotion de la diversification des débouchés dans tous les créneaux de la filière et en développant dans la mesure des possibilités la dimension internationale de l'École. L'image de l'ancien élève doit être non seulement celle d'un gestionnaire de haut niveau mais également celle d'une figure du « Problem Solving» c'est-à-dire une personne capable avant tout de faire des diagnostics dans sa filière de façon à pouvoir par la suite organiser les processus en s'appuyant sur la solide formation qu'il aura reçue à l'École.
Claude Rofe, (Ensae 1983)
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