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20 septembre 2003

JACQUELINE AGLIETTA

(Ensae 1965) Président Directeur Général de Médiamétrie


Jaqueline Aglietta, comment intègre-t-on l’Ensae dans les années soixante, lorsqu'on est une jeune fille?

Par hasard... ou presque. J'avais découvert les maths en seconde. Non que je nie sois révélée très tôt, an contraire, puisque mes parents avaient, cette année-là, décidé, de nie faire prendre quelques cours particuliers pour remonter mon niveau ! La chance a voulu que je tombe sur un professeur formidable qui allait nie faire non seulement comprendre mais aimer les maths. C'était un bonheur car je n’aimais pas particulièrement les matières littéraires, En première, j'étais déjà sur les rails et quand J ai passé, mon bac Sciences Ex. à 16 ans, je savais que je plus fard, je ferais les mathématiques.
Je suis donc entrée an lycée Saint-Louis dans ce qu'on appelait alors une «classe de reconversion», faite, justement. pour les étudiants qui souhaitaient changer d'orientation. On repassait le bac, mais seulement dans certaines matières.

Quel genre de métier souhaitiez vous faire à l'époque?

Mon rêve était d'entrer à Polytechnique, mais on n'y acceptait pas encore les filles. Alors, j'ai pensé préparer Centrale, je me voyais très bien ingénieur.

Vos parents vous poussaient vers ce genre d'études?

Pas du tout. Ils auraient voulu que je fasse une école hôtelière. je ne sais d'ailleurs pas très bien pourquoi. Ils étaient commerçants et je ne crois pas qu'ils imaginaient leur fille en train de construire des routes ou des ponts. Mais mon père tenait à ce que nous fassions des études, et il ne m’a jamais contrariée.

Comment accueillait-on les filles dans ce genre de filière ?

Très bien. À Saint-Louis nous étions très peu de filles. Dit coup, tout le monde nous chouchoutait: les garçons, le profs. c'était très agréable. A Saint-Louis j'ai fait maths sup.. maths spé., et j'ai présenté Central et les ENSI que j’ai ratées, ce qui était assez normal en première année.

Mais mon père est mort en juin de cette année l962, et il était évident que je devais me mettre à travailler. Une amie de mes parents m'avait parlé, un jour de l'Ensae comme d'une école d'application de l'X offrant des débouchés nouveaux, dans laquelle on pouvait entrer par concours alors que jusque-là. elle était réservée aux diplômés des grandes écoles désireux de devenir administrateurs de l'isnee. De plus, le concours se passait à la rentrée. J'ai travaillé tout l'été et je l'ai en. Je crois que j'étais la dernière reçue. mais je suis rentrée.

Vous aviez une idée de ce qui vous attendait ?

Pas (lu tout. Yen ai fini avec les dessins industriels et j'ai découvert la sociologie, l'économie. le planification: c'était la grande époque de l'application des mathématiques à l'économie, aux prévisions, aux sciences humaines et sociales... J’ai appris la statistique. J'ai appris surtout que les maths peuvent servir à une foule de choses qui touchent à la vie des gens., à leurs comportements et à J'évolution du inonde.

Il y avait des gens formidables dans cette école: des professeurs comme Jacques Desabie (le pape des sondages), Ravmond Barre, Michel Rocard. Et les élèves n'étaient pas mal non phisÎ des «grosses têtes » puisqu'ils se recrutaient entre autres parmi les meilleurs de l'X. Un -rand nombre se sont d'ailleurs fait connaître depuis grâce à leurs écrits on aux responsabilités qu'ils ont exercées ou exercent dans la Banque, la Fonction publique ou de grandes entreprises industrielles.

Il est vrai que ce type de formation était alors extrêmement recherché: on était à l'aube du développement des sondages, de l'intrusion des méthodes scientifique si des modèles dans le marketing, l’économie, la finance. Et il n'y avait pas de problème d'emploi ! On m'a proposé un job avant même que j'aie



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Figure n°1 :


terminé nia troisième année.

Vous avez démarré à la Sofres ?

Oui, comme chargée d'études. Cela peut paraître incroyable aujourd'hui, mais j'étais considérée comme la statisticienne de l'institut avec Jacques Antoine, qui en était le Directeur
général et qui était également ancien administrateur de l’Insee. On me confiait donc les études considérées comme difficiles, ou complexes.

Je nie rappelle avoir enquêté sur les loisirs, puis les vacances des Français. Il faut dire, que j'avais mes entrées à l'Insee. ce qui était bien pratique. Puis, très vite, j'ai travaillé sur les médias pour lesquels nous réalisions des études lourdes., difficiles sur le plan de l'échantillonnage délicates sur le plan des interviews, et déjà stratégiques.
Ça me passionnait.

Il est vrai que les médias prenaient de plus en plus d'importance. J'ai été chargée de toutes les grandes études faites sur la presse. la radio et la télévision à la demande des sociétés privées, représentés par le CESP, et du service public, représenté par son organisme d'études: le CEO (Centre d’Étude d'Opinion).

Pour ce dernier, nous faisions des panels très importants, mais pas encore audimétriques... Ces études., qu'elles concernent la radio on la télévision, n'étaient jamais rendues publiques: le service public avait ses règles. Depuis, les temps ont, changé. De fil en aiguille., je suis devenue directeur du département Médias de la Sofres.

Pourquoi avez-vous quitté la Sofres pour BVA ?

On se lasse peut-être an bout d'un certain temps. En 1980, BVA m'a proposé de devenir Directeur général et de créer en son sein une activité Médias. J’y suis allée. Je me suis occupée des médias, mais j’ai aussi élargi mon horizon: je me suis intéressée an management et à la direction d'entreprise.

Comment êtes-vous devenue PDG de Médiamétrie?

Là encore, il v a une bonne part de hasard et de chance. De hasard parce que c'est un ami, Roland Cavrol., qui m'a appris que le gouvernement voulait créer une société privée pour mesurer l'audience des médias audiovisuels, et qu'on cherchait quelqu'un pour mettre à sa tête.

De la chance parce que lorsque j'ai pris contact avec Jean-Pierre Hoss, chargé du dossier pour les services du Premier ministre et du ministère de la Communication, il m'a d'abord annoncé qu’il était beaucoup trop tard... Il ne savait absolument pas qui j'étais. Il m'a quand même fait parler un peu. m'a demandé de passer le voir le lendemain matin. Dix jours après, étais nommée.

C"était en 1985, et vous êtes toujours là

C'est -vrai, mais croyez-moi, je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. La naissance de Médiamétrie n'a pas été si facile. Il nous a fallu nous imposer., faire travailler ensemble des gens très importants, qui sont par nature concurrents les uns des autres: chaînes de télévision, stations de radio, annonceurs, publicitaires, centrales d'achat... Il nous a fallu nous imposer tout en créant nos propres méthodologies et en évoluant aussi vite que le marché et l’environnement technologique. C'est le genre de défi qui vous maintient en éveil.

Être une femme dans un monde d'hommes. et de surcroît un monde dur, ne vous a pas gênée?

Au contraire, j’ai toujours vécu cette situation comme un atout. Aujourd'hui encore, dans nos réunions, les hommes sont probablement plus courtois, plus attentifs, plus charmants parce que je suis une femme. Et les femmes qui siègent dans nos instances sont toutes des femmes intelligentes qui spontanément, presque naturellement, sont devenues des alliées ou des amies.

Non, s'il y a une chose que je n’ai jamais regrettée, c'est bien d'être une femme à la place qui est la mienne.

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