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17 avril 2003

Joel TEMPLIER Vice president de CSC-Peat Marwick Responsable de l’activité Entreprise Solutions

Je suis entré à l'ENSAE en 1969, après une scolarité bien classique, 11 ans chez les Frères puis une prépa à " Ginette ", dans un environnement où on poursuivait ses études sans trop se poser de questions sur sa vocation profonde …. Bien qu'intégrable dans des écoles d'ingénieurs, j'ai préféré l'ENSAE étant plus attiré par les mathématiques et les sciences économiques que par les applications concrètes de la physique ; je crois que je n'aurais pas fait un très bon ingénieur de bureau d’études ou de production. Juste après le diplôme, en 1972, je suis parti comme VSN (on disait " coopérant " à l'époque) à Bangui. Tout de même, avant de partir, j'ai pris quelques mois de vacances avec des copains : sac au dos, nous sommes allés jusqu'à Katmandou et Calcutta en autobus et en train. Les trains indiens sont célèbres pour l’organisation de leurs services ; peut-être ce fut il le début de ma vocation…

LE GOÛT DU MOUVEMENT

L'ENSAE, plus pro p rement le CESD, formait alors les principaux cadres d'Afrique ; je fus très aimablement re ç u par le tout-jeune ministre du Plan centrafricain. J'ai passé dix-huit mois si passionnants qu’ils me paraissent encore très proches : la conception d'une feuille de ménage pour le recensement de population. Il fallait concevoir deux modèles de feuille destinés à recueillir les données socioéconomiques de base : une pour le milieu urbain, une autre (plus simple) pour la brousse. Avec une équipe du PNUD et un autre coopérant, nous avons parc o u ru les provinces les

" QUAND ON AIME LE CHANGEMENT, IL N'EST PAS NÉCESSAIRE DE COURIR APRÈS ; IL SUFFIT DE BIEN SE PLACER POUR Y PARTICIPER ACTIVEMENT. "

plus reculées pour tester l'acceptabilité de nos feuilles ; nous p a rtions en 4x4, avec des interprètes... Ensuite, il a fallu mettre en place l'informatisation. Cette première expérience a certainement influencé mon choix de carr i è re. Je suis d’ailleurs resté deux ou trois mois de plus, puis suis rentré à Paris via le Cameroun, le Nigeria et le Sahara, la Transsaharienne n’existait pas encore …. À mon retour en France je suis entré à la SETEC, bure a u d'études spécialisé dans l'ingénierie et les grandes i n f r a s t ru c t u res, en France et à l'étranger. J'étais dans le d é p a rtement de re c h e rche opérationnelle ; mes supérieurs s'appelaient Roger MARCHE (ENSAE 1954) et Alain BLANQUIER (ENSAE 1962). Nous étions alors très en pointe dans le domaine de la modélisation et du calcul de rentabilité économique. Je me souviens d'avoir travaillé sur le tunnel sous la Manche, sur l'itinéraire de l'autoro u t e P a r i s - B o rdeaux, et aussi sur le pont mobile de Bizerte et quantité de projets financés par la Banque Mondiale. J'ai passé un an à Dakar pour organiser la logistique du transport de l'arachide.

Nos travaux étaient parfois vraiment sophistiqués, comme des enquêtes auprès des voyageurs de la SNCF, avec des techniques de sondage complexes reposant sur les numéros des trains ; ces numéros changent chaque fois que les rames se rejoignent, puis se séparent... J'ai passé cinq années dans ce métier, avec des collègues de haut niveau, sympathiques, efficaces et motivés. Puis j'ai décidé de changer, car il y avait peu de perspectives de c a rr i è re pour qui n'appartenait pas à un grand corps technique de l'état. J'ai toutefois résolu de rester dans le domaine des projets : la diversité des missions, ce n'est pas de tout repos, mais c'était déjà ma drogue.

LE GOÛT DES AUTRES

Les études et l'aménagement du territoire, c'était bien, mais je ne participais pas réellement à la mise en œuvre. Et puis, les grandes infrastru c t u res étaient plutôt sur le déclin. Je brûlais du désir de collaborer avec des entreprises et des hommes de l'immédiat et du concret. Je suis passé chez Peat - Marwick-Mitchell, un peu par hasard, un peu parc e qu'il me semblait que je serais heureux dans cette entreprisede trente collaborateurs à l'ambiance typiquement américaine. On ne mettait pas ses diplômes sur sa carte de visite, on s'appelait par son prénom... toutes choses encore peu courantes dans la France du Service Public. J'avais une opportunité concurrente chez Arthur Young (devenu depuis E rnst & Young, puis Cap Gemini E&Y) pour une activité s i m i l a i re. Au passage, mon salaire a augmenté de plus de moitié ; l'argent n'était pas ma pre m i è re priorité, mais ça fait toujours plaisir !

Le mot " gestion " avait là un sens bien concret, que j'ai découvert peu à peu. L'idée de form e r, motiver et faire p ro g resser des collaborateurs faisait encore sourire en France ; ça m'a passionné. J'ai surfé sur la croissance du secteur : au bout de quatre ans, j'étais manager c'est-à-dire responsable de projets sur le terrain. Encore trois ans et je suis devenu partner, intéressé (à tous les points de vue) aux résultats de l'entreprise.

Le métier était nouveau pour moi ; heureusement, il l'était un peu pour tout le monde. On nous demandait surt o u t d ' a p p o rter un re g a rd neuf sur l'entreprise, ce qui me convenait parfaitement, même si certaines missions m'intimidaient. J'ai continué de voyager, puisque j'ai commencé par installer la gestion des stocks dans vingt-deux briqueteries et tuileries d'Algérie. Je travaillais avec des anglais, des américains et d'excellents jeunes cadre s algériens. Ensuite, j'ai participé au démarrage de l'informatisation de banques à Tananarive et à Tunis.

C'est plus tard que notre métier s'est précisé. Il a fallu avoir une connaissance préalable du secteur économique du client. J'ai suivi l'évolution ; les nouveaux client s'appelaient Matra, Renault, RVI, Crédit Agricole, Valeo, Centre s Hospitaliers Régionaux, Elf, Shell, RAT P... Au début, les contrats ne dépassaient guère le million de francs, maintenant nous traitons des aff a i res de plusieurs dizaines de millions de francs, parfois beaucoup plus . En qualité de part n e r, je fonde le développement de mes équipes de consultants sur trois grandes valeurs : la fierté d’appartenance à des équipes de grande qualité, le plaisir de l’environnement matériel et humain et une rémunération élevée . Le développement personnel va de pair avec cette stimulation sans cesse renouvelée . Ici on travaille é n o rmément, bien plus de trente-cinq heures par semaine ; les consultants sont plus souvent chez les clients qu’au siège ; la RTT se traduit par des jours de congés annuels s u p p l é m e n t a i res. Le moteur d’ascension sociale n’est pas qu’un mot, chacun est jugé sur sa perf o rmance quelle que soit sa formation, promu et rémunéré en conséquence, les partners sont cooptés de manière collégiale, l’efficacité et la transparence sont la règle.

LE GOÛT DE LA PERFORMANCE

L’évolution du marché v ers la technologie, l’internationalisation et le besoin d’une forte capacité d’investissement nous ont poussé à intégrer CSC, une société américaine née il y a une quarantaine d’années des grands programmes, en particulier de la NASA. Nous sommes le numéro deux mondial du conseil et de l’intégration de systèmes.

Le métier de consulting a profondément évolué .E-business et outsourcing sont parmi nos thèmes majeurs. Je suis passé d’une équipe de trente consultants en 1979 à une société de 1.800 personnes rien qu’en France (plus de 60.000 dans le monde)….Nous privilégions l’esprit d’équipe avec les opérationnels du client. Pour mettre les choses en mouvement, il ne faut pas faire à la place du client, il faut faire avec lui. Nous formons ses équipes, nous agissons en sor te qu’elles s’approprient nos recommandations et les mettons en œuvre avec elle . CSC a en fait 3 grands métiers : le consulting et l’intégration de systèmes, aux contours fortement mêlés et l’outsourcing. Nos grands concurrents sont Accenture, EDS, IBM, PWC, Deloitte … notre plus grande force et notre caractère distinctif sur le marché est probablement de savoir bien i n t é g rer des compétences plutôt fonctionnelles / métiers (logistique, finances, R&D, …) avec des compétences technologiques et informatiques. CSC est aujourd’hui l’entreprise qui a créé l e plus de places de marc h é (netmarkets) au monde. Pour cela, il faut à la fois connaître les process, maîtriser les technologies, démarrer et exploiter les systèmes.

Entreprise solutions, mon domaine avec une équipe de 250 consultants, consiste à mettre en œuvre les grands systèmes d ’ i n f o rmation des entreprises avec des outils progiciels comme SAP, Oracle, Peoplesoft, Siebel, I2, Baan, etc. Nos clients veulent évidemment que les systèmes fonctionnent sur leur périmètre total, y-compris leurs implantations à l ’ é t r a n g e r. Nous ne vendons pas les produits, nous les sélectionnons et nous les mettons en œuvre en partenariat avec les constructeurs et les éditeurs. C’est une autre de mes responsabilités : les partenariats en France, Belgique et Luxembourg, en liaison avec mes autres collègues européens et américains.

Tout au long de ma carrière, j’ai découvert des cultures très variées. Je suis toujours aussi enthousiaste quand il s’agit de compre n d re la culture d’une nouvelle entreprise cliente, la manière dont celle ci stru c t u re les réflexes et le c o m p o rtement de ses collaborateurs, les valeurs qu’elle véhicule. Mon rôle maintenant est plus d’assembler les é n e rgies et de faire travailler les gens ensemble ( c e rtainement ce qu’il y a de plus difficile dans une entreprise)que de faire le travail moi-même sur le terrain. Il y a des jours où je le regrette un peu … Les consultants dont je suis responsable sont principalement des diplômés des meilleures écoles et universités, motivés mais aussi ambitieux et impatients. Ils sont donc très exigeants envers leur hiérarchie, je ne risque pas de m’endormir.

Que m’a apporté l’ENSAE ? À Bangui et à la SETEC, c’était assez clair : des techniques et des méthodes scientifiques. Maintenant, bien sûr, j’utilise ce que j’ai appris depuis…mais je n’aurais pas pu l’appre n d re sans une formation aussi rigoureuse ! Trente ans après, je n’ai pas oublié les enseignements d’Edmond MALINVAUD (ENSAE 1948) et de Gérard CALOT (ENSAE 1959).

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