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06 décembre 2007

Le capital développement et le financement de la croissance

Les fonds de capital-développement, sous ensemble des fonds d’investissement, jouent un rôle essentiel dans l’économie en finançant des projets de développement trop risqués pour les banques et trop ambitieux pour les fonds propres des entrepreneurs. Ils constituent aussi un mode de gouvernance d’entreprise privilégié puisque l’intérêt financier du fonds réside dans un comportement responsable et citoyen de la part des entreprises qu’il a en portefeuille.

Au moment de mes études à l’ENSAE, la vision du capital-investissement qui y régnait était celle d’un métier se réduisant à acheter des entreprises, licencier le maximum de salariés et revendre le tout par morceaux. S’il est indéniable qu’il est possible de pratiquer le métier dans cette optique, cette caractérisation ne pourrait être plus éloignée de la réalité du plus grand nombre des fonds opérant en France.
Les fonds de capital développement jouent en effet un rôle essentiel dans l’économie en finançant des projets de développement trop risqués pour obtenir des financements bancaires et trop ambitieux pour être financés sur fonds propres. Mais au delà, ils représentent un mode de gouvernance d’entreprise privilégié : l’intérêt financier du fonds de capital développement, contrairement à celui de l’actionnaire boursier, implique un comportement responsable et citoyen de la part des entreprises qu’il a en portefeuille.

Financer la croissance

La mauvaise image du capital investissement vient d’opérations de LBO qui ont beaucoup fait parler d’elles récemment, autour de megadeals à plusieurs milliards d’euros : avec de la dette à bas coût, l’investisseur diminue son coût moyen du capital, et ainsi augmente fortement son retour sur investissement. Le financier profite ainsi de son statut d’investisseur privé : moins frileux que les bourses, il peut empiler plusieurs couches de dette dans le montage sans pour autant craindre la réaction des marchés qui pénalisent les sociétés surendettées.
Cette méthode, cependant, a les limites que nous savons : l’investisseur limite son risque à sa mise de fonds initiale et le banquier prêteur limite le sien en « revendant » la dette contractée à d’autres établissements, ou dans des dérivés de crédit. Le risque des opérations n’étant plus porté par ceux qui les réalisent, la prise de risque totale est souvent plus élevée que ne le voudrait la raison.
Bien entendu, cette optimisation financière n’est pas incompatible avec la croissance de l’entreprise cible – mais il existe une branche du capital-investissement où cette croissance est une condition sine qua non de la réussite de l’investissement : le capital développement.
Il repose sur un levier très différent : le financement de la croissance. Le capital développeur réduit son univers d’investissement à des entreprises le plus souvent déjà rentables, mais qui ont des projets de développement significatifs. L’opération n’est alors plus un rachat de l’entreprise, mais un apport en fonds propres donnant à l’investisseur une part du capital souvent minoritaire.
Le projet financé peut être de tout ordre : acquisition d’un concurrent, lancement d’une activité à l’étranger, ouverture de nouveaux sites de production… Ce qui compte, c’est que ce projet est l’unique raison d’être de l’investissement du fonds : sans la prise de risque nécessaire à ce projet, l’entreprise cible n’aurait pas besoin de l’intervention d’investisseurs. L’intervention d’un fonds d’investissement n’est alors plus un obstacle aux recrutements et aux développements ; au contraire, elle sert souvent à les financer.
Dans ce rôle très différent, l’investisseur en capital comble une véritable brèche de la chaîne de développement des entreprises, qui ne peuvent souvent pas financer autrement ces projets. Le fonds devient un véritable maillon de la croissance : ce n’est pas un hasard si les PME françaises accompagnées par des fonds d’investissement ont des croissances de chiffre d’affaires 2.7 fois supérieures et des croissances d’effectifs 5.1 fois supérieures à celles des 50 plus grandes entreprises françaises.

Le droit de regarder plus loin

Cette spécificité du capital développement influe fortement sur l’horizon de temps des prises de participation : pour valoriser les fruits de son investissement, l’investisseur ne peut pas se permettre de céder sa participation au bout de juste quelques mois. L’horizon de temps est au contraire souvent de 5 à 7 ans.
On imagine bien le confort que cela représente pour le dirigeant. Il n'y a en effet que peu de véritables réussites entrepreneuriales qui n'aient un jour impliqué une traversée du désert, et les dirigeants se retrouvent souvent contraints de la faire en solitaire. Ils savent que la bourse ne les accompagnera pas dans cette traversée, et au contraire les poussera à privilégier les impulsions de court terme au détriment des actions de fond.
Par opposition, une société soutenue par un fonds peut s’engager dans de véritables réflexions de long terme : comment optimiser ses processus de création de valeur, sa chaîne de financement, l'association des personnes clés de l'entreprise ? L’entreprise peut s’extraire de la dictature du quarter.
De plus, les dirigeants de ces entreprises ne peuvent négliger les impacts sociaux ou environnementaux de leurs actions, en se disant que leurs successeurs s’en occuperont. Tous ces facteurs sont valorisés dans le potentiel de l’entreprise au moment de la sortie du fonds. L’entreprise devient alors totalement responsable, vis à vis de ses actionnaires bien sur, mais aussi de ses clients, fournisseurs, salariés, et de la société en général.

La conséquence en est que les sociétés soutenues par des fonds de capital développement laissent souvent une empreinte positive sur leur écosystème. C’est pourquoi, tandis que certains s'interrogent sur la place croissante prise par les fonds de capital investissement dans la vie de la cité, je ne suis pas inquiet. Cette excitation médiatique que notre profession n'a pas initiée, ni invitée, ne doit pas masquer l'essentiel : le capital investissement reste un mode de gouvernance d'entreprise comme un autre – et peut-être meilleur qu'un autre.

Comment postuler ?

Le choix du Private Equity est assez atypique à la sortie de l’ENSAE : les carrières dans la finance de marché et l’assurance sont beaucoup plus fréquentes. Cependant, ce métier permet de développer une véritable vision entrepreneuriale, au contact des dirigeants des entreprises figurant dans les portefeuilles d’investissement.
Dans ce métier le jeune ENSAE profite de la capacité développée à l’école de se forger une opinion et de prendre des décisions en situation d’information incomplète ou incertaine : une des principales qualités nécessaires est de savoir « faire sens » et extraire une conviction à partir d’un grand volume d’information imparfaite et parfois divergente. En revanche, il est nécessaire d’acquérir rapidement des visions stratégique et marketing qui sont insuffisamment développées à l’ENSAE.
Le conseil aux jeunes ENSAE qui se destineraient vers ce métier est de ne surtout pas rater l’opportunité du stage de fin d’études : les fonds recrutant peu, et souvent des profils déjà plus seniors, ce stage est une occasion unique pour forcer le destin. D’autres chemin menant au capital investissement sont la banque d’affaires, le conseil ou l’audit – en particulier en transaction services.

Autrice

Keyvan Nilforoushan (2003)

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