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04 mai 2007

Recherche en finance : l’ENSAE double la mise

Publié par Eric Ralaimiadana (1996) | N° 30 - Le conseil en stratégie

L’ENSAE a été couronnée pour la deuxième année consécutive par le jury de deux associations, l’AFGAP et PRMIA, qui rassemblent des professionnels de la banque, de l’assurance, et des métiers de la finance dans les autres secteurs.

En janvier 2007, Philippe Dumont et Christophe Lunven recevaient le prix de « gestion des risques financiers 2005 » pour leur travail intitulé « Risque de modèle et options multi sous-jacent ». La même paire avait reçu le prix du groupe de travail en finance, lors de la remise des diplômes de la promotion 2005. A peine plus récemment, en février dernier, trois jeunes diplômés de la promotion 2006, Flor Gabriel, Xavier Labatie et Philippe Sourlas, ont reçu une distinction du même jury, lors de la remise de prix du Centre des Professions Financières, pour leur mémoire sur la « Couverture d’options en présence de sauts ». Leur travail avait été couronné du prix du meilleur GT en octobre 2006.

Le fait est remarquable, et souligne la présence de l’école dans le secteur pointu de la recherche en finance. L’intérêt suscité par ce secteur parmi les professionnels de la finance, dans les établissements financiers comme dans les directions financières d’entreprises, se manifeste au travers du soutien qu’ils apportent aux travaux dans ce domaine, et traduit la volonté du monde de l’entreprise de lancer des projets pour l’avenir en encourageant les innovations. C’est également le reflet de préoccupations actuelles de la profession, concernant la mesure et la couverture des risques.

Meilleur GT, prix AFGAP-PRMIA : une filière…

Le risque est en effet au cœur des projets actuels de régulation dans les domaines de la banque et de l’assurance. Le risque est décomposé en plusieurs catégories, risques de marché, de contrepartie, mais aussi entre autres, risque opérationnel, de réputation, dont l’évaluation est capitale car elle entraîne des exigences en matière de provisionnement et d’immobilisation des fonds propres de l’entreprise. Le projet Bâle II de régulation du système bancaire ainsi que le passage en France et en Europe aux normes comptables IAS/IFRS sont les réponses à la succession de faillites retentissantes dues à la mauvaise appréciation et comptabilisation des risques, dont celle récente du fonds d’arbitrage LTCM. Les banques sont partie prenante des consultations menées par le régulateur dans le processus d’établissement des directives Bâle II ainsi que des normes comptables, et ont notamment été entendues dans leur souhait de corriger certains chapitres des normes IFRS mal adaptés à l’activité bancaire en France.

En parallèle, du côté des assureurs, la différence de nature entre des actifs négociables résumables à un risque de marché, et un passif composé d’engagements pour lesquels la ligne de séparation entre le risque d’assurance pur et le risque financier fait débat, concentre l’enjeu des discussions actuelles sur le projet Solvency II, enjeu crucial car il a un impact direct sur la manière dont la compagnie gère son bilan.

Dans ce contexte, la capacité de réflexion, de recherche et d’innovations qui constitue la marque d’excellence de L’ENSAE se diffuse dans les établissements grâce à l’entrée des promotions de jeunes diplômé(e)s dans la vie active.

Aussi sommes-nous heureux de pouvoir interroger les jeunes lauréats du prix AFGAP-PRMIA 2005, Philippe et Christophe, sur leurs expériences respectives en ces débuts de leur carrière assurément prometteuse. Pour le lecteur intéressé par un résumé de leurs travaux, nous le renvoyons à l’excellente synthèse de leur mémoire.

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INTERVIEW
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2006 : Couverture d’options en présence de sauts

Eric Ralaimiadana - A quel champ d’application verriez-vous s’étendre la méthode de contrôle du risque de modèle que vous avez construite sur les produits multi sous-jacents ?
Christophe Lunven - Dans notre étude, nous nous sommes focalisés sur des options sur actions cependant le cadre théorique de mesure de risque proposé reste suffisamment large pour pouvoir étudier n’importe quel type d’option multi sous jacent. Il serait d’ailleurs très intéressant de comparer les résultats obtenus sur des paniers de taux ou de créances.

Philippe Dumont - L’objectif est de calculer une provision à mettre en face du risque de corrélation pour les produits structurés vendus par les banques d’investissement. En effet, le risque de corrélation n’est généralement pas couvert par les salles de marché, il est simplement étudié au cas par cas et porté dans les books d’options. Notre méthodologie permet de calculer assez simplement cette provision, dans un cadre analytique rigoureux. Elle se veut vraiment « pratique », utilisable telle quelle par une équipe d’ingénierie financière.

ER - Avez-vous testé la démarche que vous proposez au sein de vos établissements respectifs ?

PhD - Chez SGAM AI où je travaille comme ingénieur pricing, un cadre analytique très complet a déjà été développé depuis longtemps pour étudier le risque de corrélation. La démarche que nous avons proposée avec Christophe dans le mémoire ne me sert pas en tant que telle pour faire des prix. Je l’ai néanmoins déjà utilisée pour comprendre la sensibilité à la corrélation de certains produits.

ChL - Non, je n’ai malheureusement pas encore pu la tester sur des produits de taux appropriés. Cependant nous travaillons actuellement avec Philippe à une implémentation de la méthode sur données réelles (option sur indice action notamment), faute de temps nous nous étions en effet restreints à une application sur données simulées lors de notre Groupe de Travail.

2005 :Risque de modèle et options multi sous-jacent

ER - Comment situez-vous l’apport de vos travaux dans le contexte actuel du combat mené par les banques françaises notamment, autour de la mesure, la couverture des risques, et la comptabilisation des instruments dérivés dans le bilan des banques, dans le cadre de la définition des normes IAS et IFRS ?

ChL - Notre travail s’inscrit tout à fait dans le cadre des nouvelles normes IAS 39 pour la comptabilisation en Fair value des instruments dérivés. L’évaluation de produits peu liquides comme les options multi sous-jacents passe par la construction d’un modèle interne et la spécification d’un certain nombre de paramètres dont certains sont inobservables. Nous proposons alors plusieurs modèles d’évaluation ainsi qu’une méthode pour constituer une provision pour risque de modèle lié à une mauvaise évaluation des paramètres.

PhD - La méthodologie que nous proposons ne permet pas en tant que telle de faire un prix. Elle permet simplement de calculer une des multiples composantes du prix de vente, pour mieux mesurer le risque spécifique de corrélation. Nos travaux apportent d’une certaine manière une (petite) pierre à cet édifice.

ER - Plus personnellement, vous destinez-vous à la recherche appliquée, et quelle carrière aimeriez-vous faire ?

PhD - Pour l’instant, j’ai plutôt pris la voie de l’ingénierie financière que celle de la recherche. Concrètement, ça ne veut pas dire que je ne fais pas de recherche, mais ça signifie que je passe plus de temps à valoriser et à faire le montage des produits. Même si je n’exclus pas la possibilité de revenir un jour vers un poste encore plus orienté « technique », ce n’est pas aujourd’hui mon ambition de carrière.

ChL - Je travaille actuellement dans une équipe de recherche et modélisation opérationnelle en ALM. Nous sommes notamment en charge de l’estimation et l’implémentation des modèles statistiques et financiers dans le département afin de mesurer et gérer le risque de taux d’intérêt au niveau de la banque. Pour cela nous, nous nous inspirons des travaux académiques récents menés dans ce domaine et nous échangeons régulièrement avec des universitaires intervenant dans l’équipe en tant que consultants. J’apprécie tout particulièrement ce rapport entre la théorie et l’implémentation pratique des modèles et je souhaite pour l’instant continuer de travailler dans ce type d’équipe de recherche appliquée.

Autrice

Eric Ralaimiadana (1996)

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