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04 mai 2007

Se lancer dans la recherche en finance, pourquoi ?

Publié par Romuald Elie (2002) | N° 30 - Le conseil en stratégie

Romuald Elie (2002), assistant de Finance à l'ENSAE, a effectué après sa scolarité une thèse en mathématiques financières. Il nous parle des aspects académiques et professionnels de la finance ainsi que de leurs interactions.

Variances - Pourquoi faire de la finance dans un laboratoire de recherche plutôt qu'au sein d'une banque qui t'offrirait un fort salaire?

Romuald Elie - C'est une bonne question que je me pose encore… Tout d'abord, il faut réaliser que l’on parle de deux métiers finalement très différents. Différents dans le rythme des projets, qui se doivent d'être aboutis à court terme dans une banque, et qui se permettent un développement plus précis et plus long dans la sphère académique. Pour des raisons évidentes, on y recherchera la vitesse et l'efficacité de certaines méthodes informatiques, qui ne seront pas centrales d'un point de vue académique. Cela revient selon moi à distinguer les mathématiques applicables des mathématiques appliquées. De plus, les rythmes de vie qui en découlent sont bien entendu très différents. Cela n’empêche pas de plus en plus de chercheurs de rejoindre des structures privées à l’appel de salaires très compétitifs. La vraie raison réside dans leur difficulté voire l’impossibilité de vivre correctement à Paris avec les salaires actuels d’enseignant chercheur.

V - Selon toi, quelle est la valeur ajoutée d'une thèse en mathématiques financières après les études à l'Ensae?

RE - Dans mon cas, j'ai particulièrement apprécié de pouvoir m'accorder trois ans de liberté intellectuelle. D'un point de vue professionnel, il faut signaler que les entreprises françaises valorisent finalement assez peu les doctorats, ce qui est loin d'être le cas à l'étranger. L'apport pour une carrière en France est donc minime, mais le cursus doctoral modifie notablement les opportunités de carrière si l'on et prêt à aller travailler aux Etats-Unis, en Angleterre ou en Suisse.

V - Justement, qu'en est-il de la position de la France ? Quelle est la compétitivité de la place de Paris en terme de débouchés, de places en laboratoires ou en infrastructures ?

RE - Tout d'abord d'un point de vue mathématique, l'école française de probabilités reste certainement la plus prestigieuse, et ce depuis 50 ans. En terme de formation scientifique, la France est probablement le pays le plus performant en mathématiques financières. Ceci repose principalement sur les bases solides qu’ont les élèves français en troisième cycle.
J'ai effectué un an de Master à Columbia, à la suite de ma troisième année. Même si d'un point de vue professionnel, les conditions y sont préférables, je m'y suis justement aperçu que les meilleures compétences académiques du domaine se trouvaient en France. Je suis très satisfait d’avoir fait le choix de rentrer même si je n'exclus bien sûr pas d'y repartir un jour.
Il reste que les structures américaines ou britanniques attirent beaucoup de chercheurs étrangers et proposent des formations plus appliquées. Elles disposent malheureusement de moyens bien supérieurs à ceux dont nous disposons ici.

V - Quel est l'intérêt spécifique, d'un point de vue théorique, des mathématiques financières ?

RE - Il s'agit d'un domaine finalement encore assez neuf, et en mouvement constant. Il y a vingt, ans tout restait à faire, mais aujourd'hui encore, il y a énormément de questions qui se posent sur des problématiques de fond. A titre personnel, ce qui me fascine est probablement l’interaction entre des techniques mathématiques déterministes ou aléatoires et des problématiques de modélisation économique.

V - Quels sont tes thèmes de recherche ? Peux-tu nous expliquer les sujets sur lesquels tu travailles ? Quels sont les champs d'application de tes travaux ?

RE - Je travaille principalement à l’élaboration de nouvelles méthodes numériques d’évaluation de produits financiers complexes et de leurs sensibilités. Cette approche numérique complète bien souvent des problématiques d’optimisation de gestion de portefeuille. D’un point de vue mathématique, je m’intéresse particulièrement aux interactions rencontrées entre le monde déterministe des équations aux dérivées partielles et l’univers probabiliste des processus aléatoires.

V - As-tu beaucoup de contacts avec le monde professionnel ou est-ce assez cloisonné ?

RE - Oui un certain nombre par mon poste d'assistant à l'ENSAE. La dernière problématique de mon dernier article m'a d'ailleurs été suggérée suite à un échange avec un praticien. Mais je reste un cas particulier, car en général la plupart des thésards dans le domaine sont trop coupés du monde de l'entreprise. Les choses sont peut être en train de changer dans certaines universités, avec la création de certaines chaires comme la Fondation du Risque par exemple.

V - Comment envisages-tu la suite de ta carrière ?

RE - J’aspire à une carrière académique, en espérant que ces nouvelles interactions avec les entreprises privées apporteront des partenariats de recherche fructueux dans mes domaines de recherche. D’un point de vue géographique, mon cœur penche toujours vers l’hexagone.

V - Quels conseils donnerais-tu à un jeune ENSAE qui serait attiré par la recherche en mathématiques financières ?

RE - Le plus important est d'abord de choisir un directeur de thèse qui allie compétences, reconnaissance et disponibilité. Aucun de ces points n'est à négliger. Si l'élève se destine à une carrière dans le milieu professionnel, faire une thèse ne présente un intérêt réel que s'il envisage de s'expatrier. Il ne doit surtout pas oublier que le monde académique est aussi un milieu compétitif !

Il y a enfin des conseils très généraux, propres au travail de thèse; il faut être accrocheur, motivé, autonome. Il faut bosser! Après, selon les objectifs personnels, il faut savoir ce que l'on souhaite faire, travailler dans le privé ou dans le public, et réfléchir au type de financement souhaité : thèse académique ou thèse en entreprise (CIFRE).

Autrice

Romuald Elie (2002)

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