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04 novembre 2003

Quelle est peu verte ma campagne!

Publié par Marc Gotesman | N° 15 - Economie de l'eau

par Marc Gotesman, ministère de l'agriculture et de la pêche


Il pleut environ 400 km3 d'eau tous les ans en France. On compte que l'eau « disponible » s'élève à 170 k m3 par an, en additionnant les eaux superficielles et les eaux souterraines. Les prélèvements sont de l'ordre de 40 km3 dont plus de la moitié pour refroidir les centrales nucléaires. L'agriculture prélèverait environ 5 km3 ce qui est finalement modeste, dont l'essentiel (80 %) dans les eaux superficielles.

Autrefois située en quasi-totalité en Provence et dans le Roussillon, l'irrigation s'est fortement développée dans les dernières décennies. La surface irriguée a triplé entre 1970 et 1995, passant de 0,54 à 1,62 millions d'hectares. Le maïs occupe à lui seul plus du tiers des surfaces irriguées. En périodes de sécheresse, justement quand les nappes phréatiques ne sont plus réalimentées suffisamment, les prélèvements augmentent. L'abaissement du niveau des nappes engendre des conflits quantitatifs entre utilisateurs, mais ce n'est pas tout: la qualité des eaux se dégrade aussi.

L’AGRICULTURE DÉTÉRIORE LA QUALITÉ DE L’EAU

L’azote est indispensable à la croissance et au développement des plantes. La quantité produite par le cycle naturel de l'azote est trop faible et trop irrégulière pour couvrir les besoins des plantes en culture intensive. L’azote est donc apporté le plus souvent par des engrais de synthèse ou par des effluents d'élevage sous forme de nitrates très solubles. S'ils sont en excès par rapport à la capacité d'absorption des plantes, ils s'infiltrent dans les nappes de profondeur ou bien ils ruissellent vers les cours d'eau superficiels et le littoral.

L'agriculture



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Figure n°1 : Irrigation, ancienne méthode


en France est responsable des deux-tiers des apports azotés dans les eaux superficielles, l'habitat apportant un quart et l'industrie le reste (soit 9 %). La responsabilité de l'agriculture est encore plus grande dans la pollution des nappes. Les apports azotés agricoles sont passés de 81 kg en 1970 à 134 kg en 1993, en moyenne nationale. Ces chiffres sont bien supérieurs, et fort préoccupants, dans les régions de grandes cultures (Grand Bassin Parisien, Nord, Champagne et Sud-ouest) et dans celles d'élevage intensif (Bretagne et Pays de Loire),

Une enquête nationale réalisée de 1992 à 1993, sur 3300 points de captage alimentant les réseaux d'eau potable, a montré qu'un prélèvement sur quatre dépassait 40 mg de nitrates par litre. Un sur huit dépassait 50 mg/litre, limite officielle de la potabilité. Or cette norme européenne devrait être prochainement abaissée à 25 mg/litre! Il faut savoir que dans certains sols la migration des nitrates est très lente : par exemple, 50 cm/an dans la craie compacte. Même si les techniques culturales évoluent favorablement, la dégradation qualitative de l'eau persistera encore pendant des années.
Les produits phyto﷓sanitaires sont une autre source grave de pollution. L’agriculture, il est vrai, n'est pas seule en cause : insecticides, fongicides et désherbants sont aussi et largement répandus sur les abords des routes et les ballasts des voies ferrées. Les seuils de tolérance sont fréquemment dépassés.

LES INSTRUMENTS ET LE CADRE DE LA GESTION DES RESSOURCES

La dernière conférence mondiale sur l'eau s'est tenue à Paris en mars 1998. Plus de 80 pays y étaient



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Figure n°2 : Irrigation, méthode moderne


représentés. Elle a conclu sur une déclaration préconisant la gestion intégrée des ressources, le principe pollueur-payeur et plus généralement sur la reconnaissance de ce que l'eau n'est pas un bien économique ordinaire. La gestion de l'eau doit incorporer les impératifs sociaux, l'environnement et la santé publique.

Au sein de l'Union européenne, une directive « nitrates » et une réglementation de protection ont été mises en place par la loi sur l'eau de janvier 1992. Cette loi est opérationnelle : les décrets d'application ont été promulgués et traduisent les directives communautaires en matière d'assainissement urbain et de potabilité.

Les directions régionales de l'environnement, services déconcentrés du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sont chargées de la mise en application de la politique de l'eau. Elles sont appuyées par les directions départementales de l'agriculture et de la forêt. Les agences de l'eau ont avant tout un rÔle technique et financier. Elles perçoivent des redevances et apportent subventions et appui technique aux collectivités locales, aux industries et aux agriculteurs. Pour le septième programme national (19972001, en cours) les agences apporteront 57 milliards de francs sur les 105 requis pour financer les investissements.

L’AGRICULTURE « CITOYENNE »

L'État et les professionnels se mobilisent pour redresser la situation. Les mesures agri-environnementales les prises en application des directives européennes incitent les agriculteurs à évoluer vers une « agriculture durable». Cela consiste à réduire les quantités d'intrants (engrais et



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Figure n°3 : Il y a une différence


produits phyto﷓sanitaires), mais aussi à développer des techniques plus favorables : bandes enherbées en bordure des rivières, cultures « pièges à nitrates» en hiver, plantations de haies, assolements permettant une meilleure gestion de l'azote, etc. Une irrigation plus économe en eau diminuera le lessivage du sol, donc la pollution des ressources, tout en réduisant la consommation d'eau. La future loi d'orientation agricole, qui devrait être adoptée en 1999, comportera des contrats territoriaux d'exploitation engageant les agriculteurs volontaires vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement.

Le PMPOA (Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole) fixera des règles pour l'épandage des lisiers et subventionnera la mise aux normes des bâtiments. Des opérations de sensibilisation et de développement fourniront aux exploitants des références techniques pour améliorer les pratiques de fertilisation (FertiMieux), de traitement (Phyto-Mieux) et d'irrigation (Irri-Mieux).

Deux voies sont envisageables pour l'avenir : l'une consisterait à polluer, puis à dépolluer à grands frais. Ce serait une utilisation de l'eau en quantité, sans raisonnement. L’autre consisterait à définir des modes de gestion limitant, et les prélèvements, et la pollution. Le débat est en cours. Il renvoie à l'idée même que le genre humain se fait de sa relation à la nature: doit-il la dominer pour s'en servir, ou établir avec elle un dialogue fait de respect et d'imagination?

Marc Gotesman

1. Un kilomètre-cube vaut un milliard de mètres-cubes.

Autrice

Marc Gotesman

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