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17 avril 2007

Evaluer l’efficacité des formations

Publié par Nicolas Méary (2000) | N° 28 - Ressources Humaines, Richesse Humaine

Le monde des ressources humaines en général et la formation en particulier sont aujourd’hui dans une phase de mutation accélérée. Devenus avant-tout des gestionnaires, les DRH se trouvent face à un dilemme lorsqu’il s’agit de formation : faut-il les subir, puisqu’elles sont imposées par la loi, ou faut-il s’appuyer sur elles pour valoriser le capital humain de l’entreprise ? Faciliter cet arbitrage suppose de pouvoir mesurer l’apport d’une formation, ou au moins d’évaluer son utilité. C’est le service développé par une jeune société co-fondée par un Ensae, Formetris.

[NDLR : Nicolas Méary (2000) est président de Formetris]


Les attentes à l’égard des DRH évoluent très rapidement. Historiquement, on leur a demandé d’être des responsables administratifs, des spécialistes du droit social voire des psychologues. Aujourd’hui on attend d’eux d’être avant tout des gestionnaires. Toutes les réflexions sur le capital humain ont aidé les entreprises à prendre conscience que la gestion des ressources humaines pouvait être une source d’avantage concurrentiel. Progressivement on arrête de surnommer les DRH les « non-productifs » et on leur demande de raisonner comme des centres de profits. Même si les DRH ne peuvent pas présenter un compte de résultat indépendant, on attend d’eux d’obtenir des résultats mesurables, d’optimiser leurs coûts et de satisfaire leur clients internes. Bref, ils doivent aujourd’hui faire preuve de la même rigueur de gestion que les autres fonctions de l’entreprise.

En parallèle, les nouvelles technologies donnent les moyens aux DRH de répondre à ces attentes. Elles permettent de réaliser des gains considérables de productivité sur les tâches administratives à faible valeur ajoutée. Elles permettent d’affiner et d’individualiser la gestion. Elles permettent enfin de recueillir, de consolider et d’analyser les données, afin de piloter la fonction ressources humaines.

Aujourd’hui, la fréquence et l’ampleur des projets SIRH (Système d’information ressources humaines) ainsi que les nombreux développements d’applications sur des sujets spécifiques comme la gestion des temps, la gestion des compétences ou la gestion des carrières illustrent cet impact des nouvelles technologies sur les RH.

Au sein de la fonction RH, la formation continue est parfaitement représentative de ces évolutions. Elle présente également quelques enjeux spécifiques.

La formation, une contrainte légale

Tout d’abord, la formation continue a longtemps été perçue comme une obligation légale. La loi de 1971, qui imposait aux entreprises de consacrer au minimum 1,5% de la masse salariale à la formation continue, a été novatrice à l’époque. Elle a cependant incité les acteurs de la formation professionnelle à s’engager sur une obligation de moyens et non sur une obligation de résultats. Le décalage avec les exigences nouvelles à l’égard des DRH a donc été particulièrement marqué. Des propositions du rapport récemment rédigé par Pierre Cahuc et André Zylberberg visent d’ailleurs à changer cet état d’esprit. Ils préconisent notamment de supprimer l’obligation légale, mais de subventionner les actions de formation.

Aujourd’hui, le Droit Individuel à la Formation, mis en place par la loi du 4 mai 2004, suscite à la fois espoirs et inquiétudes. En passant d’une contrainte uniquement collective sur le montant global dépensé par les entreprises à une contrainte individuelle de vingt heures de formation par personne et par an, il a pour objectif de parvenir à une meilleure répartition des formations, d’éviter que les personnes les plus formées bénéficient de la majeure partie de l’effort de formation. Son ambition est également de faire évoluer les mentalités en incitant chacun à « prendre en main » son développement professionnel. Néanmoins, il inquiète certaines entreprises. Elles considèrent que le Droit Individuel à la Formation pourrait conduire à l’explosion du nombre de formations qui contribuent peu au développement des compétences ou plus généralement à une forte augmentation des coûts de formation.

Une offre multiple et éclatée

Le monde de la formation est également caractérisé par la multitude des offres et par l’évolution rapide des besoins. Dans ce contexte, les responsables de la formation ont peu de moyens pour identifier quelles sont les formations qu’il faut développer, quelles sont celles qu’il faut améliorer ou remplacer et quelles sont les nouvelles formations qu’il faut mettre en place…

Symétriquement, les organismes ont du mal à mettre en avant la qualité de leurs formations. La multiplication des chartes et des labels illustre la volonté des organismes de rassurer sur la qualité de leur « produit ». Pourtant, tous ces labels étant axés sur les moyens mis en œuvre et non sur les résultats, ils ne convainquent pas vraiment les acheteurs potentiels.

Enfin, les enjeux humains et financiers sont considérables. Sur le plan financier, la formation continue représente 22 milliards d’euros par an en France, dont 13 milliards d’euros pour les actifs occupés . La formation continue présente surtout l’avantage de pouvoir s’adapter aux évolutions technologiques et, plus généralement, elle peut aider chacun à trouver sa place malgré la diminution constante des emplois à faible valeur ajoutée.

Au regard de ces différentes questions, évaluer l’impact des actions de formations semble impératif. C’est sans aucun doute un levier majeur pour éclairer les choix et pour améliorer continuellement les formations, aussi bien du point de vue des formés, que des organismes et des entreprises.

Comment évaluer les formations ?

Tous s’accordent pour considérer que l’évaluation classique de satisfaction « à chaud » n’est pas suffisante. Elle ne correspond pas à une culture de résultat, elle n’est pas un outil d’aide à la décision pertinent, elle ne permet pas aux organismes de mettre en avant la qualité de leurs formations et elle n’est tout simplement pas à la hauteur des enjeux.

De nombreuses bonnes idées ont été développées, que ce soit dans les milieux universitaires, dans la recherche en sciences de l’éducation ou tout simplement au sein de certaines entreprises. Néanmoins, trop de processus RH ont pu être ressentis par le passé comme des « usines à gaz » ; très peu d’entreprises ont donc cherché à innover et à mettre en œuvre des méthodes d’évaluations approfondies. Il faut avant tout proposer une méthodologie simple, qui ne soit pas une charge supplémentaire pour les « opérationnels » tout en donnant des outils réellement utiles aux responsables des formations.

Optimiser les questionnaires et le traitement

Les acteurs de la formation s’accordent sur ce point : il faut recueillir l’avis des formés quelques mois après la formation. Dans la mesure du possible, il est également bénéfique d’interroger son responsable hiérarchique. Ici, être pragmatique impose de reconnaître qu’on ne peut pas demander trop de temps pour l’évaluation des formations. Les questionnaires « à froid » doivent être focalisés uniquement sur les dimensions clés, c’est-à-dire les résultats de la formation : Les objectifs spécifiques ont-ils été atteints ? Les formés ont-ils mis en œuvre ce qu’ils ont appris ? La formation a-t-elle permis une amélioration de la qualité ou de l’efficacité de leur travail ?

Un processus d’évaluation efficace doit permettre à tous de gagner du temps. Combien « d’évaluations papier » restent dans un dossier sans être traitées, voire sans être lues ?
Aujourd’hui, les nouvelles technologies permettent de réaliser des gains de productivité sur les tâches les plus simples du processus d’évaluation : sur la collecte et le traitement. C’est autant de temps libéré pour l’analyse, l’interprétation et la définition d’actions correctrices éventuelles.

Des analyses comparatives pour donner du sens

En soi, savoir qu’une formation a recueilli « 75% de satisfaction » n’a pas beaucoup d’intérêt. Au-delà de sa qualité ou de ses résultats, l’évaluation d’une formation dépend de nombreux facteurs, notamment du thème de la formation, du type de public… Proposer des analyses comparatives avec des formations similaires enrichit les évaluations. C’est une manière simple de corriger les biais liés au contexte. Pour chaque formation, cela permet de mieux identifier les problèmes éventuels et de se positionner par rapport à la moyenne du marché. Dans cet esprit, Formetris mutualise de manière anonyme les évaluations réalisées pour l’ensemble de ses clients, afin de réaliser ces analyses sur la base d’un échantillon significatif.

Estimer l’impact plutôt que le ROI

De manière générale, l’évaluation dans les RH doit naviguer entre deux écueils : Ne rien évaluer parce qu’on touche à « l’humain » et évaluer « l’humain » comme n’importe quel investissement.

Aux Etats-Unis, de nombreuses entreprises ont essayé de calculer le retour sur investissement des formations. Toutes les méthodes de calcul envisagées butent sur l’impossibilité d’identifier la part de l’amélioration opérationnelle qui provient de la formation. Les études sont coûteuses et les résultats fantaisistes. A titre d’exemple, après plusieurs journées-hommes d’enquête et d’analyse, un cabinet de conseil avait annoncé à une entreprise agro-alimentaire que son dernier programme de formation au management avait un retour sur investissement de 1600%... Il semble beaucoup plus raisonnable de calculer un indice d’impact, à partir des données de l’évaluation à froid. Tout autant qu’un hypothétique ROI, un critère de ce type permet d’identifier les problèmes et de sélectionner les formations.

Bref, il nous semble possible de mettre en place une méthodologie d’évaluation à la fois pertinente et pragmatique. Bien évidemment l’évaluation elle-même n’est qu’un moyen, et non une fin en soi. Elle est avant tout un outil pour mieux identifier les problèmes et aider à prendre les bonnes décisions. Après avoir évalué, « presque tout » reste à faire, mais sur des bases éclairées. De nombreux aspects de cette approche dans le monde de la formation sont également pertinents dans d’autres branches des ressources humaines. La démarche intellectuelle et les techniques statistiques, économiques et financières des ENSAE ont sans doute beaucoup à apporter…

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Formetris

Créée en 2004, Formetris propose à ses clients un service d’évaluation de l’efficacité des formations qui s’appuie sur un système ASP (application sur Internet).

Fondée sur les principes évoqués ci-contre, Formetris a été distinguée lors de sa création par la fondation de l’Ecole Polytechnique qui lui a décerné le prix FX-Créateur 2004. C’est encore une entreprise de taille modeste, mais la quinzaine de clients (grands comptes et PME) donne les bases d’un développement prometteur et confirme la pertinence de l’activité. Il reste encore beaucoup de choses à construire, mais si Formetris peut contribuer à créer un langage commun entre les acteurs de la formation, l’aventure aura été utile.

www.formetris.com

Autrice

Nicolas Méary (2000)

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