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16 avril 2007

Les spécificités du marché francilien de l’habitat

Publié par Geneviève Prandi (1980) | N° 26 - Immobilier et Logement

S’il suit les tendances nationales, le marché francilien de l’habitat présente aussi des spécificités qui lui sont propres et qui génèrent des tensions sur certains segments de marché. De façon générale, son parc d’habitation est important et diversifié mais la région capitale a du mal à satisfaire la demande de logement des franciliens et des candidats franciliens. Elle a été le théâtre de hausses sensibles des prix de l’immobilier et des loyers libres sur la période récente, contraignant de nombreux ménages, notamment les ménages modestes, à habiter toujours plus loin en grande couronne voire dans les régions limitrophes. La construction neuve, insuffisante depuis plus d’une décennie, n’a pas conduit à un accroissement du parc suffisant pour absorber à la fois les besoins liés au développement économique de la région et ceux résultant des transformations de la société et de ses modes de vie.

Une résidence principale sur cinq est en Ile-de-France

L’Ile-de-France regroupe 4,8 des 26 millions de résidences principales recensées en métropole et abrite 11 millions de personnes. Le poids démographique de la région (19 %) est stable depuis une quarantaine d’années.

Sur la période 1999-2004, cette stabilité cache des mouvements contraires importants. Le solde démographique naturel est élevé (excédent des naissances sur les décès) et le solde migratoire avec l’étranger et les DOM-TOM est positif mais il y a un fort déficit dans les échanges avec les autres régions. Sur ce plan, l’Ile-de-France a une place prépondérante dans les flux migratoires inter régionaux : 40 % des personnes ayant changé de région entre 1999 et 2004 l’ont quittée ou l’ont rejointe.

Le solde migratoire est excédentaire pour les jeunes adultes parce que la région reste attractive pour les étudiants et les jeunes actifs. Il est déficitaire pour les autres générations, avec le départ des familles et des retraités. La population francilienne apparaît ainsi, comme dans les précédents recensements, plus jeune que le reste de la France (57 % de moins de 40 ans contre 52 % en moyenne nationale). Les ménages y comptent plus souvent au moins un actif (70 % contre 61 %).

Si l’on tient compte également des migrations internes à la région, plus de 4 millions de personnes résidant en Ile-de-France en 2004 ont changé de résidence au cours des cinq années précédentes, ce qui représente environ 550 000 emménagements par an.

Un parc ancien qui peine à se renouveler

Les logements franciliens sont en moyenne anciens, surtout dans le centre de l’agglomération parisienne. L’âge des logements reflète le développement de la région autour de la capitale marqué par un étalement urbain progressif. Alors que Paris compte encore presque deux tiers de logements d’avant guerre et seulement 3 % de logements récents, de moins de 10 ans, la petite couronne abrite deux fois moins de logements d’avant guerre (29 %) mais a connu un développement important dans les périodes 1949-1981 (52 % du parc) et 1982-1992 (12 %). C’est en grande couronne que l’on rencontre le parc le plus récent avec un développement massif depuis la guerre et un rythme encore soutenu au cours des années récentes. Sur la période 1993-2001, pour un logement construit à Paris, il s’en est construit trois en petite couronne et cinq en grande couronne.

La construction neuve est insuffisante en Ile-de-France. Elle est en déclin depuis le début des années 1990. En 2003, elle a atteint son niveau le plus bas depuis trente ans avec 30 250 logements ordinaires commencés. Le léger redressement constaté en 2004, avec 34 000 unités, ne permet pas de retrouver les 36 000 logements ordinaires commencés chaque année sur la période 1998-2002, nombre qui représentait déjà un effort très inférieur à la moyenne nationale (0,8 % du parc contre 1,1 %).

Cette atonie a de multiples causes parmi lesquelles on peut citer la faiblesse de la construction sociale et la difficulté à mobiliser du foncier dans la partie centrale de l’agglomération. Face à une demande vigoureuse liée aux évolutions démographiques et sociétales (vieillissement, séparations…), l’offre nette de logements issue de la construction neuve s’avère insuffisante depuis de nombreuses années.

Les logements franciliens s’agrandissent, suivant l’augmentation générale de la taille moyenne : + 5 m² au niveau national et + 4 m² dans la région entre 1988 et 2002. Les logements franciliens restent toutefois plus petits que dans le reste de la France avec leur 75 m² en moyenne contre 90 m². La taille moyenne des ménages baissant légèrement, la surface moyenne par personne est en augmentation : 31 m² en 2002. Elle est inférieure de 4 m² à celle rencontrée dans les autres grandes agglomérations de plus de 200 000 habitants. En diminution régulière depuis 20 ans, le surpeuplement concerne encore près d’un logement francilien sur cinq en 2002, contre un sur huit dans les autres grandes agglomérations françaises.

De trop nombreux logements sont inconfortables. Malgré une amélioration constante du confort des logements franciliens depuis quarante ans, il subsiste encore dans la région 2,4 % de logements inconfortables, sans eau, sans toilettes ou sans installations sanitaires (2,5 % au niveau national). Ces logements se rencontrent principalement dans les immeubles construits avant 1949 et donc cinq fois plus souvent à Paris (4,9 %) qu’en grande couronne.

Quasi absent de Paris (moins de 1 % du parc), l’habitat individuel est relativement peu présent en petite couronne, un logement sur cinq. Il est en revanche très développé en grande couronne, représentant plus d’un logement sur deux, soit un niveau proche de celui de la France métropolitaine. Au total, l’agglomération parisienne accuse un déficit important de maisons par rapport aux autres grandes agglomérations : 23 % contre 39 %.

Locataire à Paris, propriétaire en grande couronne

Alors que la France compte désormais une majorité de propriétaires occupants (56 %), le statut d’occupation prédominant dans l’agglomération parisienne reste celui de locataire (50 %). La propriété occupante progresse régulièrement dans la région comme dans le reste de la France mais les locataires restent plus nombreux que des autres grandes agglomérations françaises (47 %).

Les contrastes sont importants entre le centre et sa périphérie ainsi qu’entre l’est et l’ouest. Le parc locatif est très développé à Paris, qui compte seulement un tiers de propriétaires occupants. La situation est inversée en grande couronne (58 % de propriétaires occupants et 37 % de locataires). L’examen de données à la commune (exploitation du fichier FILOCOM) met en évidence plusieurs phénomènes : l’augmentation de la part de la propriété occupante avec la distance au centre de l’agglomération, l’importance du parc social dans l’est et le nord de l’agglomération, l’importance du parc locatif privé dans le centre et l’ouest de l’agglomération (voir cartes).

Des prix de vente et des loyers plus élevés qu’en province

La comparaison du niveau des prix franciliens avec ceux des grandes métropoles régionales confirme la réputation de cherté de l’Ile-de-France. A Lille, les prix sont inférieurs de 60% aux prix parisiens, l’écart est de 52% à Lyon et 48 % à Marseille.
En Ile-de-France, la petite couronne affiche aussi en moyenne un prix supérieur à celui de la plupart des grandes villes de province. La grande couronne, deux fois moins chère que Paris, affiche des prix proches de ceux de Lyon ou Montpellier.
Les loyers reflètent de façon atténuée la hiérarchie des prix avec un écart de 1 à 2,2 entre Paris et Brest. Ce ratio a peu évolué sur les dix dernières années.

Les prix comme les loyers sont très dépendants de la localisation (toutes choses égales par ailleurs). Les prix les plus élevés se trouvent à Paris, avec des écarts de un à deux entre l’arrondissement le moins cher (le 19ème à 3 400 €/m²) et l’arrondissement e plus cher (le 6ème à 6 968 €/m²). Les communes les plus valorisées se trouvent ensuite dans l’ouest (majeure partie des Hauts-de-Seine et ouest des Yvelines autour de Versailles et Saint-Germain-en-Laye) ainsi qu’autour du bois de Vincennes. Cette hiérarchie est visible sur la carte ci-contre où les communes de l’agglomération ont été regroupées en huit zones de loyers homogènes. Le coefficient 100 a été attribué à la zone la plus chère. La zone la moins chère se situe alors au coefficient 44.

Une hausse des prix qui ne fait pas sortir Paris de la moyenne européenne

En hausse ininterrompue depuis 7 ans, le prix des logements anciens franciliens a connu une progression similaire à la moyenne nationale, respectivement 84% et 86 % en euros courants, entre 1998 et 2004. Au milieu de l’année dernière, les prix parisiens ont ainsi dépassé leur précédent maximum qui datait de 1991. Les appartements ont augmenté plus vite (91 % dans la région et 92 % en France) que les maisons (respectivement 74 % et 82 %).
Les loyers ont aussi connu des hausses sensibles : 4,2 % en moyenne annuelle de 2001 à 2004 sur l’agglomération, reflétant la tension du marché locatif, en particulier au centre de l’agglomération (la hausse annuelle moyenne est de 4,5 % à Paris).
Ces évolutions des prix comme des loyers ont été très supérieures à celles de l’indice des prix à la consommation et de l’indice du coût de la construction.

Même si la comparaison avec les autres capitales européennes est délicate en raison de l’absence de statistiques homogènes, les prix parisiens ne sont pas particulièrement élevés par rapport aux autres grandes métropoles européennes . Londres reste de loin la capitale la plus chère d’Europe, suivie par Luxembourg et Dublin puis Paris. Barcelone et Madrid concurrencent désormais Amsterdam et Bruxelles. Certaines capitales des pays de l’est progressent également rapidement, comme Prague et Varsovie.

Moins de mobilité dans le parc social

Selon la dernière enquête logement de l’INSEE, le taux de mobilité reste élevé en Ile-de-France (11,9% en 2001), bien qu’inférieur de 20 % à celui des autres grandes agglomérations françaises. Il est en recul par rapport à 1996 (12,3 %), mais reste supérieur à son niveau de 1992 (11,3 %).

38% des emménagements se sont réalisés dans le secteur locatif libre qui représente 21% du parc total. 26 % des emménagements ont été faits en accession à la propriété et 21 % l’ont été dans le secteur HLM. Rapportés à la part relative de chaque secteur au sein du parc total, ces pourcentages reflètent la fonction d’accueil importante jouée par le parc locatif privé dans les migrations résidentielles des ménages. Dans de nombreux cas (décohabitation, séparation, venue d’une autre région ou de l’étranger), les ménages se tournent ainsi d’abord vers une location dans le secteur privé avant d’envisager l’accession à la propriété ou de faire (et de voir aboutir) une demande de logement social.

L’occupation du parc social se fige. Malgré un parc globalement important, l’accès au secteur HLM est particulièrement difficile dans certaines communes de la région, comme à Paris où la mairie dénombre plus de 100 000 demandeurs en attente. Pourtant un peu plus important que le parc privé, le parc social a accueilli en 2001 presque deux fois moins de nouveaux ménages.
On assiste depuis de nombreuses années à une baisse de la mobilité dans ce parc. Selon les enquêtes sur le parc locatif social (DREIF – EPLS), la mobilité dans le parc social, qui était encore de près de 10 % à la fin des années quatre-vingt-dix est tombée à 8,2 % en 2002 et 7,8 % en 2003.
La faiblesse du taux de rotation du parc social francilien est due en grande partie au niveau élevé des prix et des loyers libres (souvent deux à trois fois les loyers HLM) qui bloque les ménages dans le parc social, le surplus de dépense logement nécessaire pour en sortir n’étant pas compatible avec leurs ressources.

Le parc locatif privé en recul dans le centre de l’agglomération

Avec 38% des emménagements en 2001 contre 43% en 1996, la place du secteur privé dans la mobilité des ménages est en baisse au profit d’une montée de la propriété occupante (26% en 2001 au lieu de 20 % en 1996). Ce recul s’explique à la fois par une plus grande difficulté des ménages à réaliser leurs trajectoires résidentielles et par la réduction du parc locatif privé : selon Filocom, le parc locatif privé de l’agglomération parisienne a perdu 17 000 logements entre 1999 et 2003.
La réduction de ce parc est due aux ventes massives des investisseurs institutionnels dans le centre de l’agglomération ces dernières années et à la désaffection de certains propriétaires bailleurs personnes physiques. Dans de nombreux cas, ces ventes se sont traduites par un transfert au secteur social ou à la propriété occupante. Ce recul n’a été que partiellement compensée par la remise sur le marché locatif de certains logements vacants (50 000 entre 1996 et 2002) et l’accroissement de l’offre en grande couronne, sous l’impulsion des dispositifs fiscaux favorables qui se sont succédés pour soutenir l’investissement locatif (Périssol, Besson, Robien).

Un marché de l’accession dynamique

De fait, le marché de l’accession est dynamique. Devant l’insuffisance de l’offre des secteurs locatifs, les ménages se sont tournés davantage vers l’accession à la propriété, les taux d’intérêt bas et l’allongement de la durée des prêts compensant en grande partie les hausses de prix enregistrées depuis 1998. Les volumes de vente dans l’ancien comme dans le neuf ont encore connu des niveaux élevés en 2003 et 2004 malgré des prix toujours en hausse. 2005 pourrait se situer en retrait si les signes de ralentissement constatés au 1er semestre se confirment sur la deuxième partie de l’année (moindre hausse des prix dans l’ancien, légère baisse des volumes).

Sans trop forcer le trait, on peut dire que la situation des marchés du logement en Ile-de-France continue sur sa lancée avec des risques d’instabilité croissants, avec un parc social dont l’occupation se gèle, avec un parc locatif privé au mieux stabilisé en nombre qui peine à remplir sa fonction d’accueil, face à un secteur d’accession à la propriété dynamique, stimulé par des conditions de crédit très favorables qui compensent les prix élevés. Pour combien de temps ?

Bibliographie

INSEE – Recensement de 2004
Chiffres-clés Ile-de-France et France entière
Ile-de-France à la page – n° 252

INSEE Première n° 1 029
Logements anciens – des prix toujours en forte hausse en 2004

IAURIF – Enquêtes logement
Les conditions de logement en Ile-de-France en 1996
Les conditions de logement en Ile-de-France en 2002

Chambre interdépartementale des notaires de Paris
Conjoncture immobilière à Paris et en Ile-de-France – bilan année 2004

OLAP – dossier 16
Comparaisons Paris – province

Autrice

Geneviève Prandi (1980)

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