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11 avril 2007

L’ENSAE doit aujourd’hui évoluer

Publié par Le conseil des Anciens de l’ENSAE | N° 27 - Infrastructures et places financières

L’ENSAE est aujourd’hui la grande école française de l’Economie, de la Finance et de la Statistique. Assise sur ces trois piliers, ses enseignements passent par une maîtrise exigeante des mathématiques appliquées, conduisant à une expertise pointue des outils économétriques, probabilistes et statistiques. Ce cursus forme des experts, spécialisés en finance-actuariat, analyse économique, mathématiques appliquées et analyse décisionnelle. La taille des promotions de l’ENSAE a doublé en 25 ans. L’école délivre aujourd’hui plus de 150 diplômes chaque année. Elle puise sa richesse actuelle dans un vivier de recrutements varié qui se fonde dans une culture commune d’application d’outils scientifiques aux problématiques de l’économie. L’ENSAE est membre associée de Paristech regroupement des grandes écoles d’ingénieurs parisiennes de type A, qui se concentrent sur trois pôles : Paris (5ème), Palaiseau, Marne la Vallée. Ce regroupement dont la dynamique est actuellement relancée a pour vocation de devenir un pôle d’attraction mondial dans les métiers scientifiques et technologiques.

5000 anciens, irriguant tous les secteurs de l’économie

Créée en 1942, avec pour première vocation de former les administrateurs de l’INSEE, l’ENSAE a diplômé en près de 65 ans, un peu plus de 5000 anciens, qui irriguent tous les secteurs de l’économie. Aujourd’hui, moins de 30% des anciens exercent dans le secteur public, l’enseignement et la recherche, alors que plus de 50% exercent dans les secteurs de la finance, l’audit - conseil, l’assurance et les services aux entreprises. 35% des anciens exercent des activités opérationnelles dans les métiers de l’asset management, de l’actuariat et de l’audit, 10% dans les métiers de l’analyse économique et 10% dans les métiers de la méthodologie statistique et de l’analyse de l’information. Enfin, près de 25% des anciens exercent des responsabilités purement managériales au sein de directions générales . Les débouchés de l’ENSAE sont donc en grande partie tournés vers l’économie tertiaire et le secteur privé, dans le domaine de la finance et de l’actuariat, de l’analyse économique, de l’analyse décisionnelle. Cette dynamique est encore plus forte pour les jeunes promotions, dont 50% exercent directement dans les métiers de la finance et de l’actuariat. L’ENSAE ne peut donc se concevoir que bâtie sur ces trois piliers.

L’ENSAE souffre cependant de faiblesses, notamment du fait de la recomposition en cours du paysage de l’enseignement supérieur et des moyens qui lui sont donnés. Elles sont de trois natures : logistiques, pédagogiques et stratégiques. Pédagogique et logistiques, car aujourd’hui l’ENSAE est clairement en retard, dans ces domaines, sur ses homologues grandes écoles d’ingénieur de type A. Elle est la seule école de son rang à ne pas avoir d’autonomie budgétaire et à ne pas disposer du statut d’EPA . Cet aspect n’est pas anodin. Il explique en partie aujourd’hui la raison pour laquelle l’ENSAE n’a pas le statut d’école d’ingénieur, il interdit aux élèves de bénéficier de bourses ERASMUS et pose un frein majeur au développement de l’école. Cet aspect se manifeste par le fait que l’école est également faiblement dotée en nombre de professeurs permanents, et dispose d’un budget de fonctionnement nettement moins élevé que ses homologues parisiennes ( Mines, Telecom, Ponts…) de taille équivalente.

Si l’ENSAE bénéficie d’une excellente réputation au sein des milieux professionnels qui sont ses principaux débouchés, ce manque de moyen et de positionnement explique le relatif déficit de notoriété de l’école auprès du grand public et en matière de recrutement auprès de certains étudiants des classes préparatoires et de l’université. Les locaux actuels atteignent aujourd’hui aussi leurs limites en terme d’espace, et se prêtent très mal à de possibles extensions ou aménagements. L’école souffre par ailleurs d’une absence de campus alors que les élèves éprouvent des difficultés croissantes de logement. Cette situation constitue un frein réel à une vraie vie d’école, l’une des forces des campus intégrés aux Etats-Unis par exemple.

Répondre à la concurrence mondiale

Enfin, si l’école a mené une internationalisation de ses cursus encourageant les parcours internationaux et attire des étudiants étrangers en nombre croissant, elle souffre comme ses homologues grandes écoles parisiennes d’un déficit d’image, de taille et d’absence de formations doctorales intégrées au niveau mondial. Les demandes croissantes d’internationalisation des cursus, la concentration des moyens qu’impliquent une diversification des sources de financement (contrats de recherches, chaires privées, frais de scolarités, etc.) et la globalisation des recrutements d’excellence sont autant de défis pour l’ENSAE.

Pour répondre à la concurrence des centres universitaires étrangers et aux projets actuels de regroupement des écoles, l’ENSAE doit se doter d’une taille critique en participant activement à la consolidation de l’enseignement supérieur français. L’école se trouve donc dans la délicate situation que connaîtront toutes les grandes écoles françaises : rester un cycle de formation M1-M2 de référence ouvrant sur les meilleurs doctorats mondiaux, ou participer à une filière intégrée M-D de renommée internationale. Elle bénéficie pour l’instant d’une place de choix, au croisement des deux projets majeurs sur ses domaines d’excellence qui ont émergé au cours des derniers mois et doivent aboutir à une recomposition des filières d’excellence en économie, finance et mathématiques appliquées françaises : INSEFI (pôle « graduate » autour de Polytechnique et HEC à Palaiseau) et EEP (Ecole d’Economie de Paris, filière intégrée en économie boulevard Jourdan autour de l’EHESS et de l’ENS via Thomas Piketty).

Deux projets émergent : l’EEP et l’INSEFI
Ces deux projets relèvent au départ de deux approches différentes. L’INSEFI prend les contours d’un département d’economie, finance et statistiques intégré à une sorte de Massachusets Institute of Technology (MIT) à la française, doté d’une forte culture scientifique. Il se donne pour ambition d’être le département d’économie au cœur de Paristech, association des plus prestigieuses grandes écoles d’ingénieurs françaises. Il affiche une volonté de synergie entre les disciplines des mathématiques appliquées, de l’économie et de la gestion et dispose d’un réseau d’anciens exceptionnel appuyé sur les établissements d’élite de l’enseignement supérieur français. Tres « professionnel » compte tenu de son origine, ce projet est clairement tourné vers le développement d’une recherche académique d’excellence. Ce second volet reste pour l’heure embryonnaire et plutôt cantonné à la recherche appliquée, meme s’il temoigne d’une ambition necessaire et d’une bonne lecture des enjeux academiques internationaux.
L’EEP en mobilisant l’essentiel des centres de recherche parisiens en économie, a pour objectif de devenir une sorte de « LSE et Harvard Kennedy School » parisienne, davantage tourné vers les carrières du secteur public (recherche académique, organisations internationales, prep’ENA). Elle serait animée notamment par les problématiques d’évaluation des politiques publiques. En se limitant à l’économie, ce projet néglige toutefois l’économétrie (financière ou non) et les statistiques (fondamentales, actuarielles ou appliquées aux sciences sociales), deux des piliers qui font la renommée et l’attractivité actuelles des enseignements de l’ENSAE.

Ces deux projets font l’objet dans ce dossier d’une exposition détaillée par leurs principaux artisans : Thomas Piketty pour l’EEP, qui nous fait également partager sa vision de la recherche et de l’enseignement supérieur français, et Alain Bamberger et Pierre Picard pour l’INSEFI, respectivement directeur général chargé de l’enseignement et directeur du département d’économie de l’Ecole Polytechnique. Le Conseil des Anciens travaille depuis plusieurs mois, en liaison avec l’INSEE et plus particulièrement le GENES, à définir une position, un projet et un diagnostic partagés concernant l’avenir de l’ENSAE, face à la recomposition en cours du paysage universitaire français et mondial. En intégrant évidemment les deux projets que sont l’INSEFI et l’EEP, ils seront présentés aux Anciens et devront faire l’objet d’une discussion lors de la prochaine Assemblée Générale.

Autrice

Le conseil des Anciens de l’ENSAE

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