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16 avril 2003

L’intégration de l’environnement dans la stratégie d’un constructeur automobile : l’exemple de PSA Peugeot Citroën

Publié par Elisabeth Sage (ENSAE 1994) PSA Peugeot Citroên | N° 20 - Risques environnementaux

Sans négliger les impacts liés à la production d’une part, au recyclage en fin de vie d’autre part, l’essentiel des enjeux environnementaux de l’automobile réside à l’heure actuelle dans son usage. Il ne suffit pas pour un constructeur automobile de proposer à ses clients des produits qui satisfont leurs aspirations en matière de style, de garanties de sécurité, d’agrément de conduite, … ; il est aussi fondamental que ce produit respecte l’environnement. Si, comme nous allons le voir, la pollution locale a baissé et baissera dans une forte proportion, l’effet de serre et la congestion demeurent des problèmes forts, sur lesquels il importe d’agir. Comme toujours, il n’y a pas de Solution avec un grand S, mais une multitude de voies possibles, qui en se complétant, apportent des éléments de progrès. Même si les problématiques abordées sont communes à la plupart des constructeurs automobile européens et plus largement partagées par d’autres industriels, cet article n’a pour autre objectif que de constituer un témoignage sur plusieurs actions engagées en matière de protection de l’environnement par PSA Peugeot Citroën. Nous nous attacherons à mettre en lumière l’importance que revêt cet enjeu dans sa stratégie globale, les orientations qu’il choisit, les arbitrages qu’il doit effectuer par rapport à ses “environnements” technique, économique et sociétal. L’action de PSA Peugeot Citroën dans le sens du développement durable comporte deux axes majeurs, qui correspondent aussi à deux modes d’action distincts : une dimension technique, consistant en des innovations apportées à ses produits, une seconde dimension, plus “organisationnelle” ou sociétale : en tant qu’acteur majeur de la mobilité, PSA Peugeot Citroën a un rôle à jouer dans le développement durable de celle-ci, en participant à des réflexion et des expérimentations, qui permettent d’en améliorer les conditions.

Les progrès technologiques

La technologie est l’axe majeur de progrès des performances environnementales de l’automobile, et le vecteur privilégié par le constructeur, dans la mesure où elle agit directement sur les qualités intrinsèques de ses produits. Il importe de distinguer deux problèmes, qui diffèrent tant dans leur nature que dans les réponses techniques qui peuvent être apportées : d’une part, les émissions de gaz polluants et de particules, d’autre part, les rejets de gaz à effet de serre (CO2 en particulier). Les niveaux d’émission d’un certain nombre de polluants (monoxyde de carbone, oxydes d’azote, composants organiques volatils, particules, benzène) ont fait l’objet de mesures de limitations réglementaires successives depuis plusieurs décennies. L’amélioration progressive des moteurs et la mise en place de divers dispositifs de “post-traitement” (pots catalytiques, catalyseur deNox, filtre à particules) ont permis, et vont continuer dans ce sens, de réaliser des progrès substantiels en la matière : dès 2005 (norme Euro IV), les émissions de ces polluants seront inférieures de plus de 80% par rapport à leur niveau de 1990, sans compter les réductions antérieures à cette date. Il reste maintenant à ce que ces évolutions, réalisées sur les véhicules les plus récents, se diffusent progressivement à l’ensemble du parc circulant, au fil des renouvellements. Les conclusions du rapport AutoOil II réalisé par la Commission Européenne (cf. graphique ci-joint) montrent l’ampleur de l’impact global de ces améliorations, en dépit d’un accroissement prévisible du trafic. Afin de faire du diesel une technologie “propre”, PSA Peugeot Citroën a choisi d’éradiquer les émissions particulaires des moteurs diesel, en les ramenant au seuil du mesurable : afin de consolider les avantages environnementaux des moteurs diesel à injection directe (en matière de rejets de gaz à effet de serre), le constructeur a engagé d’importants efforts de recherche



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Figure n°1 : Le Système Filtre à particules


pour trouver un moyen d’éliminer les particules (poussières restées imbrûlées à l’issue de la combustion) qui demeuraient le point faible de cette technologie. Ces recherches se sont concrétisées dans le développement d’un filtre à particules, qui capte les produits solides de la combustion et les fait disparaître par une combustion complémentaire activée par le calculateur du moteur à injection directe, réduisant les émissions finales de particules en dessous du mesurable. Ce filtre, industrialisé par PSA Peugeot Citroën depuis 2000, équipe au fur et à mesure des renouvellements de modèles, un nombre croissant de véhicules. Le développement de techniques pour limiter les émissions d’oxyde d’azote (catalyseur deNox), déjà réalisé sur les moteurs essence à injection directe depuis 2001, participent de ce même objectif de rendre les moteurs de plus en plus “propres”. Dans le domaine de la lutte contre l’effet de serre, problème global par nature, les constructeurs européens ont choisi d’allier leurs efforts, en s’engageant vis-à-vis des instances publiques à réduire les émissions de dioxyde de carbone de leurs véhicules : d’ici 2008, la moyenne annuelle pondérée des émissions des véhicules commercialisés dans l’Union Européenne devra atteindre 140 g CO2/km (à mettre en rapport avec les 186 g CO2/km mesurés en 1995), ce qui correspond à une moyenne de consommation de 5,7 l/100 km. Comme toujours, et dans ce domaine là très particulièrement, il n’existe pas de solution “miracle”, qui permette de réduire drastiquement les émissions de CO2 des véhicules. D’abord, aucune technologie ne permet, à l’heure actuelle, de réaliser à elle seule l’objectif de réduction. D’autre part, les coûts de réduction des émissions (“coûts d’abattement”) élevés et croissants imposent de trouver une combinaison optimale de solutions. Les actions mises en œuvre par PSA Peugeot Citroën dans ce sens comprend plusieurs axes : d’abord, le renouvellement accéléré de sa gamme de moteurs, en particulier en diesel, par la généralisation de l’injection directe qui permet de réaliser des gains substantiels de consommation (étroitement corrélé avec les émissions de CO2). A titre d’exemple, les petits véhicules équipés du nouveau moteur HDI 1,4 l (développé en partenariat avec Ford) consomment moins de 4 l/100 km. ensuite, le développement de moteurs fonctionnant avec des énergies alternatives (véhicules dits “propres”) : le gaz naturel véhicule (GNV) qui permet une réduction de 25% des émissions de CO2 par rapport à un moteur classique, l’électricité (véhicules hybrides), les biocarburants, …, constituent la première étape, en attendant que de nouvelles technologies prometteuses, telles que la pile à combustible, trouvent une forme industrialisable dans des conditions économiques acceptables (pour le moment, il n’en existe que des prototypes, tel TaxiPac – cf. photo ci-jointe). des améliorations apportées à l’aérodynamique des véhicules, la maîtrise du poids des véhicules. Plusieurs précisions peuvent éclairer l’énoncé de cette démarche : D’abord, dans chacune de ces voies, l’enjeu principal, outre la découverte d’une solution efficace, réside dans l’industrialisation de ces améliorations. De l’identification d’une solution technique à son industrialisation, la route est souvent longue et difficile ; de nombreuses réalisations ne dépassent en effet pas le stade du prototype à cause de la difficulté à les produire en série pour un coût et des conditions acceptables. Car pour pouvoir se diffuser sur le marché et faire bénéficier la collectivité de ses qualités environnementales, le produit “propre” doit comporter un rapport fiabilité/prestation/prix acceptable ; un rapport prestations/prix d’autant plus crucial que d’un côté le constructeur n’a pas toujours la possibilité de faire supporter directement le surcoût d’une innovation environnementale par le client, de l’autre,


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Figure n°2 :


que les préoccupations environnementales du client doivent en effet compter avec son désir de volume, d’équipements, de confort, …, bref, de prestations qui augmentent la consommation des véhicules et peuvent compenser une partie des gains d’émission réalisés. Par ailleurs, si chaque constructeur est responsable de ses propres choix technologiques, les améliorations dépassent parfois sa seule capacité d’action, nécessitant une adaptation générale du système. Si cette adaptation fait défaut, les efforts “individuels” peuvent être freinés. Par exemple, la mise au point de moteurs toujours plus propres doit compter sur des carburants mieux adaptés (par l’abaissement de la teneur en souffre notamment). De même, la diffusion de technologies à énergie alternative (gaz naturel, biocarburants, …) doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de distribution suffisamment développé et efficace. De même dans un autre domaine, qui n’a pas encore été cité, mais tout aussi important : le développement de la télématique, qui permettra, en créant des interactions entre un véhicule et son extérieur (appel de secours dans un sens, diffusion d’information trafic et navigation dans l’autre) d’optimiser les conditions de circulation (sécurité routière, fluidification du trafic et réduction de la congestion par la possibilité de reroutage d’une partie des véhicules) ; son développement nécessite la définition de standards de communication qui impliquent l’intervention d’autres acteurs (opérateurs de téléphonie mobile, gestionnaires d’infrastructures, …). Ces exemples mettent en lumière le très fort degré d’implication de la démarche environnementale du constructeur dans sa stratégie produit.

Les réponses “organisationnelles”

Les véhicules que le constructeur produit et commercialise circulent ensuite, participant au fonctionnement du système de transport. La présence de la voiture, dans les villes en particulier (80% de la population européenne vit en zone urbaine) est souvent mise en question, en raison des encombrements que provoque la concentration de trafic. Dans des villes de plus en plus étendues et dilatées, l’émergence de nouvelles organisations du travail (horaires décalés, emplois situés dans des zones d’activités en périphérie, …) et de nouvelles aspirations de vie (importance des loisirs, individualisation des rythmes familiaux, …), ont contribué à la formulation d’une demande de mobilité de plus en plus diversifiée, dispersée dans le temps et dans l’espace, demandeuse de réactivité et de flexibilité. Offrant souvent le meilleur compromis confort - praticité, la voiture s’est progressivement imposée dans le paysage urbain. Ces tendances sociétales devraient continuer d’œuvrer et selon toute probabilité, la mobilité future devrait apparaître encore plus intense et plus “multiple”. En effet, contrairement à une idée reçue, les nouvelles technologies (Internet, téléphone mobile) ne réduisent pas le besoin de mobilité : en évitant certains déplacements (les plus contraignants, tels que les démarches administratives, …), elles créent de nouvelles possibilité d’échange et de nouvelles opportunités de déplacement. Pour autant, la réponse à cette mobilité croissante et exigeante ne peut se fonder exclusivement sur un mode de déplacement en particulier : il lui faut un éventail de solutions complémentaires, qui permette à chacun de faire les choix les plus appropriés à ses besoins. Si la voiture se révèle incontournable dans certains espaces (couronnes périphériques des villes, trop peu denses pour qu’une offre efficace de transport collectifs puisse les desservir et trop étendues pour que les distances puissent être parcourues à vélo ou à pied), à certains moments (fin de soirée ou nuit, …) ou pour certains motifs de déplacement, d’autres solutions lui sont préférées à d’autres moments (heures de pointe, …), dans certaines zones (centre-villes historiques, zones



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Figure n°3 : Emission du trafic routier dans l'Union Européenne


difficilement accessible, événements sportifs ou culturels induisant un afflux dense de visiteurs, …). La marche à pied, le vélo, les transports collectifs, mais aussi différents systèmes intermédiaires, tels que le transport à la demande, le covoiturage, la voiture partagée, … (la liste n’est pas exhaustive), voire la combinaison de ces différents modes, constituent alors des moyens de se déplacer plus efficacement. Indispensable au dynamisme économique et social de la ville, la présence de l’automobile en ville n’est pas remise en question ; il importe plutôt de trouver une meilleure articulation entre les différents modes de transport, et d’optimiser les usages en fonction de la pertinence spatiale ou temporelle de chacun. C’est dans la logique d’un système de transport “multimodal” que s’inscrit la démarche de PSA Peugeot Citroën : favoriser le développement de nouveaux moyens de mobilité, qui enrichissent la palette des possibilités, afin que chacun puisse y trouver les modes de déplacement les plus appropriés à ses besoins. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais leur réalisation est souvent complexe et coûteuse (il ne s’agit bien souvent pas de systèmes “rentables”, même à long terme). PSA Peugeot Citroën initie et/ou participe à des expérimentations de nouvelles formes de mobilité. Car, seul un test “grandeur nature” permet d’éprouver les solutions envisagées et de valider les plus pertinentes. Ainsi, le dispositif LISELEC à la Rochelle montre la faisabilité et les conditions de viabilité d’un système de libre-service de véhicules électriques (les abonnés au service peuvent emprunter l’une des 50 voitures réparties à travers les différentes stations de la ville, pour effectuer des trajets à l’intérieur de la ville, et la remettre à n’importe quelle autre station ; seul le temps effectif d’utilisation leur est facturé). De même, le constructeur participe, en interne ainsi qu’en partenariat à l’extérieur, au développement du covoiturage (solution de transport particulièrement adaptée aux trajets domicile-travail). Cependant, dans sa réflexion sur les voies d’amélioration du système de mobilité urbaine, le constructeur s’est rendu compte que l’approche de la problématique de la mobilité (qui ne se résume pas à la seule dimension du transport) était très segmentée en fonction des spécialités de chacun (urbanistes, transporteurs, politiques, citadins, …). Dans le but regrouper l’ensemble des parties prenantes dans la vie urbaine, l’Institut pour la ville en mouvement a été mis en place en juin 2000. Cette association loi 1901 a pour objectif de constituer un forum d’échanges entre les différents acteurs de la ville (publics et privés), afin de mieux appréhender les mutations des mobilités urbaines (en Europe mais aussi hors de l’Europe), et contribuer, dans le cadre de partenariats, au développement d’expérimentations. Le conseil scientifique et d’orientation de cet Institut, multidisciplinaire et international, regroupe des universitaires de différentes disciplines (urbanisme, architecture, sociologie, transports, …), des aménageurs, des développeurs de projets sociaux, des chefs d’entreprise, …. Plusieurs actions sont déjà engagées dans les domaines de l’aide à la mobilité des personnes malvoyantes, de la mobilité des préadolescents (mise en place de services de transport alternatifs aux “parents taxis”), du transport à la demande (en partenariat avec une association de réinsertion sociale), de la recherche (Chaire universitaire, concours étudiant), en partenariat avec différentes institutions (villes, institutions publiques, associations et entreprises). L’Institut pour la ville en mouvement constitue pour PSA Peugeot Citroën un moyen de contribuer activement, au delà de son strict rôle de constructeur automobile, à l’amélioration des conditions de mobilité et de vie en ville.

Autrice

Elisabeth Sage (ENSAE 1994) PSA Peugeot Citroên

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