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28 mars 2003

L'Assurance Privée

Publié par Christel BONNET (1999), actuaire consultant chez AVILOG Conseil. | N° 19 - Le Risque vieillesse

Qu’est-ce que l’Assurance Vie ?

En ne considérant que le secteur privé, l’Assurance Vie peut être définie en premier lieu comme l’ensemble des entreprises qui prennent en charge les conséquences financières d’un risque lié à la durée de la vie humaine ou aux aléas des conditions de vie. Nous verrons que cette définition est restrictive mais donne une première vision de la fonction de ce secteur d’activité.

Nous allons donner ici une vision générale de l’Assurance Vie, en insistant particulièrement sur les problématiques au cœur de l’actualité, notamment celle du risque vieillesse, et la fonction du secteur privé par rapport au secteur public.
Dans ce but, rappelons les mécanismes micro-économiques en jeu sur le marché privé de l’Assurance Vie. Sa fonction et son rôle seront ensuite précisés à travers la description de divers domaines d’intervention du secteur privé de l’Assurance Vie.

Rappels théoriques :
la concurrence pure et parfaite

• Atomicité : sur le marché, présence d’un nombre suffisant de consommateurs et de producteurs suffisamment nombreux pour qu’aucun d’eux ne puisse influer sur le déroulement des échanges.

• Homogénéité du bien : les producteurs proposent le même bien,
• Information parfaite : les acheteurs et vendeurs sont parfaitement informés des prix auxquels s’effectuent les transactions,
• Libre entrée et sortie : il n’existe aucune réglementation qui interdise aux entreprises d’entrer ou de sortir du marché quand elles le jugent utile.

Le marché de l’assurance vie et le modèle de concurrence pure et parfaite

Le marché de l’Assurance Vie fonctionne par la confrontation calculatrice des différents participants qui, compte-tenu de leurs buts et de leurs contraintes, prennent les décisions les plus avantageuses pour eux. Les clients des compagnies d’assurance souhaitent se prémunir contre les conséquences financières des risques liées à la vie sous contrainte de leur budget et les assureurs souhaitent maximiser leurs gains en garantissant certains risques de la vie.
Sur le marché de l’Assurance Vie, la particularité est que les échanges portent sur des contrats et non sur des biens matériels. Ceci est intrinsèquement lié à l’objet de l’Assurance Vie : garantir une compensation financière en cas de survenance d’un événement lié à la durée de la vie. La survenance de cet événement est statistiquement probable, mais peut ne pas se produire. La valeur du contrat d’Assurance Vie ne se justifie que par l’existence d’attitudes différentes des agents par rapport aux risques : les assurés, agents risquophobes, sont prêts à payer un prix (les cotisations) pour éviter les fluctuations probables de leur niveau de vie. Quant aux assureurs, agents économiques moins risquophobes, ils sont prêts contre rémunération à prendre partiellement en charge ces risques. Sur un marché de concurrence pure et parfaite, il existe un équilibre (couple prix-quantité) qui permet d’avoir égalité entre l’offre et la demande. Cet équilibre résulte des échanges de risques matérialisés par les contrats.

En fait, les mécanismes du marché de l’Assurance Vie s’éloignent notablement de ce modèle. Selon les risques contre lesquels les clients souhaitent se prémunir, l’Assurance Vie est capable de fournir toute une palette de réponses pour en assurer la couverture. Et pour un risque donné, les produits sont très différents d’une compagnie à une autre.
L’assureur vie est capable de couvrir les risques vie en s’appuyant sur un phénomène statistique : schématiquement, plus sa clientèle est importante, plus la probabilité de survenance est faible (argument contre l’hypothèse d’atomicité de la concurrence pure et parfaite). L’Assurance Vie est en quelque sorte fondée sur une «loi des grands Nombres ». Par ailleurs, le risque de mortalité est mesuré à l’aide des tables de mortalité construites à partir d’observations statistiques. Mais certaines de ces données sont difficilement observables.
Certaines règles prudentielles ont été instaurées pour que les assureurs puissent respecter leurs engagements vis-à-vis des assurés : les assureurs constituent différentes réserves, nommées Provisions Mathématiques et Provisions Techniques, dans lesquelles ils peuvent puiser pour régler les prestations. Ces réserves, provenant des cotisations perçues, sont investies sur le marché financier et certaines politiques d’investissement des compagnies peuvent s’avérer risquées au regard des engagements contractés auprès des assurés. L’Etat intervient pour limiter cette exposition aux risques financiers. Pour compléter ces règles prudentielles, l’Etat limite la libre entrée et sortie des entreprises d’Assurance Vie. Cette « libre entrée et sortie » serait défavorable aux assurés, qui auraient payés uniquement une promesse et seulement une promesse.
Le secteur privé de l’Assurance Vie est donc fortement régulé par l’Etat. Le prix du marché de l’Assurance Vie ne peut être assimilé au prix d’un bien matériel. En effet, ce prix, qui est déterminé selon une estimation du coût de la survenance du risque et selon les mécanismes d’offre et de demande, permet la constitution des réserves décrites précédemment. Si une compagnie propose des contrats à des tarifs trop faibles, elle peut mettre en danger sa pérennité. La faillite de Life Insurance illustre ce danger.

Pour mettre en perspective le fonctionnement de concurrence pure et parfaite et la réalité du marché français de l’Assurance Vie, nous allons décrire différents domaines de l’assurance vie en fonction des buts des consommateurs, en insistant particulièrement sur les types de contrats qui se trouvent actuellement au cœur du marché (produits Retraite ou Incapacité). La fonction du secteur privé sera également définie par rapport à la sphère d’intervention du secteur publique.

Contexte d’intervention de l’assurance vie

Sous le terme de risque vieillesse, il est nécessaire de distinguer deux catégories de risques :
• risque lié au vieillissement biologique,
• risque lié à la diminution du niveau de vie suite à la cessation de l’activité professionnelle.

En France, avant la mise en place de la protection sociale (sous l’impulsion de l’Etat), ces deux risques étaient intrinsèquement liés : la personne âgée ne pouvait plus subvenir à ses besoins, car du fait de son vieillissement physique, elle devait cesser son activité rémunérée. Elle ne pouvait compter que sur la solidarité familiale pour subvenir à ses besoins.
Depuis la seconde guerre mondiale, la sphère de solidarité s’est étendue par la mise en place des régimes obligatoires et complémentaires de retraite.

Or, du fait de la diminution du nombre des actifs et de l’augmentation de la population des personnes âgées, définies par la cessation d’activité professionnelle, le régime publique (système par répartition) est déséquilibré. Il ne peut plus répondre aux exigences de maintien du niveau de vie exprimées par les personnes âgées. Cette population étant de plus en plus active dans la sphère sociale, elle souhaite conserver un niveau de revenu suffisant pour consommer des services de loisirs.
Le problème du financement de la sécurité sociale, qui est lié à cette évolution démographique et à une forte croissance de la demande de soins de santé, conduit également les personnes âgées à s’inquiéter sur leur avenir en cas de perte d’autonomie.

Le développement du marché privé de l’Assurance Vie traduit, en partie, le fait que les personnes « inquiètes » souhaitent compléter les revenus ou les aides des systèmes publiques pour atteindre un niveau de revenu maximisant leur utilité. L’objectif de ces personnes est principalement de maintenir leur niveau de vie et de se protéger contre le risque de dépendance. Selon ces différentes demandes, l’Assurance Vie apporte plusieurs solutions, en prenant en charge le risque vieillesse en contrepartie d’une rémunération (primes).

Dans cette partie, nous ferons abstraction des problématiques de transmission de patrimoine car elles ne sont pas directement liées aux risques portant sur la durée de vie. La personne souhaitant souscrire un contrat pour transmettre une partie de sa richesse prépare son décès : sa vision est intergénérationnelle. Il est fait appel à l’Assurance Vie car celle-ci permet à ses consommateurs de bénéficier de certains avantages fiscaux.

Réponses de l’assurance vie face au risque de diminution du niveau de vie

Dans son champ d’intervention traditionnel, l’Assurance Vie propose à ses assurés un supplément de revenu versé sur une période définie dans le contrat en contrepartie du paiement des primes. Le calcul de la prime (tarification) et de ce revenu s’appuient sur les tables de mortalité.
L’un des produits traditionnels de l’Assurance Vie est la rente viagère : un assuré paie des primes pendant une durée définie à la souscription du contrat et l’assureur verse une rente après une période également définie dans le contrat jusqu’au décès de l’assuré. L’assuré peut par ce biais se prémunir contre une baisse de son revenu ; mais en contrepartie, il prend le risque de ne pas bénéficier de cette rente s’il décède avant la date du premier versement de la rente. Quant à l’assureur, il connaît statistiquement l’espérance de vie de l’assuré : afin de maximiser son gain, il fait une sorte de pari que l’assuré décédera plus tôt.

En complément de ce type de produit, l’Assurance Vie française propose des produits d’épargne. L’assureur sur ce marché ne remplit plus la fonction décrite précédemment. Nous pouvons même affirmer que le fait de classer les produits d’épargne (Fonds francs ou multi-supports Unités de Compte) parmi les produits d’Assurance Vie représente une spécificité française.
Cette catégorie d’Assurance Vie déporte tout ou partie du risque sur l’assuré. Sur les produits investis sur les fonds devises assortis d’une garantie de taux minimum garanti, l’assuré récupère au minimum le montant investi (montant de primes diminuées des frais sur versement). Les produits investis sur les fonds en unités de compte sont soumis aux aléas des cours boursiers : l’assuré peut donc ne pas récupérer la somme versée, voire tout perdre. Pour ce dernier type de contrat, l’assureur joue le rôle d’intermédiaire financier et doit absolument informer les clients sur les risques financiers (devoir de conseil). D’ailleurs, l’ambiguïté de l’intervention des assureurs dans ce domaine se traduit par l’émergence de l’activité de la bancassurance, qui propose des produits identiques alors que l’activité principale de ces entreprises est celle de la banque.
Face aux risques de perte financière, les assureurs peuvent proposer une garantie « plancher », qui permet aux clients de récupérer le montant investi sur les fonds UC (Unités de Compte) en cas de chute brutale des cours.
Mais actuellement, la tarification de cette garantie pose problème aux assureurs. Il n’en reste pas moins que le risque couvert n’est plus lié à la durée de la vie humaine, mais aux risques financiers. Un argument pourrait justifier le fait que les contrats multi-supports UC fassent partie de l’Assurance Vie : les consommateurs peuvent arbitrer entre un produit traditionnel et ce type de produit. Il existe une certaine substituabilité.

Réponses de l’assurance vie face aux risques de santé

Le vieillissement de la population française a évidemment des conséquences sur les dépenses de santé ; mais l’augmentation des dépenses en matière de santé est une tendance générale, traduisant une amélioration des conditions de vie de la population générale. Un segment des dépenses de santé concerne plus précisément les personnes âgées : la dépendance. On désigne par dépendance le fait qu’une personne ne soit plus capable de prendre en charge certaines activités de la vie courante (ceci peut donc aller jusqu’à l’invalidité). Le degré de dépendance est mesuré selon certaines classifications , notamment les grilles AGGIR (Groupe Iso-Ressources) et AVQ (Actes de la Vie Quotidienne). Chaque classification s’appuyant sur des critères particuliers pour définir le degré de dépendance, la définition de celle-ci peut être plus ou moins restrictive. Certaines compagnies tentent d’élaborer une classification pour maîtriser davantage la nature du risque qu’elles couvrent.
L’Etat français a mis en place des aides financières pour les personnes dépendantes : l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) qui succède à la PSD (Prestation Spécifique dépendance). Cette allocation (Sécurité Sociale) permet aux personnes dépendantes de percevoir une allocation mensuelle pouvant aller de 5125 F à 7000 F. Si l’on considère le coût moyen de la perte d’autonomie (estimé à 19 000 F par mois), les assureurs du secteur privé peuvent donc intervenir dans ce domaine afin de proposer un supplément de revenu suite à la perte d’autonomie, qui permet aux assurés de couvrir la totalité des frais liés à la dépendance.
La garantie de base de ce type de contrat consiste en un versement de rente mensuelle. Certaines compagnies proposent des garanties complémentaires, telles que la mise à disposition d’une aide à domicile ou la prise en charge des séjours en milieu hospitalier.

L’Assurance Vie peut donc jouer un rôle complémentaire vis-à-vis de la protection sociale. Mais les compagnies d’assurance sont confrontées à un problème majeur pour la couverture de ce risque : elles n’ont pas suffisamment d’expérience dans le domaine de la dépendance. La probabilité de maintien en dépendance n’est pas estimée très précisément à l’heure actuelle, d’autant plus que l’espérance de vie de la population tend à augmenter et que les assureurs sont exposés à l’asymétrie d’information (fausses déclarations sur l’état de santé des assurés).

Vers de nouveaux enjeux

L’Assurance Vie évolue continuellement pour répondre aux besoins des personnes souhaitant se protéger contre les aléas de la vie (financement de la retraite, financement des frais liés à la perte d’autonomie,..). La réflexion sur les évolutions démographiques se trouve donc au coeur de cette activité : elle permet de donner des solutions relativement individualisées face à des phénomènes généraux, en particulier là où le système public de protection sociale fait défaut. Dans le domaine de l’incapacité par exemple, une indemnisation de base est versée par la protection sociale, selon le niveau de revenu des personnes en incapacité ; cette indemnisation peut être complétée par un contrat d’assurance, sur l’initiative individuelle et dont les prestations correspondent aux exigences individuelles des assurés. Cette complémentarité créée une dynamique dans l’évolution de l’Assurance Vie.
Mais pour répondre à ces nouveaux besoins de la population, l’Assurance Vie doit faire face elle-même à des risques, notamment dus à une faible expérience dans certains domaines. Concilier une gestion prudente de l’activité de couverture de nouveaux risques et une tarification accessible aux clients potentiels, tel est désormais l’enjeu du risque vieillesse pour l’assurance privée.

Autrice

Christel BONNET (1999), actuaire consultant chez AVILOG Conseil.

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