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28 mars 2003

La gestion du risque Dépendance en Assurance

Publié par Claire DUTEY (2000), chargée d’études actuarielles, GIE AXA | N° 19 - Le Risque vieillesse

Dans les contrats d’assurance, la définition de la dépendance repose sur le degré d’autonomie d’une personne, la durée cumulée d’intervention d’une tierce personne, ou sur la capacité d’effectuer sans l’aide d’une tierce personne certains actes de la vie. Ce dernier principe est retenu dans la grille Autonomie Gérontologique Groupes Iso-Ressources (AGGIR) adoptée pour la Prestation Spécifique Dépendance (PSD) et pour la future Aide Personnalisée à l’Autonomie (APA), ainsi que pour l’évaluation de la dépendance par les assureurs.

Grilles d’évaluation
La grille de dépendance AGGIR mise au point pour la PSD est aussi utilisée par quelques contrats d'assurance dépendance. Elle évalue la dépendance d'une personne en six groupes. Généralement, on considère comme étant en dépendance lourde les personnes classées dans les trois premiers groupes. Les groupes 4 et 5 correspondent à des personnes en dépendance partielle.

Les critères de dépendance de la grille AGGIR :
- groupe 1 : personnes confinées au lit ou au fauteuil qui nécessitent une présence continue d'intervenants ;
- groupe 2 : personnes confinées au lit ou au fauteuil qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie;
- groupe 3 : personnes âgées ayant conservé leurs fonctions intellectuelles, mais qui nécessitent, plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle;
- groupe 4 : personnes âgées qui n'assument pas seules leur transfert, mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer seules ou personnes âgées qu'il faut aider pour les activités corporelles ainsi que pour les repas;
- groupe 5 : personnes âgées qui ont seulement besoin d'une aide ponctuelle pour la toilette, pour la préparation des repas et pour le ménage.
- groupe 6 : toutes les personnes qui n'ont pas perdu leur autonomie pour les actes de la vie courante.

Il existe également d’autres grilles :
 Activités de la Vie Quotidienne (AVQ) : activités de base (toilette, habillage, alimentation, déplacements),
 Activités Instrumentales (AIVQ) : plus complexes (activités domestiques, utilisation du téléphone et des moyens de transport, gestion du budget…),
 Activités Supérieures (ASVQ) : interactions avec le milieu social (loisirs, clubs, voyages…).
L’incapacité à effectuer sans aide au moins 3 des 4 AVQ correspond à une dépendance lourde, au moins 2 des AVQ correspond à une dépendance partielle. L’incapacité à effectuer certaines des AIVQ correspond à une dépendance légère.

Les caractéristiques du risque
En 2000, 20% de la population est âgée de plus de 60 ans, cette proportion sera d’environ 1/3 de la population en 2050. A l’heure actuelle, environ la moitié des personnes de 65 ans et plus appartient à la catégorie des 65 à 74 ans. Cette catégorie devrait diminuer d’ici 2050 au profit de la population des personnes de plus de 85 ans, qui va pratiquement doubler. Celle-ci sera donc constituée de personnes susceptible de tomber en dépendance, du fait de leur grand âge, la vieillesse voire la grande vieillesse pouvant engendrer une diminution des facultés physiques et mentales. La perte d’autonomie concerne d’abord les femmes de plus de 80 ans, isolées, ayant souvent des revenus modestes. Elle affecte en second lieu les hommes plus jeunes, vivant le plus souvent en couple. Selon les définitions, on peut estimer à 625.000 le nombre de personnes fortement dépendantes, auxquelles il faut ajouter 775.000 personnes ayant besoin d’aide pour sortir de leur domicile.
La question est de savoir si l’on va passer ces années de vie supplémentaires en bonne santé ou en dépendance. Le vieillissement de la population n’est pas à lui seul responsable de la dépendance. L’apparition de pathologies incapacitantes, alliée aux effets du vieillissement, va créer l’état de dépendance.
Ces dernières années, l’espérance de vie sans incapacité - c’est à dire la période où la personne a toutes ses facultés pour effectuer les actes de la vie courante - a augmenté plus que l’espérance de vie totale. Si l’on considère la qualité des années vécues à partir de 65 ans, les années de vie supplémentaires gagnées sont en majorité des années sans dépendance. La proportion des personnes dépendantes au sein de la population âgée semblerait diminuer.

Besoin d’aide
Le risque de dépendance souffre encore d'inhibitions profondes : s'assurer, c'est déjà accepter l'idée que la situation puisse se produire. Le refus d'envisager la souscription d'un contrat dépendance, c'est aussi rejeter l'idée que la situation soit vécue. Pourtant, le risque existe et peut être lourd de conséquences pour la famille s'il n'est pas anticipé...
La dépendance implique la nécessité d'organiser sa vie totalement différemment avec un désir très souvent affirmé de ne pas quitter son domicile, préservant ainsi une part de son autonomie. En outre, même si les enfants et les petits-enfants ont, en vertu des règles du Code civil, une obligation de secours envers leurs ascendants, il demeure difficile de subvenir aux besoins financiers de ses parents, voire de partager le même toit. Dans ces conditions, il existe alors seulement trois façons d'organiser la vie du retraité dépendant : le domicile, l'assistance à domicile ou l'établissement spécialisé. Chacune de ces possibilités demeure soumise, bien sûr, à la situation financière de chaque retraité.
En fonction de son niveau, la dépendance rend nécessaires des ressources financières et/ou des services d’assistance. Quelle que soit la solution adoptée - aide à domicile ou structure médicale spécialisée - la facture est lourde à payer : de 7.000 à 18.000 F par mois, par exemple, pour une dépendance lourde, selon le type d'établissement et la région. Cette charge financière importante à laquelle s'ajoutent d'autres dépenses fixes n'est pas prise en charge par la Sécurité sociale et déséquilibre complètement le budget de nombreux retraités et de leur entourage.

La Prestation Spécifique Dépendance et l’Aide Personnalisée à l’Autonomie
La Prestation Spécifique Dépendance (PSD), mise en place par l’Etat français en 1997, souffre de nombreuses insuffisances : sur 1 million de personnes concernées, elle n’est attribuée qu’à 135.000 bénéficiaires. Par ailleurs, le montant de cette allocation versée par les Conseils Généraux varie fortement d'un département à l'autre. La PSD n'est versée qu'aux personnes modestes et son montant (en moyenne : 3.500 F / mois à domicile et 1.900F / mois en établissement) est loin de couvrir toutes les dépenses entraînées par une dépendance totale. En outre, le recours sur succession ou donation a découragé beaucoup de potentiels bénéficiaires. Pour remédier à ces inconvénients, elle sera remplacée par l’Aide Personnalisée à l’Autonomie (APA) en 2002, avec les caractéristiques suivantes : l'APA bénéficiera à toute personne âgée de plus de 60 ans ayant perdu toute ou partie de son autonomie, quels que soient ses revenus. À degré de dépendance et à niveau de revenu identique, son montant sera le même quel que soit le lieu de résidence. Il sera calculé sur mesure, en fonction de la perte d'autonomie de l'allocataire et de ses ressources, pour varier entre 600 et 7.000 francs par mois. Le recours sur succession sera limité. Cette nouvelle allocation devrait couvrir 800.000 bénéficiaires pris en charge dans les établissements spécialisés ou maintenus à domicile, soit près de 6 fois plus que la PSD.

Adéquation du marché de l’assurance au risque dépendance
Déjà humainement douloureuse, la dépendance devient insupportable quand elle se double de soucis financiers. La dépense engendrée par le coût d’une dépendance peut réduire une succession ou mettre à mal un patrimoine. Cependant, il existe différents types d'assurance pour prévenir ce risque, par des capitaux, des rentes viagères, des rentes viagères majorées ou encore des services d’assistance.

La dépendance constitue la plus grande menace pour la richesse d’une personne âgée. L’insuffisance de la prise en charge publique des besoins des personnes âgées dépendantes à conduit un fort développement de l’assurance dépendance privée. Pour être un complément efficace aux aides de l’Etat, il est nécessaire pour les assureurs de segmenter la population concernée selon ses revenus et d’adapter les offres. Ainsi, pour un ménage dont les revenus mensuels sont inférieurs à 6 000 F, l'APA va constituer une forte aide sociale. Pour ceux dont les revenus sont compris entre 6 000 et 20 000 F, elle va représenter une aide, sans pour autant régler tous les problèmes. Enfin, pour ceux dont les revenus sont supérieurs à 20 000 F, l'APA ne va pas changer grand chose. Il s'agit là d'une population habituée à un certain niveau de vie, à un certain confort. Si elle veut s'assurer une fin de vie sereine à domicile (75 % des personnes âgées sont actuellement maintenues à domicile et le phénomène va s'amplifier), elle doit plutôt investir dans des produits d'épargne-dépendance.
Les assureurs ont conçu des contrats « dépendance » qui répondent à une demande individuelle ou collective (associations, mutuelles, entreprises, etc.), en complément du dispositif public et même avant que celui-ci ne soit décidé en 1997. Globalement l’assureur propose le versement d’une rente, d’importance variable selon le choix effectué à la souscription du contrat, à la personne reconnue dépendante en fonction des critères fixés par le contrat. Pour définir la dépendance, la plupart des assureurs utilisent des grilles qui leur sont propres mais qui ont en commun d’apprécier la situation de la personne par rapport aux actes essentiels de la vie courante. Certains assureurs prennent comme référence la grille AGGIR définie lors de la mise en place de la PSD. Les différents contrats existants proposent des garanties qui permettent de résoudre, en partie ou en totalité, les problèmes financiers générés par la dépendance. La question reste par contre entière en ce qui concerne les besoins non financiers. L’évolution des contrats dépendance devra intégrer un certain nombre de ces préoccupations non financières en proposant des services aux personnes dépendantes (assistance, prestations en nature), et en incluant peut-être aussi une démarche préventive à un « mauvais » vieillissement.
Comme tout contrat d'assurance, le contrat dépendance fonctionne suivant le principe du paiement régulier d'une prime (mensuelle). Ce n'est que lorsque le fait générateur survient, c'est-à-dire la dépendance de l'assuré, que l'assureur verse alors une rente préalablement définie. Les primes liées aux contrats dépendance sont fonction de l'âge du souscripteur (plus il est âgé, plus le montant de la prime est élevé), mais aussi de son état de santé (une déclaration de santé, un questionnaire médical ou un examen médical est obligatoire). Pour des raisons éthiques, le questionnaire ne doit pas comporter de questions sur l’hérédité. A noter que l'âge limite de souscription est généralement de 70 ans, plus rarement 75 ans.
Les contrats d’assurance permettent d'obtenir une rente qui, mensuellement, viendra compléter les ressources et permettra à la personne dépendante de se maintenir à domicile avec des services appropriés ou à payer son séjour dans un établissement spécialisé.
Les assureurs ont mis au point deux types de contrats dépendance. D'une part, des contrats de prévoyance qui couvrent uniquement le risque de dépendance : l’assureur s’engage à verser une rente viagère prédéterminée en cas de dépendance, en contrepartie de cotisations nivelées sur l’ensemble de la durée du contrat. Si l'assuré reste en bonne santé, elles sont à fonds perdus, comme les assurances décès classiques. D’autre part, les contrats d’épargne : l’assuré verse une cotisation unique ou des cotisations régulières capitalisées. Elles se transforment soit en rente viagère en cas de dépendance, soit en épargne versée en l’absence de dépendance.

La sélection médicale
Les causes d’entrée en dépendance totale sont liées principalement à cinq pathologies : neuro-psychiatriques, cardio-vasculaires (essentiellement les accidents vasculaires cérébraux), neurologiques, rhumatismales, ophtalmologiques. Parmi les facteurs prédictifs, le plus révélateur est la constitution ou non d’une pathologie entre 45 et 60 ans. Une personne qui ne constitue pas de pathologie entre 45 et 60 ans est un excellent risque pour l’assureur. Les affections neurologiques graves sont un facteur de risque important, et dans une moindre mesure les affections rhumatismales et les maladies ophtalmologiques. Par ailleurs, 50% des causes d’entrée en dépendance reposent sur des démences, ce qui justifie d’y porter une attention particulière au moment de la souscription. La maladie d’Alzheimer est la première cause de démence dégénérative. Cette démence se traduit par des troubles du comportement ou une modification de la personnalité, mais la distinction avec d’autres troubles psychiatriques n’est pas aisée.
L’identification des sources de déviation (le passage de la phase d’autonomie à une phase de dépendance, en passant par une perte partielle puis totale d’autonomie) va permettre de tarifer le risque de dépendance, en fonction des lois de passage d’un état à un autre. La mortalité définit le passage de l’état d’autonomie à l’état de décès, suivant un modèle à trois état : l’incidence de la dépendance définit le passage de l’état d’autonomie à l’état de dépendance, la mortalité des dépendants définit le passage de l’état de dépendance à l’état de décès.

Pour estimer la mortalité, on peut envisager d’utiliser une table en cas de vie. En ce qui concerne l’incidence de la dépendance, il y a peu d’information directe : les études sont focalisées sur la notion de prévalence (enquête décennale INSEE CREDES, enquête EHPA, enquête sur la santé et la protection sociale CREDES, enquête CERC), c’est-à-dire sur les proportions de personnes dépendantes dans différentes populations à risque, qu’il s’agisse de cas nouveaux ou anciens. Les observations concernant la prévalence sont difficilement quantifiables. On peut dire que la prévalence augmente avec l’âge, est plus élevée chez la femme, et est affectée par l’entourage et les conditions matérielles. L’incidence peut être « déduite » de la prévalence et de la durée moyenne de la dépendance. En ce qui concerne la mortalité des dépendants, il existe plusieurs études qui ont mené à diverses conclusions : la mortalité des dépendants est égale à 3 fois celle de la population générale, le taux de mortalité général est majoré de 5%,…Malgré l’ensemble de ces études, les données disponibles sont encore limitées et liées à une certaine définition de dépendance. Par ailleurs, les taux de mortalité peuvent varier suivant l’origine de la dépendance.

Conclusion
La possibilité de prévenir l’apparition ou l’aggravation de la dépendance fait de celle-ci un risque plutôt qu’une fatalité. De ce fait, l’assurance va permettre la protection financière des personnes souhaitant se couvrir contre ce risque, en complément des aides de l’Etat qui ne répondent que partiellement au problème. Actuellement, la dépendance constitue un risque encore mal connu car c’est un risque complexe et de long terme. Pour cela des études de R&D sont en cours dans le milieu assurantiel avec pour but de mieux connaître ce risque et de le modéliser. Par ailleurs, la notion de services tendant à se développer dans l’assurance, les contrats dépendances devraient évoluer vers des services d’assistance et/ou des prestations en nature et vers une couverture plus répandue de la dépendance partielle.

Autrice

Claire DUTEY (2000), chargée d’études actuarielles, GIE AXA

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