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13 novembre 2003

L'Impact de la crise des pays émergents sur le commerce mondial(1)

Publié par Jean-François DAUPHIN | N° 16 - Les marchés financiers émergents

par Jean-François DAUPHIN (89), économiste à la Banque de France


La crise des pays émergents (Asie, Russie, Amérique latine) s'est diffusée à l'ensemble du monde via plusieurs canaux, dont celui du commerce international. Provoquant une contraction des importations des économies concernées et redistribuant les cartes de la compétitivité, la crise a pénalisé les exportations des pays tiers. L'affaiblissement de la conjoncture qui en a résulté dans les économies développées a pesé à son tour sur leurs demandes internes donc sur leurs importations, bouclant le cercle de propagation du choc initial. Au sein de la zone euro cependant, l'étroite imbrication des économies entre elles a conduit à une harmonisation des effets de la crise, malgré des degrés d'exposition au risque au départ différents.

LES EFFETS ATTENDUS SUR LE COMMERCE MONDIAL

Alors même que la crise se déroulait, les mécanismes par lesquels les échanges extérieurs des pays industrialisés seraient affectés pouvaient d'ores et déjà être décrits. Les réajustements monétaires devaient d'abord se traduire par un effet prix : les pays ayant dévalué gagnant un avantage concurrentiel à l'exportation sur les marchés domestiques des économies industrialisées comme sur les marchés tiers et subissant, à l'inverse, le renchérissement de leurs importations. De plus, les restructurations annoncées allaient provoquer une contraction des demandes internes des pays en crise et donc de leurs importations.

En pénalisant directement les exportations des pays industrialisés, la crise des économies émergentes devait ainsi provoquer un affaiblissement global de la conjoncture qui affecterait à leur tour les importations des économies développées. Par exemple, les exportations françaises subiraient non seulement la contraction des importations asiatiques, mais aussi les effets de la crise sur l'activité en Allemagne, aux Etats﷓Unis, etc. Le commerce mondial allait donc se comporter comme une caisse de résonance du choc initial.

Si, qualitativement, les mécanismes de transmission étaient connus, l’ampleur des effets était, en revanche, difficile à quantifier a priori. L’impact direct de la contraction des importations des pays en crise devait être à la mesure du degré d'ouverture des économies industrialisées sur ces marchés donc, a priori, diverger sensiblement d'une économie à l'autre : avec près de 20 % de leurs exportations à destination de l'Asie, les Etats﷓unis étaient potentiellement plus affectés que la France pour laquelle cette région ne représente que 7 % des débouchés externes. Mais l'ampleur des divergences devaient être atténuée par le bouclage macroéconomique international : les pays les moins exposés pâtiraient des effets de la crise sur leurs partenaires plus ex 0sés et, à l'inverse, offriraient à ces derniers des débouchés relativement peu affectés.

L’analyse des statistiques disponibles à ce jour confirme, a posteriori, ces hypothèses.

LA CRISE S’EST EFFECTIVEMENT DIFFUSEE À L’ENSEMBLE DU MONDE

La crise des pays émergents a effectivement entraîné un ralentissement brutal du commerce international. En un an et demi, le taux de croissance du volume des importations mondiales est passé de 13,4 % à 1,5 % (en glissement annuel). Il faut remonter au second choc pétrolier pour constater une décélération semblable.

L’Asie est bien à la source du ralentissement mondial : la contribution des importations asiatiques commence à diminuer dès l'été 1997 et devient négative l'hiver suivant. La transmission au Japon, dont l'économie souffrait déjà d'une atonie persistante de la demande interne, est quasiment simultanée. Les Etats﷓Unis sont également affectés presque en même temps et les autres régions du suivent avec un retard variable.

Les moteurs du commerce mondial

Les évolutions des demandes mondiales adressées aux grands pays industrialisés et à la zone euro reflètent à la fois ce ralentissement en plusieurs temps du commerce mondial et le degré d'exposition de chacun aux zones en crise.

Le ralentissement des demandes mondiales en biens

La demande mondiale adressée au Japon, qui résulte pour 44 % des échanges vers le reste de l'Asie, est ainsi la plus rapidement et la plus fortement touchée. Les demandes adressées aux Etats﷓Unis et à la zone euro ralentissent en même temps mais moins brutalement. Le Canada, dont 80 % des exportations sont à destination des Etats﷓Unis, est largement protégé par la bonne conjoncture américaine.

L'analyse des contributions des importations des économies en crise aux demandes mondiales des pays industrialisés montre que la crise asiatique a eu un impact fort sur pratiquement toutes les économies industrialisées, à l'exception du Canada. En revanche, la crise en Europe de l'est, Russie comprise, n'a eu d'effets directs sensibles que sur la zone euro.

Enfin, les exportations des pays industrialisés ont ralenti suivant une hiérarchie et avec une intensité conformes à celles du ralentissement des demandes mondiales. On notera cependant que l'intensité du ralentissement a été plus forte aux Etats﷓Unis qu'au Japon, du fait de la rapidité avec laquelle les exportations américaines ont réagi à la variation de la demande mondiale.

Le ralentissement des exportations de biens et services

L’IMBRICATION DES ECONOMIES EXPLIQUE LA RELATIVE HOMOGÉNÉITÉ DES RÉACTIONS AU SEIN DE LA ZONE EURO

Contrairement à ce qu'on observe en comparant les grandes zones géographiques entre elles, les évolutions des demandes mondiales adressées aux différents pays de la zone euro présentent une grande homogénéité et une synchronisation quasiment parfaite.

Cette homogénéité apparente peut surprendre : le degré d'exposition au risque provenant des pays émergents varie en effet sensiblement d'un pays à l'autre. C'est qu'ici l'imbrication étroite des économies a joué à plein pour faire converger l'ampleur des effets de la crise.

La demande mondiale adressée à l'Allemagne a ainsi fortement pâti de la chute des importations d'Asie et plus encore (mais plus tard) de celle des importations d'Europe de l'Est. Mais elle a, par ailleurs, trouvé un soutien de la part de la demande en provenance des pays de la zone euro moins directement exposés.

Contributions à l'évolution de la demande mondiale adressée à l'Allemagne en points de pourcentage

La demande adressée à la France, en revanche, a moins souffert de la contraction des importations asiatiques et peu de l'extension de la crise à la Russie ' mais elle a subi le contre coup de l'affaiblissement de la conjoncture en Allemagne.

Contributions à l'évolution de la demande mondiale adressée à la France

Enfin, la demande adressée à l'Italie a presque été autant pénalisée par la crise en Asie et en Europe de l'est que l'Allemagne, mais a subi de surcroît, comme la France, le ralentissement des importations allemandes.

Contributions à l'évolution de la demande mondiale adressée à l’Italie

L'étroitesse des liens entre les économies européennes a donc uniformisé en grande partie les effets de ce qui se présentait au départ comme un choc externe asymétrique. On constate ainsi que la zone euro s'appuie bien, d'ores et déjà, sur la réalité d'une zone économique intégrée.

Jean﷓François Dauphin, ENSAE 89

(1) Cet article est la synthèse d'une étude parue dans le bulletin du mois de décembre 1999 de la Banque de France. Il s'appuie sur des statistiques disponibles au 15 novembre 1999.

Autrice

Jean-François DAUPHIN

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