Réforme du secteur public hospitalier. Concilier efficacité et qualité des soins
La réforme de l’hôpital est au centre du prochain projet de loi sur la santé. Cela montre toute l’importance du secteur hospitalier mais aussi ses difficultés récurrentes.
La qualité de sa production est reconnue en France comme à l’étranger : 79 % de nos compatriotes ont une bonne opinion des hôpitaux publics et les innovations sont fréquentes. Mais, depuis plus de 20 ans, les réformes se succèdent, signe des difficultés que le secteur hospitalier français rencontre pour s’adapter tant aux évolutions technologiques et démographiques qu’à la contrainte financière.
Un secteur économique majeur
Le service public hospitalier comprend deux types d’établissements : les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif qui produisent des soins classés globalement dans trois domaines : MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), psychiatrie et SSR (soins de suite et réadaptation). Ces deux types d’établissements sont en concurrence directe avec un troisième type d’établissements, les établissements privés à but lucratif appelés couramment cliniques privés.
En nombre d’établissements, les trois types d’établissements sont à peu près égaux (entre 1300 et 1400 établissements en 2006 suivant le type d’établissements). En termes d’activité, les établissements publics sont dominants, même s’il est difficile d’établir une véritable part de marché de chaque type d’établissements. En effet, les prix administratifs pratiqués sont très différents entre les établissements participant au service public hospitalier et les établissements privés à but lucratif. Par ailleurs, les parts de marché sont très différentes en fonction de l’activité.
MCO hospitalisation partielle MCO hospitalisation complète Psychiatrie hospitalisation complète SSR hospitalisation complète
Et. Publics 45% 62% 72% 40%
Et. Privés à but non lucratif 8% 8% 10% 30%
Et. Privés à but lucratif 48% 30% 18% 30%
Nombre d'entrées 6 612 10 237 630 876
Le secteur public hospitalier est un secteur économique majeur. Ses dépenses (près de 56 milliards d’euros en 2007 pour l’ensemble des établissements participants au service public) représentent plus du tiers de la consommation de biens et de soins médicaux ou encore 3 % du PIB. Par ailleurs, il emploie plus de 900 000 personnes.
Une qualité reconnue mais une productivité questionnée
La qualité des soins hospitaliers français est reconnue au niveau international. Le panorama de la santé publié par l’OCDE en 2007 montre que pour plusieurs indicateurs de survie, la France se trouve dans le peloton de tête des pays développés.
Par ailleurs, la recherche médicale française est de haut niveau : elle représente 30 % des publications scientifiques françaises et des nouvelles techniques sont régulièrement développées par les équipes hospitalières.
Néanmoins, ces performances sont contrebalancées par des interrogations sur l’efficacité de l’organisation interne des établissements et aussi celle du secteur hospitalier dans son ensemble qui ont des répercussions en termes de qualité et de coûts. Ainsi, par exemple, les délais d’attente aux urgences pourraient être réduits par une réorganisation des services comme l’ont montré des expériences menées ces dernières années. De même, la lutte contre les infections nosocomiales reste insuffisante malgré les progrès accomplis.
L’impact sur les coûts de ces questions d’organisation semble majeur. Un premier signe est la part importante des dépenses hospitalières dans les dépenses de soins même si cette part peut être aussi liée à l’insuffisance de l’organisation des soins ambulatoires : Les soins hospitaliers représentent, en France, 64% des dépenses de soins curatifs et de réadaptation hors produits de santé, contre 48% pour la moyenne des pays de l’OCDE.
Un deuxième signe est la disparité des coûts des soins entre établissements. Une étude de la CNAMTS a montré que le coût complet d’un séjour hospitalier en MCO dans une clinique privée à but lucratif est inférieur d’environ 40 % au coût du même séjour dans un hôpital public. Au sein de chacun des secteurs, les écarts de coûts sont aussi très importants entre les établissements.
Les causes de ces écarts de coûts sont nombreuses : on peut noter en particulier que le secteur hospitalier public assure la permanence des soins, que le statut des personnels peut être une source de surcoûts et que les établissements sont moins spécialisés que les cliniques privées. Néanmoins, des écarts de productivité existent. Les travaux de la mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier l’illustrent : la productivité des blocs opératoires est disparate et le nombre de personnels utilisés d’un secteur à l’autre peut aller de 1 à 2 pour la même opération.
Cette situation a conduit les pouvoirs publics a essayé d’accroître la capacité du système hospitalier à se réorganiser.
En 2002, le plan « hôpital 2007 » a été lancé visant à moderniser le secteur hospitalier tant public que privé. Ce plan comportait trois éléments :
1.un effort d’investissement global de 10 milliards d’euros ;
2.un changement des modes de tarification ;
3.une réforme de la gouvernance du secteur hospitalier
Une nouvelle réforme sera lancée cette année. Suite aux conclusions que la mission présidée par Gérard Larcher a rendues en avril dernier, le gouvernement présentera en septembre un projet de loi qui modifiera les conditions de fonctionnement interne de l’hôpital et les liens avec son environnement à travers notamment un accent mis sur l’organisation territoriale du système de santé.
Un changement des modes de tarification
Depuis 1983, les établissements participant au secteur public étaient financés à partir d’une dotation globale. Cette dotation était fixée établissement par établissement à partir de la dotation historique et d’un taux d’évolution prenant en compte la hausse des charges et la nécessité de rééquilibrer, entre établissements, les dotations historiques.
A partir de 2005, pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique, les établissements sont financés partiellement en fonction de leur activité. La part de ce financement à l’activité s’est accrue progressivement pour atteindre 100 % en 2007. Un financement par dotation demeure pour les missions d’intérêt général, comme l’enseignement et la recherche, ainsi que pour les activités de psychiatrie et de soins de suite et réadaptation.
Ce changement a un impact très important sur la situation financière des établissements publics. Certains établissements voient leurs recettes diminuer car leur dotation antérieure était trop importante relativement à leur activité alors que d’autres voient leurs recettes augmenter. Un dispositif est certes prévu pour lisser ces évolutions jusqu’en 2012, mais les établissements les plus dotés voient leurs recettes diminuer significativement chaque année.
Ce changement a aussi un impact sur les modes de gestion des établissements. En effet, jusqu’en 2005, les recettes des établissements étaient assez certaines. Dépendant désormais de l’activité, elles peuvent varier avec la capacité de l’établissement à attirer de l’activité et au gré des hasards. Les directions des établissements doivent donc mettre en place des outils de gestion nouveaux.
Enfin, cette nouvelle tarification a mis en lumière les écarts de tarification entre le secteur hospitalier public et les cliniques privées. Deux groupes de tarifs ont donc été mis en place. Une convergence des tarifs est prévue. Elle nécessite de mieux clarifier les causes des différences de coûts et notamment celui des contraintes de service public et d’accueil des établissements, afin qu’ils puissent être financés par des dotations spécifiques. Mais, elle va aussi conduire probablement les établissements de santé publics à devoir réaliser un effort de productivité supplémentaire.
Une évolution de la gestion interne pour plus de réactivité
Pour permettre aux établissements publics de s’adapter à ce changement important de leur environnement, les gouvernements successifs ont réformé les règles de gestion interne de l’hôpital. L’objectif était de mieux responsabiliser les personnels des hôpitaux et d’élargir l’autonomie des établissements.
Pour cela, le plan hôpital 2007 impose une réorganisation des hôpitaux en pôle par le regroupement des services existants. Une autonomie relative est donnée à ces pôles en ce qui concerne la gestion de leurs moyens tant matériels qu’humains. Un contrat est passé entre chaque pôle et les directeurs. L’objectif de cette création de pôles au-delà de la déconcentration des pouvoirs dans les établissements est de permettre les mutualisations de moyen. Il a aussi pour objectif d’associer mieux le corps médical à la gestion, puisque les chefs de pôle sont des médecins.
En revanche, le plan hôpital 2007 n’a que peu modifié le rôle des conseils d’administration et des directeurs d’établissements. Or, plusieurs inconvénients doivent être relevés. En premier lieu, les membres des conseils d’administration n’ont qu’une faible responsabilité financière. Au contraire, comme les élus locaux et les représentants du personnel sont majoritaires, les objectifs du conseil peuvent être inverses aux intérêts de l’établissement, par exemple quand celui ci est le principal employeur de la commune, ce qui arrive fréquemment. En second lieu, le directeur a un pouvoir très limité sur les médecins qui sont pourtant ceux qui sont responsables de l’activité des établissements.
La mission présidée par Gérard Larcher a proposé plusieurs évolutions qui devraient être mises en œuvre dans les établissements : renforcement des pouvoirs du directeur par rapport à ceux du conseil dont le rôle pourrait évoluer vers celui d’un conseil stratégique ; instauration d’un pouvoir hiérarchique du directeur sur les médecins en coordination avec une autorité médicale existante : le président de la commission médicale d’établissement.
L’objectif est de donner enfin au directeur de l’établissement le pouvoir de faire évoluer celui-ci.
Restructuration hospitalière et accès aux soins
Le thème de la restructuration hospitalière est relativement connu a travers les exemples médiatisés d’un certain nombre de petits établissements et les impacts locaux en termes d’emploi et d’activité économique.
C’est aussi un des enjeux majeurs des établissements de santé. En effet, du fait de l’évolution des techniques et de la démographie, les besoins en soins hospitaliers évoluent. Le besoin en lits en court séjour diminue du fait de la réduction des durées d’hospitalisation pour une opération donnée alors que celui de long séjour croît.
Le secteur des cliniques privées s’est beaucoup restructuré depuis une vingtaine d’années sous la pression financière et du fait de l’apparition d’investisseurs importants. Dans le secteur public, les restructurations sont nettement plus lentes. En 1996, la création des autorités régionales de santé et des schémas régionaux organisation des soins avaient pour objectif d’accélérer le mouvement de restructuration. Force est de constater que leur bilan est mitigé.
C’est pourquoi la mission Larcher a proposé la création de communauté territoriale hospitalière qui regrouperait les établissements publics appartenant à un même territoire de santé (grosso modo un département) sous une forme de coopération assez souple mais en donnant des pouvoirs de restructuration au directeur. Par ailleurs, la ministre de la santé a annoncé la création d’agences régionales de santé qui pourraient favoriser la nécessaire restructuration grâce à leur capacité de gérer l’amont et l’aval de l’hôpital.
Disposer de managers suffisamment autonomes et responsabilisés
L’ensemble de ces réformes vise finalement à deux seuls objectifs : mieux responsabiliser les établissements et leurs managers et déconcentrer les pouvoirs de décisions. Ce mouvement se heurte à de nombreux écueils : la culture jacobine du service public, l’insuffisance des systèmes d’information, les réactions de défense des différents corps administratifs. Deux obstacles apparaissent cependant plus contraignants : la multiplicité des objectifs politiques donnés aux établissements, producteurs de soins, mais aussi employeurs locaux et rôle dans le développement des territoires, ainsi que la difficulté de conjuguer dans le domaine de la santé, efficience économique avec service public.
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